L’arnaque du “stage non rémunéré”

L’arnaque du “stage non rémunéré”

Nombreux sont les Belges qui, au cours de leurs études, sont passés sans broncher par la case “stage non rémunéré”. Non rémunéré au point, souvent, d’en devenir payant. Le ou la stagiaire paie ses déplacements plein pot, ses repas, parfois son logement, pour pouvoir se former dans une entreprise, et valider ses compétences. Dans les milieux hospitaliers notamment, le recours à des stagiaires est intense. Une opportunité pour les jeunes? Pas toujours. Surtout pas pour ceux qui vivent déjà sur le fil.

Travail gratuit

Car dans les faits, qu’en est-il? C’est l’Union syndicale étudiante (USE) et les Jeunes FGTB qui posent la question. Ils démarraient récemment leur campagne “Pas de salaire, pas de stagiaire”. Très souvent en effet, l’entreprise attend du jeune qu’il ou elle soit capable de remplir les mêmes tâches qu’un salarié. “Les stages demandent un investissement considérable de la part des stagiaires. Ces stages ne sont pas rémunérés et constituent une forme de travail gratuit. Ils renforcent la précarité étudiante ; les frais de déplacement, de logement et de matériel étant à la charge des stagiaires”, communiquent l’USE et les Jeunes FGTB. “En contrepartie de ces heures prestées gratuitement : pas de protection liée au droit du travail ni d’accès à la sécurité sociale. Pourtant, les stagiaires effectuent dans la majorité des cas le même travail que le personnel salarié.”

L’USE menait en 2019 une enquête sur la situation des stagiaires en Belgique. 434 jeunes y ont répondu. Les résultats indiquent que près de 75% des stagiaires ont eu à couvrir des dépenses liées au stage. Celles-ci sont surtout liées aux déplacements et au matériel nécessaire, ainsi qu’à l’achat de vêtements de travail. 88,7% des stagiaires interrogés n’ont reçu aucune rémunération pour les heures prestées. 7,8% seulement ont pu compter sur une indemnisation ou sur quelques avantages. Enfin, au niveau des tâches, 83,7% des stagiaires ont indiqué que le travail exigé d’eux/elles était “toujours ou la plupart du temps” semblable à celui demandé aux salariés de l’entreprise.

Job et stage non rémunéré : l’impossible cumul

L’un des arguments mis en avant par la campagne est l’impossibilité de cumuler heures/jours de stage et travail étudiant. Le jeune doit alors bien souvent faire l’impasse sur sa seule source de rémunération. Rappelons les résultats d’une enquête menée par l’ULB en 2021: 30% de l’ensemble des étudiants interrogés indiquent que leurs ressources financières viennent principalement de leur travail rémunéré. Plus de la moitié de ces « jobistes » déclarent que ce job leur est “indispensable pour vivre“.

Particulièrement vrai en milieu hospitalier

Si dans un monde idéal, un étudiant n’aurait pas besoin de travailler en plus de ses études, ce n’est pas la réalité aujourd’hui. La précarité étudiante est croissante, et la non rémunération des stages est un facteur aggravant. “Les stages ont parfois davantage pour objectif de combler un manque de personnel que de servir l’apprentissage d’un métier. Le nombre d’heures que certains et certaines stagiaires doivent prester pour valider leur cursus est surréaliste. Par ailleurs, les stagiaires doivent souvent faire des heures supplémentaires et dépassent l’horaire d’un temps-plein. Le travail de nuit est également une réalité des stages en milieu hospitalier”, poursuivent les initiateurs de la campagne. C’est en effet dans ce milieu en particulier que le phénomène est le plus visible. “On y comptabilise le plus grand nombre d’heures de stages, les secteurs publics étant sous-financés et reposant en grande partie sur une main d’œuvre gratuite. Et ce sont majoritairement les femmes, surreprésentées dans ces secteurs, qui subissent cette exploitation. Il est urgent de reconnaître le travail des stagiaires en tant que tel, de le rémunérer et de débanaliser l’exploitation des femmes et des stagiaires.” La solution? “Un refinancement des services publics pour mettre fin à l’utilisation abusive des stagiaires dans les secteurs du soin.”

“Sur nos quatre ans de cursus, on doit prester 2012 heures de stage sans aucune rémunération.”

Une étudiante sage-femme

Parmi les revendications de l’USE et des Jeunes FGTB figurent la fin du stage non rémunéré via un salaire, une prise en compte de ce salaire dans les dispositifs de sécurité sociale, un remboursement des frais liés à l’exercice de ce stage. Une pétition est d’ailleurs en ligne sur ce sujet.

L’influence du milieu

Outre l’aspect purement financier, la campagne met en avant un aspect plus sociologique lié à la pratique des stages, en général, dans l’enseignement supérieur. La recherche d’un stage – la plupart du temps par l’étudiant lui-même – repose beaucoup sur son milieu, ses relations socio-culturelles, voire sa famille. Un jeune favorisé socialement décrochera généralement un “meilleur” stage que celui qui ne bénéficie pas du même environnement. Et se reproduisent alors des schémas de privilèges que l’on retrouve un peu partout dans la société. Cette campagne est également l’occasion de mettre sur la table un débat plus large sur la recherche de stages, l’encadrement par les établissements scolaires et le rôle des entreprises.

Aurélie Vandecasteele
Rédactrice en chef, Syndicats Magazine, FGTB

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