Le 9 octobre dernier, le siège national du syndicat CGIL à Rome a été attaqué en marge d’une manifestation anti vaccination/pass sanitaire, par des représentants de groupes néo-fascistes. Douze personnes ont été arrêtées dans la foulée. Une semaine plus tard, des dizaines de milliers de militantes et militants ont occupé les rues de Rome et de Bruxelles. En solidarité. Parce que s’attaquer à la CGIL, la plus grande fédération syndicale italienne, c’est s’attaquer à la démocratie, au monde du travail. Un phénomène qui dépasse les frontières italiennes et qui appelle à la solidarité internationale.
Des délégations à Rome et à Bruxelles
La FGTB était présente dans les deux capitales. A Bruxelles, devant le Parlement européen, Thierry Bodson, Président, a rappelé la nécessité pour les syndicats de s’investir dans la lutte contre l’extrême droite : « Les syndicats sont souvent les premières victimes de la violence fasciste, car ils forment un pilier de la démocratie et le premier contre-pouvoir dans notre société. La lutte contre l’extrême droite est une priorité que nous, les syndicats, devons continuer à affirmer ici, ailleurs, partout en Europe. »
Rafael Lamas, responsable du département international de la FGTB, était quant à lui à Rome. “L’annonce de l’attaque a provoqué des réactions vives au sein de la FGTB. Nous avons alors décidé de réagir de 2 manières : en envoyant une délégation sur place pour montrer notre solidarité, et en soutenant une action à Bruxelles avec prises de parole. Notamment des syndicats belges, mais aussi de syndicats italiens, européens, internationaux.”
La CGIL, un symbole de la démocratie
Entre 100 000 et 200 000 personnes, selon les sources. C’est donc une manifestation géante qui s’est tenue à Rome contre le fascisme, et en soutien à la CGIL. Les deux autres grands syndicats italiens étaient présents. La détermination était palpable, les slogans forts. Une délégation d’une quinzaine de personnes, issues de différentes instances de la FGTB, s’est rendue à Rome. “Cela a été apprécié par les camarades de la CGIL”, poursuit Rafael Lamas. “Le matin, avant la manifestation, nous avons tenu une réunion avec les délégations internationales. L’enjeu? Une stratégie commune pour faire face à l’extrême droite. Ce rassemblement était important, comme l’a signalé Maurizio Landini de la CGIL, non seulement pour dire NON au fascisme, mais aussi pour dire OUI à la culture et à la connaissance. Il faut combattre l’extrême droite par l’éducation. Car en détruisant les locaux de la CGIL, qui représentent un patrimoine culturel important, on s’attaque à des symboles de la démocratie. On a entendu ici un message positif, pour redonner espoir aux jeunes.“
Triste anniversaire : l’attaque a eu lieu 100 ans après des assauts fascistes contre des partis politiques et syndicats, menés durant l’ascension de Mussolini. L’histoire se répète… “Pas de la même manière“, dirait notre camarade Bruno Verlaeckt, lui aussi présent à Rome avec plusieurs syndicalistes anversois.
“Ne pas sous-estimer ce qui s’est passé à la CGIL”
Parmi eux, le président de l’UBT et de l’ETF (la fédération européenne des travailleurs du transport), Frank Moreels. Qui insiste sur le sérieux de la situation, et l’importance de faire front. “Ce qui se passe là-bas, c’est très grave. On ne doit absolument pas sous-estimer les faits, ce serait une grosse erreur. L’extrême droite cherche à déstabiliser les institutions démocratiques, à attaquer les syndicats. Et il ne faut pas croire qu’il s’agissait d’un incident spontané, apparu juste après la manif antivax… Ce qui s’est passé ici cadre avec une campagne beaucoup plus large. On nous a expliqué sur place que plusieurs attaques avaient également été menées vers des bureaux régionaux de la CGIL. Parallèlement, le site internet du syndicat a été victime d’un piratage. C’est très clairement organisé.”
Si l’attaque est grave, la réponse fut belle. “J’ai été impressionné par la foule qu’il y avait là. On parle de 100 000 personnes ou plus. Il y avait un vrai enthousiasme, une belle unité, et une très forte détermination. L’idée globale c’était: “on ne va pas se laisser faire”. Des jeunes et des gens plus âgés portaient le même message.”
Agir ensemble
“Il fallait qu’on soit là. Ce qui s’est passé en Italie, ça peut se passer chez nous. Ce n’est pas un problème italo-italien, il faut s’enlever ça de la tête. On se doit d’agir ensemble.” Agir oui, mais comment? “On doit prendre les choses très au sérieux, et amener un narratif positif à la population, pour qu’elle ne soit pas tentée par les discours d’extrême-droite. Donner des perspectives, du boulot convenable, défendre la culture, l’éducation. Ne pas oublier le passé. Maurizio Landini, secrétaire général de la CGIL, a dit qu’« un pays qui oublie son histoire, c’est un pays avec un futur obscur ». Il a également fait référence à l’importance de tenir un discours positif, notamment auprès des jeunes. C’est une génération qui montre une vraie volonté de mobilisation.”
Nous sommes tous CGIL
Et Frank Moreels d’ajouter “les camarades de la MWB portaient des t-shirts avec un slogan en italien, qui disaient “siamo tutti CGIL”. C’est une bonne expression. Car nous sommes tous CGIL.“
Les Métallos wallons et bruxellois étaient en effet à Rome. Une nécessité, comme nous l’explique Hillal Sor, Secrétaire général. “Quand un syndicat, quel qu’il soit, est attaqué par des groupes d’extrême droite, il faut une réponse collective et internationale. On est tous soumis au même problème. En Belgique, notre syndicat, à Gand, a été attaqué par l’extrême droite. En France, des camarades de la CGT également. À Charleroi, des tags de Nation apparaissent régulièrement… D’où notre présence à Rome, pour montrer notre soutien et rappeler qu’on est tous dans le même bateau.”
Hillal, comme Frank, a constaté à Rome que la résistance face aux actes haineux était particulièrement forte. “Il y avait beaucoup de monde, beaucoup de détermination. Beaucoup de jeunes aussi, de femmes. C’est une vraie réponse de la société italienne face à ce type d’agissements.” Parallèlement, à Bruxelles, la manifestation de soutien à la CGIL battait son plein. Une mobilisation qui a été suivie en direct par les syndicalistes italiens. “On a retransmis en direct la manifestation bruxelloise, lors du séminaire international. J’étais très fier, et ça leur a fait chaud au coeur. Il faut bâtir une stratégie commune. On doit pouvoir réunir les syndicats progressistes européens, se coordonner, s’écouter, s’échanger des expériences et surtout répondre collectivement quand l’un d’entre nous est attaqué, particulièrement par l’extrême droite.”