Vrai ou faux, Thierry Bodson ?

Vrai ou faux, Thierry Bodson ?

Petit « débunkage » des contre-vérités qui circulent à la veille des élections, avec Thierry Bodson, président de la FGTB. Rétablissons les faits qui se cachent derrière les slogans trompeurs…

On entend – surtout à droite – qu’il faut réduire les dépenses publiques, sanctionner, couper dans les allocations de chômage… Que dit au contraire la FGTB à ce propos ?

Réduire les dépenses, ça signifie réduire la protection sociale, les remboursements de soin de santé, toucher aux pensions, aux allocations… Mais aussi aux services publics. On a vu le résultat pendant les inondations en province de Liège, pendant le Covid… Réduire les moyens, c’est mettre en péril la protection des gens au jour le jour, et aussi ne pas pouvoir investir dans la sécurité sociale…

Mais il y a aussi tous les aspects, et on l’oublie souvent, liés à l’enseignement et à la formation. Ça fait aussi partie des dépenses publiques. On ne peut pas dire « il faut se préparer à une économie qui va changer, à une économie bas carbone » — alors que même la droite est d’accord avec ça — et en même temps diminuer les moyens mis à disposition de la formation des travailleurs, pour s’adapter à ce changement…

Quid de l’indexation automatique des salaires ? La Belgique est le seul pays avec le Luxembourg à disposer de ce système. Si on écoute notamment la FEB, cette indexation automatique serait la cause d’une spirale prix-salaires sans fin. Qu’est-ce qui est vrai ou faux là-dedans ?

Je voudrais répondre en trois temps. Le premier élément, c’est de dire que la Belgique et le Luxembourg ont des économies qui fonctionnent mieux que les pays voisins — Pays-Bas, Allemagne, France — qui n’ont pas ce système d’indexation automatique. Il n’y a donc pas de lien entre ce système et une économie qui fonctionne bien ou pas.

Ensuite, cette indexation automatique — et tous les économistes le reconnaissent — a permis de maintenir le pouvoir d’achat en Belgique pendant les crises successives que nous avons connues.

Enfin, il y a là quelque chose d’indécent de la part de ceux qui s’attaquent à l’indexation automatique, parce que ça veut dire qu’ils ont pour volonté de maintenir la compétitivité sur le dos des travailleurs. Autrement dit, on compte sur la diminution du pouvoir d’achat des gens pour maintenir l’activité économique. Ce n’est pas acceptable. De façon globale, les salaires représentent 25% des coûts de production. Le reste c’est l’énergie, les investissements, les amortissements, la rémunération du capital… Mais jamais on ne parle de ces 75% si on veut rester compétitif. Nous demandons des études sérieuses à ce sujet.

D’aucuns à droite toujours prétendent que les allocations de chômage sont trop hautes, et trop proches du montant du salaire minimum. Qu’est-ce que tu leur réponds ?

Premièrement, que le salaire minimum est trop bas, et qu’il faut l’augmenter encore. Il a augmenté de deux fois 50 € ces dernières années, mais c’est insuffisant. Deuxièmement, que c’est faux. La différence entre le salaire minimum et l’allocation de chômage moyenne est de l’ordre de 670 € par mois. C’est donc plus que ce que les partis de droite réclament, quand ils disent qu’il faut absolument 500€ de différence.


«  Le salaire minimum est trop bas, il faut l’augmenter encore. Il a augmenté de deux fois 50 € ces dernières années, mais c’est insuffisant. »

— Thierry Bodson, président de la FGTB

Est-ce qu’il y a un piège à l’emploi ? Oui, mais parce que la majorité des emplois proposés sont à temps partiel. On perd alors une allocation de chômage et on se retrouve avec un temps partiel, souvent sans complément. Là il y a un vrai problème, qui vient de fait que les patrons ne proposent que trop peu d’emplois à temps plein.

Quid du caractère « illimité » des allocations de chômage ? Que réponds-tu à ceux qui veulent les limiter dans le temps ?

Une chose qui me paraît assez importante à rappeler, c’est que dans les pays voisins — toujours ceux avec lesquels on se compare : Pays-Bas, Allemagne, France — on ne laisse pas mourir les gens de faim, d’accord ? Et donc, lorsqu’on sort de l’allocation de chômage dans ces trois pays-là, on entre dans une allocation de fin de droit qui est relativement comparable à l’allocation de chômage. La spécificité de la Belgique c’est que si on limite les allocations de chômage dans le temps, alors on reçoit un revenu d’intégration, au niveau du CPAS. Soit une allocation qui est à charge principalement des régions et non pas de l’État fédéral. C’est donc un transfert de la sécurité sociale vers les régions, quelque chose que nous ne pouvons pas évidemment accepter.

Par ailleurs, je ne comprends pas qu’on ait toujours cette demande de la droite de limiter les allocations de chômage dans le temps, en prétendant, « les gens vont aller travailler, c’est la solution à tous les problèmes ». Non. Des études ont été réalisées par l’ONEM et par des instituts internationaux pour dire que ça ne marchait pas.

Pire encore, on a connu en Belgique une expérience grandeur nature quand on a décidé en 2014 de limiter à 3 ans les allocations d’insertion pour les jeunes. Ça n’a rien changé. Le bâton ne fonctionne pas, et on a constaté que parmi ces jeunes, la moitié se sont retrouvés au CPAS et l’autre moitié a disparu de la circulation, s’est retrouvée hors radar. C’est donc très difficile de reprendre contact avec eux et peut-être de leur remettre le pied à l’étrier. Donc non seulement c’est inutile mais en plus ça n’a aucun sens tant d’un point de vue économique que d’un point de vue social.

Aurélie Vandecasteele
Rédactrice en chef, Syndicats Magazine, FGTB

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