Actions et grève dans les services publics: « le résultat de mois de frustration »

Actions et grève dans les services publics: « le résultat de mois de frustration »

Les travailleurs et travailleuses de la fonction publique sont en action cette semaine, jour après jour. Avec, en point d’orgue, une journée de grève nationale ce vendredi 10 mars. Rencontre avec Michel Meyer, président de la CGSP. Il nous explique les raisons de la mobilisation, et de la colère de celles et ceux que l’on décrivait, pourtant, comme essentiels voici peu de temps.

Toute cette semaine, les travailleurs de la fonction publique mènent, en front commun, des actions thématiques et de sensibilisation auprès de la population et du monde politique. En clôture, vendredi 10 mars: une grève de 24 heures. L’appel au secours est clair. Des services publics de qualité, accessibles et performants impliquent un financement adéquat, des investissements et une prise en considération du facteur humain inhérent aux fonctions publiques.

Michel Meyer, président de la CGSP, nous parle des difficultés rencontrées aux quotidien sur le terrain. « Cette semaine d’actions, c’est le résultats de mois de frustration du personnel des services publics. Les problèmes existaient déjà bien avant la crise covid, mais celle-ci les a amplifiés. Il ne faut pas oublier qu’on décrivait ces travailleurs comme « essentiels », notamment à ce que la population ne souffre pas trop. Qu’on les applaudissait. Qu’on louait le personnel des soins et l’efficacité de nos services de secours. Et puis, un peu plus tard, on a exclu ces travailleurs de la prime Corona, parce qu’économiquement ils n’étaient pas rentables. Il fallait avoir « performé économiquement » pour l’obtenir. Or les services publics, c’est socialement qu’ils sont performants. »

Double goutte d’eau

Crise après crise, le personnel des services publics subit des affronts successifs, en plus d’un manque structurel de moyens. « La goutte d’eau qui a fait déborder le vase est arrivée en deux temps, à vrai dire. Lors du dernier conclave budgétaire, des accords qui étaient pourtant pris, tant sur des plans qualitatifs que quantitatifs, ont été balayés d’un revers de la main et remis aux calendes grecques. On parle ici tant d’investissement et recrutement que de revalorisation salariale. Ensuite, plus récemment, les services publics ont été exclus de la prime énergie. Il n’est pourtant pas moins cher de se chauffer pour les travailleurs du public que du privé… S’ajoutent enfin les attaques régulières aux pensions, aux conditions de travail… »

Des métiers qui perdent de leur attractivité

Des conditions de travail qui se détériorent jour après jour, la pénurie dans de nombreux secteurs n’aidant pas. Police, services de secours, enseignement, notamment, souffrent d’un manque de personnel criant. Avec toutes les conséquences imaginables sur les travailleurs en place, et la population. « Chez BPost, on arrive à 10% d’absentéisme. Des pompiers ne peuvent plus partir en déplacement parce qu’ils ne sont plus assez nombreux. Il faut qu’on fasse entendre notre voix, et ce message: il n’est plus possible de faire mieux avec moins. Ces métiers ne sont plus attractifs, on supprime des acquis, on s’attaque aux pensions… Et finalement on se retrouve avec des gens qui n’en peuvent plus, et qui ne pensent qu’à partir. Dans le privé, quand on fait face à une pénurie de personnel, on améliore le ‘package salarial’, comme on dit. Dans les services publics, on détricote. La dernière vraie revalorisation salariale globale date d’il y a trente ans. »

Pas des jobs comme les autres

Investir dans les infrastructures et les personnes, revaloriser les salaires, recruter et offrir des conditions correctes, améliorer la concertation sociale… Autant de revendications mises en avant par la CGSP au cours de cette semaine d’action. Mais avant toute chose, remettre au cœur des débats la vraie nature de ces « services publics », qui sont avant tout une richesse pour la population. « La fonction publique, c’est la représentativité de l’État, avec un grand « É ». C’est noble de travailler dans les services publics. On ne peut pas généraliser, mais nombre de ces métiers sont choisis et exercés par vocation. Aujourd’hui, ces travailleurs ont l’impression d’être considérés comme des moins que rien. On les traite de fainéants alors qu’il n’ont pas les moyens d’exercer leur travail correctement. Je pense notamment au rôle de contrôle de la fraude fiscale ou sociale: il faut mobiliser tous les agents pour faire une grosse vague de contrôle. Combien passent entre les mailles du filet, pendant ce temps? On pourrait éviter de nombreuses dérives, en engageant plus. Sur un autre terrain: qu’on se passe pendant deux semaines de nos éboueurs, et on verra… »


Tous les politiciens tiennent des permanences pour aider administrativement les citoyens, alors que ce n’est pas leur rôle. C’est aux services publics de faire ça, mais on ne leur en donne pas les moyens.

MICHEL MEYER

Dans le même ordre d’idée, c’est tout le lien avec la population qui se délite, à force de désinvestissements. « À chaque fermeture de bureau, c’est ce lien qui se perd. Les administrations se regroupent, désertent des régions. On se dit sans doute qu’avec la digitalisation tout ira bien, que tout le monde sait utiliser internet. C’est faux. L’accessibilité des services se réduit à peau de chagrin. La preuve? Tous les politiciens tiennent des permanences pour aider administrativement les citoyens, alors que ce n’est pas leur rôle. C’est aux services publics de faire ça, mais on ne leur en donne pas les moyens. »

Pour toutes ces raisons vendredi, les services publics seront à l’arrêt. Pour exiger le respect, et protéger leur rôle fondamental pour la population.

Aurélie Vandecasteele
Rédactrice en chef, Syndicats Magazine, FGTB | Plus de publications

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