Fraternités ouvrières: “Le but, c’est la rencontre. Le point commun: le jardinage”

Fraternités ouvrières: “Le but, c’est la rencontre. Le point commun: le jardinage”

Les “Fraternités ouvrières” vous ouvrent leurs portes tous les jeudis. Ateliers, collection de graines, jardin potager, bibliothèque: ici, on reprend les rênes d’une alimentation variée, durable et accessible à toutes et tous.

Nous sommes dans la rue Charles Quint, à Mouscron. Une rue typique du Centre-Ville, où les maisons de rangée se suivent. Sur la porte du numéro 58, une affiche “faite maison” indique “Fraternités ouvrières”. Écrits à la main, les horaires d’ouverture. Des autocollants, aussi, qui portent le message “Racisme, non merci”. Car c’est bien ça, les Fraternités ouvrières. Un lieu d’échange, de solidarité, de simplicité, de militantisme, aussi, où tout le monde est le bienvenu.

Cette porte, le magazine Syndicats l’avait poussée il y a une dizaine d’années déjà. Une époque où les fondateurs du lieu, Josine et Gilbert Cardon, étaient encore à la manœuvre. Aujourd’hui, Josine vit en maison de repos, et Gilbert nous a malheureusement quittés en 2020. Mais une équipe de bénévoles poursuit l’aventure dans l’habitation du couple, et dans le potager de…1800 mètres carrés. Une aventure lancée il y a près de 50 ans… Nous rencontrons Ignace Bruneel, président de l’association, et Michel Vanhulle, animateur.

Des centaines de variétés de légumes

“Notre activité principale, c’est l’achat groupé de graines”, explique M.Bruneel. “Nos membres peuvent ensuite acheter ces graines, mais nous ne sommes pas un commerce. Nous appliquons la plus petite marge possible, juste assez pour couvrir nos frais. Le but n’est pas de faire des bénéfices, mais bien de faire connaître des légumes, des variétés qu’on ne trouve pas ou plus en magasin.” Et, au passage, de ne pas laisser les semences dans les seules mains des géants de l’agroalimentaire. “Il y a là une vraie revendication politique. Il faut éviter que les “gros” prennent le monopole sur la nourriture des gens. On a vu à travers le monde des enfants intoxiqués aux nitrates, du bio hors de prix… Non… Il faut cultiver.”

500 variétés de tomates, 200 de laitues, et bien plus, c’est ce que l’on trouve dans la grainothèque située à l’arrière de la maison. Les variétés de plantes viennent du monde entier: légumes, condimentaires, herbes, arbres fruitiers… “On a de tout, jusqu’aux bananes. Ici, on a cultivé tout ce qui était possible: des citrons, des variétés rares. Le kiwi, par exemple, vient des mêmes latitudes que nous!”

De nombreux visiteurs s’affairent et cherchent la perle rare qui va venir compléter leur potager. Attention, et c’est bien indiqué: il faut être membre pour “se fournir en semences et faire des achats à la petite coopérative”. Une cotisation de quelques euros est alors demandée. “Tous nos membres sont des jardiniers à domicile, ou alors des gens qui viennent jardiner ici. Certains cultivent sur leur balcon!” Un sachet de semences coûtera entre 50 centimes et un euro. “Mais on sent quand même l’inflation qui frappe… Les graines sont plus chères qu’avant.”

Les sachets comportent 5 graines, “et pas 25 comme dans la grande distribution. On préfère que les gens achètent plus de variétés différentes, dans des quantités moindres.”

Au départ, le partage

En plus de la vente, les Fraternités ouvrières organisent des cours de jardinage, où des connaissances anciennes sont partagées. “Avant, à Mouscron, tout le monde avait un potager. Mais aujourd’hui, les gens ont des pelouses”, explique M.Vanhulle. “Les connaissances se perdent dans les modes de vie d’aujourd’hui. On discute de tout cela ici. Le but, c’est la rencontre entre les gens. Le point commun, c’est le jardinage.”

“Cultiver sans engrais chimiques, sans pesticides, passer au bio accessible pour tous, planter des fruitiers, préserver la biodiversité, découvrir des légumes oubliés ou méconnus, créer un micro-climat favorable au cultures, une agroforesterie et enfin un jardin forêt. Préserver ce que la nature nous offre et préserver notre planète et la garder viable pour nos enfants et petits enfants. Ces derniers temps notre ‘mère-terre’ nous le rappelle assez souvent par des signes inquiétants.”

Site des “Fraternités ouvrières

C’est dans les années 70 que le projet voit le jour. La région est alors frappée par la crise textile. “Il fallait trouver de quoi manger à bas prix. Gilbert Cardon était délégué syndical. Cet aspect a toujours été important pour lui. Tout a commencé par des achats groupés entre plusieurs familles ouvrières. Il faut savoir que Josine et Gilbert sont allés en Bolivie avant de revenir à Mouscron. Ils vivaient en altitude, avec les mineurs. Ils avaient la fibre du partage, et c’est ce qu’ils ont appliqué ici. Pas de clans, pas de privilégiés. On partage avec tout le monde. Leur but, ça a toujours été la défense des plus fragilisés.”

Appel aux dons

Une petite quinzaine de bénévoles s’affairent à la gestion des Fraternités. La réputation du jardin et des semences n’est plus à faire. “Nous avons des Alsaciens qui viennent chaque année! Une personne vient également en train du Sud de la France pour acheter des graines.” Une vraie communauté de fidèles s’est créée autour du projet, mais des gens de passage font également le déplacement. “On voit de plus en plus de jeunes, des familles. Ce, malgré le fait qu’avec le rythme de travail, le temps libre se fait rare.”

Pendant notre visite, nous rencontrons une personne qui travaille au Musée de Folklore et Vie frontalière local. Son but, acheter des graines pour le jardin ethno-botanique de l’institution. “On met en lien les plantes régionales d’autrefois avec les objets et les scènes de la vie quotidienne présentées dans notre musée. Ici, c’est une mine d’or pour retrouver les anciennes variétés locales!”

Mais les Fraternités ouvrières ont besoin de soutien. Si le nombre de membres reste élevé (plus ou moins un millier de membres “actifs” chaque année, pour un total de 6000 inscrits), les charges le sont également. “Nous occupons toujours la maison des fondateurs, nous avons un bail de trois ans. Ensuite… on verra. Nous avons lancé un appel aux dons pour couvrir le loyer, les charges, les assurances pour les bénévoles.” Pour faire un don, c’est par ici! Vous y trouverez les explications et le numéro de compte bancaire.

Par ailleurs, les “Fraternités” offrent également des cours en ligne et des conseils sur leur blog et leur page Facebook.

Aurélie Vandecasteele
Rédactrice en chef, Syndicats Magazine, FGTB

Une réaction sur “Fraternités ouvrières: “Le but, c’est la rencontre. Le point commun: le jardinage”

  1. Comme c’est beau & intéressant à lire !
    Partout, pas seulement à Mouscron, peu de potager & beaucoup de pelouses…

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