Interview express avec Thierry Bodson, Président de la FGTB.
Le 24 mars, la FGTB organise une concentration au Mont des Arts. Le slogan ? « De l’air pour les salaires ». Est-ce que les travailleurs belges étouffent ?
Oui je crois qu’on est dans une situation totalement inédite, où les gens effectivement étouffent sous le poids des factures, où les familles ont peur de l’avenir ! Les témoignages que l’on reçoit, c’est réel ! Les gens se chauffent moins, achètent moins, certains ne savent plus se rendre au travail, ou mettent de leur poche pour aller travailler. Car rappelons-le, beaucoup de travailleurs DOIVENT prendre leur voiture pour aller travailler. Ce n’est pas un choix ! Dans de nombreux cas, il n’est tout simplement pas possible de prendre les transports en commun ! Donc les gens ont une voiture, mais ne peuvent pas mettre d’essence pour aller bosser ! Ce n’est pas normal. Il y a déjà eu des arrêts de travail, dans plusieurs entreprises, et il y en aura d’autres. On est dans l’urgence absolue. Les travailleurs ont vraiment l’impression qu’on ne les écoute pas. Les mesures prises par le gouvernement sont totalement insuffisantes, et en plus temporaires ! C’est incompréhensible ! On fait quoi après le 30 septembre ? Quand on devra recommencer à se chauffer ? Il n’y a aucune garantie pour l’avenir.
Le covid avait déjà pesé très lourd sur le monde du travail…
Oui, la pandémie a accru la pauvreté. Des gens ont perdu leur emploi, temporairement ou non, des entreprises ont fermé. Toutes les études l’ont montré : de nombreuses familles en plus ont eu recours à l’aide alimentaire, ou aux aides sociales, pendant cette période. Pourtant, parallèlement un rapport de la BNB nous dit que les sociétés en Belgique n’ont jamais eu des bénéfices aussi élevés ! Et pourtant les salaires des travailleurs restent bloqués. Le sentiment d’injustice est réel, et c’est normal ! Tous les ingrédients sont réunis pour qu’il y ait des arrêts de travail.
Vos revendications, aujourd’hui ?
Il faut passer du temporaire au définitif. La réduction de la TVA à 6% sur l’électricité et le gaz doit devenir permanente. Le tarif social élargi doit être appliqué pour une durée indéterminée. Les prix de l’énergie et des carburants doivent pouvoir être corrigés par un système de cliquet inversé. Enfin, il faut mettre fin à une aberration totale, en incluant enfin le carburant dans l’indice des prix utilisé pour indexer les salaires et les allocations sociales ! Nous demandons également le remboursement intégral des frais de transport des travailleurs et travailleuses.
Et les salaires ?
Bien sûr. La loi de 96 doit être intégralement revue. Cette loi nous empêche de négocier de véritables augmentations salariales, sous couvert de compétitivité avec les pays voisins. Or nos salaires montent moins vite aujourd’hui que dans les pays limitrophes. Bientôt, il n’y aura plus rien à négocier. La dernière fois, la marge était de 0,4%. De qui se moque-t-on ? Dans un contexte comme le nôtre, c’est de plus en plus inaudible. On nous a trop dit que la révision de cette loi ne figurait pas dans les accords du gouvernement. La prolongation du nucléaire n’y figurait pas non plus, semble-t-il, et pourtant… C’est donc que c’est possible.