“Intérim à vie”: des années dans l’incertitude

“Intérim à vie”: des années dans l’incertitude

Un contrat de travail intérimaire, un tremplin vers un emploi fixe ? Beaucoup s’accrochent à cette idée. Pourtant, de très nombreux travailleurs intérimaires restent coincés dans ce système de travail pendant plusieurs années, sans perspective d’amélioration.

6, 7, 10 ans d’affilée… Auprès du même utilisateur. Avec seulement des contrats intérimaires. C’est loin d’être rare. Le travail intérimaire passe de temporaire à permanent. La FGTB Intérim a recueilli des centaines de témoignages de travailleurs intérimaires, qui ont été employé pendant plusieurs années consécutives sur la base des contrats de courte durée. Une campagne nationale dénonce actuellement ce carrousel infernal et appelle les pouvoirs publics à s’attaquer aux abus en la matière.

« Pendant 7 ans, j’ai enchaîné les contrats intérims sans garantie, malgré ma volonté de travailler. Une histoire de promesses non tenues et des pertes de temps. » – Bruno*

L’intérim : pour un peu ou pour toujours ?

Par définition, qu’est-ce que le travail intérimaire ? En principe, il s’agit d’un travail temporaire. Il est défini par la loi et ne peut être justifié que par le remplacement d’un travailleur, par un accroissement temporaire de travail dans une entreprise, par l’exécution d’un travail exceptionnel, en vue d’un recrutement, pour des prestations artistiques ou dans le cadre d’un trajet de mise au travail.

La loi, c’est la loi?

Bien que la loi soit stricte et claire, elle n’est pas toujours appliquée correctement… Ou l’on observe des tentatives pour la contourner. De nombreux motifs offrent en effet la possibilité d’une prolongation, mais que se passe-t-il si l’entreprise utilisatrice applique plusieurs motifs successifs pour prolonger encore et encore la date d’expiration d’un contrat d’intérim ? Dans les petites entreprises en particulier, le contrôle de la délégation syndicale disparaît, ce qui accroît le risque d’abus.

L’incertitude prime

L’emploi précaire lié aux contrats de courte durée “oblige” les intérimaires à continuer à travailler en toute circonstance – malgré la maladie, des problèmes de garde d’enfants… Car si le contrat n’est pas renouvelé, pas de préavis ni de congé de recherche d’emploi, pas de salaire garanti en cas de maladie, etc. De plus, l’accès à l’aide au chômage pour les intérimaires n’est pas toujours évident. En résumé : de nombreux intérimaires vivent dans la crainte constante de perdre leur emploi et restent donc travailler en tant qu’intérimaire sur le long terme.

« Cela fait 7 ans que je suis intérimaire, sans perspective de meilleur contrat. » –

Fédérico*

L’enquête qui force à regarder la réalité en face

La FGTB Intérim a cherché – et trouvé – plus de 700 travailleurs intérimaires qui, pour diverses raisons, travaillent ou ont travaillé en permanence avec des contrats temporaires pendant plus d’un an. Voici les principaux résultats de l’enquête menée auprès de ces travailleurs et travailleuses. Vous en lirez plus sur le site www.interimavie.be.

Fait n°1 : souvent, la période ne se limite pas à un an (2 x 6 mois)

Près de 50% des personnes interrogées ayant plus d’un an d’expérience avec le travail intérimaire ont principalement travaillé sous contrat intérimaire pendant une période comprise entre 1 et 3 ans. Environ 30 % des personnes interrogées ont travaillé entre 3 et 5 ans sous contrat d’intérim. Et plus de 15 % ont au moins 6 ans d’emploi intérimaire au compteur. Dans ce dernier groupe, il y a même des rares cas avec plus de 15 ans d’intérim !

Fait n°2 : Le travail intérimaire de longue durée se situe souvent dans la même entreprise

Parmi les répondants ayant une longue expérience du travail intérimaire, le travail intérimaire est fréquemment effectué dans la même entreprise. Environ 78% des personnes interrogées ont plus d’un an d’expérience auprès du même utilisateur.

Fait n°3 : Le travail intérimaire de longue durée est présent dans un large éventail de secteurs, mais il y a quelques aberrances

Les entreprises qui emploient des travailleurs intérimaires pendant de longues périodes se trouvent un peu partout, mais certains secteurs sont en tête de liste.

Fait n°4 : Le travail intérimaire de longue durée n’est souvent pas un choix

Le travail intérimaire de longue durée de plein gré ? Plus de la moitié des personnes interrogées ont déclaré avoir accepté un travail intérimaire afin de pouvoir décrocher un contrat fixe. De même, plus de la moitié des répondants ont mis fin à un emploi intérimaire de longue durée en raison de l’obtention d’un contrat fixe, souvent dans une autre entreprise, comme révèlent les témoignages.

« Après 10 ans d’intérim dans la même (grosse) boîte, il est toujours impossible de négocier un contrat fixe, même un CDD ! Et l’évolution du salaire ? Je ne peux compter que sur l’index ! » – Francine*

Stop au carrousel des contrats intérimaires

Il est urgent de mettre un terme aux contrats intérimaires successifs de courte durée (contrats journaliers et hebdomadaires). Ils sont source d’incertitude pour le travailleur intérimaire et entraînent la perte de droits et d’avantages. Les contrats intérimaires de courte durée entraînent également des coûts qui sont normalement supportés par l’employeur. Ils sont répercutés sur la sécurité sociale et donc sur la société.

Une courte durée qui ne se justifie pas

Pour les agences d’intérim, les contrats hebdomadaires sont aujourd’hui la norme. Toutefois, dans de très nombreux cas, cette courte durée ne se justifie pas. En effet, la plupart des travailleurs intérimaires voient leur contrat prolongé de semaine en semaine (sauf en cas de maladie, de congé, etc.). De plus, les agences d’intérim savent très bien que le client-utilisateur a l’intention d’occuper le travailleur intérimaire pour une période bien plus longue qu’une semaine.      

La FGTB veut endiguer la précarité et l’emploi précaire qu’engendrent les contrats intérimaires courts et successifs. Les contrats d’intérim doivent être conclus pour une durée correspondant à la durée réelle de la mission auprès d’un même utilisateur. Il faut par ailleurs limiter le nombre de contrats d’intérim à un maximum de 25 par an et par travailleur intérimaire.

« L’emploi à long terme avec des contrats intérimaires de courte durée et consécutifs n’est pas justifiable dans de très nombreux cas. En effet, la plupart des intérimaires voient leur contrat prolongé de semaine en semaine. La FGTB veut endiguer cette précarité d’emploi. »

Geoffrey Goblet, porte-parole de la FGTB Intérim

* Les témoignages présentés dans cet article ont été fournis sous pseudonyme afin de protéger la vie privée de chaque travailleur. De plus amples informations sur la campagne de la FGTB Intérim sont disponibles sur le site www.interimavie.be

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Lire aussi x

Syndicats Magazine

GRATUIT
VOIR