Amiante: le nombre de victimes pourrait encore augmenter

Amiante: le nombre de victimes pourrait encore augmenter

Le chiffre de 90 000 victimes annuelles en Europe de cancers liés à l’amiante pourrait encore gonfler, en raison de chantiers à venir et d’une trop faible volonté politique de prendre le sujet à bras le corps.

Il est urgent de mieux protéger, réduire les taux d’exposition, prévenir. L’appel vient de la CES, la Confédération européenne des syndicats, dont fait partie la FGTB. A l’occasion de cette journée internationale d’hommage aux travailleurs décédés ou blessés, le syndicat européen fait le focus sur les – beaucoup trop – nombreuses victimes de cancers professionnels liés à l’exposition à l’amiante.

Ces victimes, et leurs familles, appellent aujourd’hui les dirigeants européens « à offrir aux travailleurs le niveau de protection le plus élevé possible contre l’amiante. »

L’amiante cause de cancers du poumon, de la plèvre…

Les chiffres sont élevés. En Union européenne, environ 90 000 personnes perdent la vie à cause d’un cancer lié à l’amiante, chaque année. Ce qui en fait la principale cause de décès sur le lieu de travail. L’amiante provoque la majeure partie des cancers professionnels du poumon, et du mésothéliome, cancer qui touche notamment la plèvre.

Contrairement aux idées reçues, l’amiante est très loin d’avoir disparu des lieux de travail : entre 4 et 7 millions de travailleurs y sont toujours exposés en Europe. Et l’on serait loin d’en sortir. Paradoxalement, les travaux de rénovation des anciens bâtiments viendrait aggraver la situation, sans une prévention adéquate. « Ce nombre devrait augmenter de 4 % au cours de la prochaine décennie », indique la CES, « en raison de rénovations de bâtiments dans le cadre du Green Deal de l’UE. »

« L’amiante est toujours présent dans les bâtiments des années 60 et 70, qui vieillissent, s’effondrent et les fibres d’amiante sont inhalées. Les gens doivent en être conscients. »

Eric Jonckeere, militant actif et président de l’ABEVA.

Interdit, mais…

« L’utilisation de l’amiante est interdite dans l’UE depuis 2005, et plusieurs États membres avaient adopté des interdictions de l’amiante bien avant cela. Le risque de cancer lié à l’amiante reste pourtant réel. Même si le matériau n’est pas activement utilisé et commercialisé, l’amiante intégré, par exemple dans les tuyaux, l’isolation, les poêles, les appareils de chauffage, les toitures, peut mettre en danger les personnes qui effectuent des travaux dans ces bâtiments. Ou encore les travailleurs du secteur des déchets et de l’assainissement. Les grands travaux de rénovation peuvent, en l’absence de mesures préventives adéquates, augmenter involontairement l’exposition, en libérant de l’amiante incorporé dans les matériaux de construction. »

Source : Agence européenne de l’environnement, 2022

Une « charge disproportionnée pour les entreprises » ?

Les syndicats demandent que la limite d’exposition professionnelle à l’amiante soit la plus sûre possible: 1 000 fibres/m3, comme le recommande la Commission internationale de la Santé au Travail et comme le soutient l’Union européenne. Malheureusement, l’intérêt des entreprises passe une fois encore avant celui des travailleurs. Une telle limitation réduirait pourtant considérablement le nombre de décès par cancer liés à l’amiante dans les prochaines années. « Cependant, la Commission européenne et le Conseil européens soutiennent toujours que ce serait une “charge disproportionnée pour les entreprises” et veulent une limite dix fois plus élevée. Cette limite est identique ou supérieure à la limite d’exposition à l’amiante actuellement en vigueur au Danemark, en France, en Allemagne et aux Pays-Bas, ce qui signifie que la limite qu’ils préconisent n’apporterait aucun avantage à un tiers de la population de l’UE. »

Appel aux dirigeants

C’est donc un appel à tous les dirigeants et décideurs politiques qui est lancé aujourd’hui: il est temps de prendre des mesures drastiques pour mettre fin à ce scandale interminable de l’amiante. “La rénovation indispensable des bâtiments dans le cadre du Green Deal va entraîner une augmentation de l’exposition des travailleurs à l’amiante », indique Claes-Mikael Stahl, Secrétaire général adjoint de la CES. « Les dirigeants de l’UE ont donc la responsabilité morale de leur fournir les conditions de travail les plus sûres possibles. En cette Journée internationale de la mémoire des travailleurs, il est temps que les politiciens tirent les leçons du passé et mettent enfin la sécurité des gens au-dessus des profits, quel qu’en soit le prix.”

Témoignage

Eric Jonckheere, président de l’Association belge des victimes de l’amiante (Abeva), et victime, témoigne.

« J’ai commencé par militer contre l’amiante, et ce n’est que plus tard que j’ai découvert que j’en étais aussi une victime. Mon père est mort d’un mésothéliome, puis ma mère est tombée malade à son tour. Elle nous a fait passer, à mes frères et à moi, des tests pour savoir si nous avions été en contact avec de l’amiante. Nous étions tous atteints. Mes parents et mes frères ont fini par en mourir. Avant son décès, ma mère a intenté une action en justice contre Eternit. Sa volonté était de sensibiliser les gens. L’industrie a menti sur les dangers de l’amiante et s’est déplacée de l’Europe vers les pays moins développés. Je veux pointer du doigt cette industrie, parce qu’elle n’agit que pour le profit. La santé de son compte en banque est plus importante que celle des travailleurs.

L’amiante est toujours présent dans bâtiments des années 60 et 70, qui vieillissent, tombent en ruine et les fibres sont inhalées. Les gens doivent en être conscients. En tant que président de l’ABEVA, nous aidons les familles avec les papiers, nous apportons notre soutien.

Quant à moi, je savais que j’avais de l’amiante dans les poumons, mais on passe à autre chose, jusqu’au moment où l’on apprend que l’on est le prochain. Tout ce que vous aviez prévu tombe à l’eau, c’est comme un tsunami qui vous enlève tout : votre santé, votre travail, vos projets. Et dans mon manque de chance, j’ai été privilégié, car je savais déjà que je l’avais en moi, nous n’avons pas perdu de temps avec des tests. Je faisais partie des 5 % opérables, les médecins ont tout enlevé. Alors, deux ans plus tard, me voilà. »

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Aurélie Vandecasteele
Rédactrice en chef, Syndicats Magazine, FGTB

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