Manifestation européenne contre l’austérité: “Il faut rendre de l’espoir au monde du travail”

Manifestation européenne contre l’austérité: “Il faut rendre de l’espoir au monde du travail”

Des milliers de syndicalistes venus de toute l’Europe se sont réunis à Bruxelles en ce 12 décembre. Leur but ? Dénoncer les politiques d’austérité portées par l’UE, qui menacent la sécurité sociale, les services publics, les soins de santé… Tous drapeaux dehors, des militants italiens, français, luxembourgeois, slovènes, et bien d’autres ont accompagné la CES et les syndicats belges dans cette grande marche vers les institutions européennes.

CONTEXTE

L’Euro-manifestation se déroulait à l’approche du Conseil européen de ces 14 et 15 décembre. Lors de ce sommet, les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne pourraient évoquer la réforme du « Pacte de stabilité et de croissance ». Réforme que les ministres européens des Finances tenteraient de concrétiser le 18 décembre prochain. Concrètement, cela signifierait pour les États membres des coupes imposées dans la sécurité sociale ainsi que dans les services publics et les investissements. La réforme intervient après que les anciennes règles aient été suspendues en 2020, afin de faire face aux retombées économiques de la pandémie de Covid-19.

« De nouvelles règles doivent entrer en vigueur le 1er janvier mais il n’y a eu jusqu’à présent aucun accord sur ce qu’elles devraient être », indique la Confédération européenne des Syndicats.  « La proposition actuelle implique que les États membres affichant un déficit budgétaire de plus de 3% du PIB devront chaque année le réduire de minimum 0,5% du PIB. »

L’équivalent de milliers d’emplois

« Un retour à l’austérité tuerait des emplois, réduirait les salaires, signifierait encore moins de financement pour des services publics déjà surchargés et garantirait presque certainement une autre récession dévastatrice », ajoute Esther Lynch, Secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats (CES).

De quoi parle-t-on exactement ? Selon le projet actuel, et d’après les calculs de la CES basés sur les données de la Commission européenne, 14 des États membres de l’UE seront contraints de réduire leurs budgets de 45 milliards d’euros pour la seule année prochaine. Pour la Belgique, cela représente 2,7 milliards d’économies à réaliser sur les politiques publiques et sociales. Soit, pour objectiver ces chiffres, l’équivalent de 37.888 infirmiers ou infirmières, ou de 82.500 profs, dont les salaires ne seraient plus financés.

Un besoin d’investissements

Thierry Bodson, président de la FGTB, ce retour à l’austérité prévu par l’Europe va à contre-sens des besoins et des défis sociétaux qui nous font face, dont – notamment – la crise climatique. « L’austérité doit être absolument évitée. Ce dont on a besoin, c’est d’investissements. On a devant nous plusieurs grands défis, dont la juste transition. Qui demandera des investissements pour les travailleurs et travailleuses en termes de formation, mais aussi pour les entreprises en termes de nouveaux process, d’innovation. Mais aussi dans les transports publics, etc. En Belgique – mais pas seulement! – il y a de la marge. On constate, de rapport en rapport issus de la banque nationale ou d’autres institutions, que beaucoup d’entreprises font de très gros bénéfices et que la croissance est encore relativement présente. Donc je le répète, il y a de la marge pour pouvoir investir. Mais il faut que l’outil fiscal soit utilisé beaucoup mieux qu’il ne l’est aujourd’hui. Il faut mettre en œuvre très rapidement le socle minimum européen en ce qui concerne l’impôt des sociétés. En bref, il faut faire autre chose que de l’austérité, et aller chercher les moyens là où ils se trouvent. »

Il faut des solutions positives

L’austérité, c’est aussi le moyen le plus sûr de créer des frustrations supplémentaires au sein de la population, qui a déjà payé très cher le prix des crises successives. S’attaquer une fois encore aux  services publics ou à la sécurité sociale, c’est à nouveau faire le jeu de l’extrême droite. « C’est un long combat, mais il faut le mener. Il faut qu’on rende des perspectives aux citoyens, aux travailleurs. Il faut résoudre les problèmes par le haut, positivement. Ne pas systématiquement s’attaquer aux allocations de chômages, à l’âge de la pension… Il faut rendre de l’énergie et de l’espoir au monde du travail. »

Sophie Binet, Secrétaire générale de la CGT, abonde en ce sens. « Nous savons que les politiques austéritaires sont rejetées par les populations. Elles pèsent lourd dans le repli, dans les votes europhobes, et dans les votes pour les partis d’extrême droite. Notre mobilisation d’aujourd’hui, elle vise aussi à dire, à la veille des élections européennes, qu’il y a urgence à ce que les exigences des travailleuses et travailleurs soient entendues. Pour construire une autre Europe. Une Europe qui ne soit plus au service du capital mais bien au service des travailleuses et des travailleurs. »

“Une triple hérésie”

La CGT était présente en masse à la manifestation bruxelloise, tout comme d’autres organisations syndicales françaises. En France, les mesures d’austérité représenteraient 13 milliards d’économies par an. Pour reprendre le calcul de la CES, c’est ici l’équivalent de près de 500 000 profs non financés.  « Les discussions qui ont lieu cette semaine à Bruxelles, elles sont cruciales », poursuit Sophie Binet.

« Le retour aux règles d’austérité, ça serait une triple hérésie. C’est d’abord une aberration économique. On l’a vu en 2008 : c’est l’austérité en Europe qui a plongé l’Europe dans la crise. On le voit aujourd’hui : c’est la politique de hausse des taux de la Banque centrale européenne qui met en danger nos emplois. C’est une aberration au niveau social. Parce que ça veut dire moins d’argent pour nos services publics, alors que nous avons besoin de plus de cohésion sociale. Alors que dans le même temps, nos gouvernements baissent les impôts des plus riches et multiplient les aides aux entreprises. Enfin, l’austérité, c’est un non-sens environnemental. Puisque nous savons que face à la crise environnementale, il faut des investissements rapides et massifs. »

L’Europe des travailleurs

Autre pays qui serait très lourdement impacté par la décision européenne : l’Italie. Maurizio Landini, Secrétaire général de la CGIL (Confédération générale italienne du travail), était également à Bruxelles. Avec une large délégation de militants italiens. « C’est un combat très important. Nous, syndicats italiens venons à cette manifestation avec derrière nous des mois de mobilisations, de grèves, de luttes parce que  ces politiques européennes – mais aussi des gouvernements – de coupes claires dans les dépenses sociales, de santé d’éducation, ont conduit à la précarité et à la réduction des droits des travailleurs. »


« Nous voulons que l’Europe devienne l’Europe sociale. Qu’elle soit l’Union européenne des travailleurs, et pas seulement celle des marchés, de la finance, des entreprises, comme elle l’a été jusqu’à présent. »

— Maurizio Landini

Aurélie Vandecasteele
Rédactrice en chef, Syndicats Magazine, FGTB

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