Le 27 mars 1886, des ouvriers étaient tués – et de nombreux autres blessés – par la police et l’armée, dans les fusillades de Roux (Charleroi). Le monde ouvrier wallon, à l’époque, est en ébullition. L’exploitation des travailleurs par la classe dominante est insupportable. La tragédie de Roux – et la grande grève de 1886 dans son ensemble – déclenchera le progrès social en Belgique.
Chaque année, le collectif “1886” et les syndicats (rouge et vert ensemble) rendent hommage aux victimes de Roux, et rappellent l’importance des libertés syndicales et du droit de grève.
Un enfer pour les travailleurs
“Si on ne connaît pas son Histoire, on est appelé à la revivre”, disait Thierry Bodson, Président de la FGTB, au départ de la manifestation en hommage aux ouvriers fusillés en 1886 à Roux. Une opportunité de rappeler le caractère essentiel du respect et de la mise en oeuvre des libertés syndicales et du droit de grève. “Aucune conquête sociale – on le vit aujourd’hui – n’est acquise définitivement. Aujourd’hui encore, les libertés syndicales sont bafouées. A l’époque où ces événements se sont passés ici à Roux, les capitalistes se vantaient que la Belgique était la quatrième puissance économique du monde. Mais ce paradis économique de l’époque se construisait sur un enfer pour l’ensemble des travailleurs. Le bilan des classes dirigeantes de la fin du dix-neuvième et du début du vingtième siècle est catastrophique.”
La matinée d’hommage a été l’occasion de donner la parole à plusieurs travailleurs et travailleuses de chez Delhaize, victimes aujourd’hui d’un véritable détricotage de leurs droits sociaux. Malgré le froid – et un peu de grêle – plusieurs centaines de syndicalistes, vêtus de rouge et de vert, ont ensuite défilé ensemble jusqu’à la place Joseph Wauters, où avait lieu une reconstitution symbolique de la tragédie de Roux.
Le vent du changement
Rétroacte. La révolte sociale de 1886 touche l’ensemble du bassin industriel wallon. De Liège à Charleroi, le monde du travail s’enflamme, dans un contexte de grave crise économique, de salaires très bas, de journées interminables, de conditions sanitaires épouvantables. Mais le vent du changement se lève. Les premiers syndicats se forment à cette époque, et l’on se prend à rêver d’une vie meilleure. Le progrès social est en marche. Mais malheureusement, le monde ouvrier révolté paiera ce rêve très cher.
Le gouvernement de l’époque envoie l’armée sur les travailleurs et syndicalistes en colère. On parlera d'”état de siège”. Le 27 mars 1886, 19 ouvriers seront abattus dans les fusillades de Roux, de nombreux autres sont blessés. Des travailleurs seront condamnés pour avoir fait grève, des syndicalistes emprisonnés. Les leaders syndicaux seront condamnés à 20 ans de travaux forcés. Ils seront amnistiés 2 ans plus tard, sous la pression populaire, mais condamnés à l’exil.
La tragédie débouche sur une certaine prise de conscience collective. “La bourgeoisie a eu peur”, disait l’historienne Claudine Marissal à propos de l’événement. Les premières lois sociales seront crées juste entre 1887 et 1914. La Commission syndicale voit le jour en 1898, sous l’impulsion du POB. C’est “l’ancêtre” de la FGTB.
Et aujourd’hui?
Aujourd’hui, on n’envoie plus la cavalerie sur les grévistes. Les méthodes évoluent, mais l’objectif reste constant: faire taire le mouvement syndical. Pour cela, on condamne des syndicalistes en justice, on licencie des délégués, on envoie des huissiers sur les piquets… Les attaques aux libertés syndicales, en Belgique, sont nombreuses, fréquentes. Des leaders politiques de droite n’hésitent jamais à s’en prendre verbalement ou par réseaux sociaux interposés, au monde du travail et à ses représentants.
Dans le monde
Ailleurs dans le monde, les syndicalistes vivent des réalités parfois similaires, parfois bien pires. Assassinats et emprisonnements de syndicalistes, interdiction de s’organiser, pressions et menaces ne sont pas rares. La liberté syndicale est pourtant un droit fondamental, consacré par de nombreux textes internationaux. Parmi les nombreuses prises de parole, ce 27 mars à Roux, figurait celle de Rahmat Hendra, du syndicat indonésien FSP2KI. Dans son pays, les droits syndicaux, s’ils existent, sont également régulièrement bafoués. “Je suis ici en solidarité. Nous devons poursuivre le combat, car il y a tant de violences à l’encontre de nos droits, dans tant de pays. Il faut continuer, car notre lutte est l’héritage que nous laisserons à nos enfants et petits-enfants.”
Merci camarades et à bientot 🇧🇪😀😀😀