Oxfam | Taxer les plus riches: “plus de 20 milliards d’euros de recettes fiscales”

Oxfam | Taxer les plus riches: “plus de 20 milliards d’euros de recettes fiscales”

“La loi du plus riche”. C’est ainsi que s’intitule le rapport annuel d’Oxfam, publié ce lundi. Oxfam, mouvement global qui lutte contre les inégalités, dénonce cette année encore l’enrichissement massif de quelques-uns, au détriment de dizaines de millions d’autres, qui s’appauvrissent. La porte de sortie? L’impôt. Selon Oxfam, rien qu’en Belgique, une taxation progressive des fortunes supérieures à 1 million d’euros rapporterait plus de 20 milliards en recettes fiscales.

“Des temps exceptionnels appellent des mesures exceptionnelles. Aujourd’hui, 74%* des Belges se montrent en faveur d’un impôt sur la fortune. Un impôt progressif sur les fortunes supérieures à 1 million d’euros, avec un taux progressif allant de 1% à 4%, ne concernerait qu’une part infime de la population et pourrait générer plus de 20 milliards d’euros de recettes fiscales supplémentaires.” Ces chiffres concernent notre pays et figurent dans une lettre adressée par Oxfam au Premier Ministre De Croo, alors que s’ouvre le Forum économique mondial à Davos. Une lettre – que l’on peut d’ailleurs signer ici – qui appelle à rendre la fiscalité plus équitable.

*Un chiffre que l’on retrouve également dans les résultats d’une enquête CNCD/Ipsos sur la fiscalité en Belgique.

Illustration en deux chiffres, deux situations, deux images:

Entre 2014 et 2018, Elon Musk, l’un des hommes les plus riches au monde, a bénéficié d’un taux d’imposition réel dépassant à peine 3%. Aber Christine, qui vend du riz, de la farine et du soja sur un marché du nord de l’Ouganda, dégage 80 dollars de bénéfices par mois. Elle est imposée à 40%. (Source Oxfam, Rapport “la Loi du plus riche”, 2023)

Une répartition toujours plus inégale

Comment se porte la répartition des richesses dans le monde? Chaque année, le rapport d’Oxfam apporte la réponse à cette question, et cette réponse est toujours plus effarante. Alors, en 2023, où en est-on? En résumé: “les plus fortuné·es se sont considérablement enrichi·es, et les bénéfices des entreprises ont atteint des sommets, provoquant une explosion des inégalités.”

Mais encore?

Depuis 2020, pour chaque dollar de nouvelle richesse mondiale gagné par une personne faisant partie des 90 % les plus pauvres, un ou une milliardaire a gagné 1,7 million de dollars.

Rapport Oxfam 2023
  • Depuis 2020, les 1 % les plus riches ont capté, toujours selon le rapport d’Oxfam, près des deux tiers de toutes les nouvelles richesses. Soit près de deux fois plus que les 99 % les plus pauvres de la population mondiale.
  • La fortune des milliardaires augmente de 2,7 milliards de dollars par jour, alors même que les salaires de 1,7 milliard de personnes, soit plus que la population de l’Inde, ne suivent pas le rythme de l’inflation.
  • Un impôt taxant jusqu’à 5 % de la fortune des multimillionnaires et des milliardaires du monde entier pourrait rapporter 1 700 milliards de dollars par an, soit une somme suffisante pour sortir 2 milliards de personnes de la pauvreté et financer un plan mondial d’éradication de la faim.

Ces trois calculs ne sont qu’un petit extrait du rapport accablant publié en ce 16 janvier, alors que les dirigeants du monde se réunissaient dans les Alpes suisses pour parler “économie”, sur fond de crise(s) mondiale(s). “La crise actuelle du coût de la vie, avec la montée en flèche du prix des denrées alimentaires et de l’énergie, génère également des gains spectaculaires pour celles et ceux qui se trouvent en haut de la pyramide. Les entreprises des secteurs de l’alimentation et de l’énergie enregistrent des bénéfices records et versent des sommes sans précédent à leurs riches actionnaires et propriétaires milliardaires.”

Et en Belgique? Pas mieux. “1% des Belges les plus riches possèdent ensemble plus de richesses que 70% du reste de la population”, poursuit Oxfam dans sa lettre. Et 10 milliardaires possèdent plus que les 30% des Belges les plus pauvres.

Taxer les riches=1700 milliards de recettes

Oxfam a utilisé les données de Wealth-X et de Forbes pour calculer qu’un impôt sur la fortune de 2 % sur les millionnaires du monde entier, de 3 % sur ceux dont la fortune dépasse 50 millions de dollars et de 5 % sur les milliardaires du monde entier permettrait de collecter chaque année 1 700 milliards de dollars. Cette somme serait suffisante pour sortir 2 milliards de personnes de la pauvreté.

Des chiffres vertigineux. La solution tient donc du bon sens, et d’un certain courage politique. La taxation des personnes les plus riches vient comme une réponse évidente. Une affirmation que d’aucuns voient comme un tabou, mais qui est pourtant une pratique fréquente après de nombreuses crises. Le concept trouve d’ailleurs un écho positif dans toutes les tranches de la population, mêmes au sein de celles qui seraient concernées par la mesure. En 2022, une centaine de millionnaires signaient par exemple une lettre commune en faveur d’une taxation plus élevée.

Un outil fréquent dans l’Histoire

“Dans l’histoire récente, l’imposition des plus riches était bien plus élevée.” Le rapport donne un exemple: “Aux États-Unis, le taux marginal de l’impôt fédéral sur le revenu était de 91 % entre 1951 et 1963 ; le taux marginal en matière de droits de succession était de 77 % jusqu’en 1975 ; et le taux de l’impôt sur les sociétés était en moyenne légèrement supérieur à 50 % pendant les années 1950 et 1960. D’autres pays riches ont connu des taux d’imposition similaires. Ces taux d’imposition élevés étaient soutenus par toutes les sensibilités politiques et ont coexisté avec certaines des décennies les plus prospères que nous ayons connues en matière de développement économique.” (Rapport Oxfam 2023)

Recommandations

La réforme fiscale est le levier qui doit permettre de réduire les inégalités et de mobiliser les ressources nécessaires pour répondre aux défis auxquels notre pays est confronté. Il faut redéfinir un pacte de solidarité entre les citoyen.ne.s où chacun.e contribuera en fonction de ses moyens. Cela ne pourra se faire qu’au prix d’une meilleure progressivité de l’impôt et d’une taxation plus juste du capital. Il est normal que les plus riches contribuent proportionnellement à leur richesse. C’est la seule catégorie de la population à voir leur situation s’améliorer durant les crises. Et compte tenu de leur situation plus que confortable, un impôt supplémentaire n’aurait pas d’impact majeur sur leurs avoirs.

Lettre au Premier Ministre De Croo, Oxfam Belgique

Outre l’augmentation permanente de l’impôt des 1% les plus riches, Oxfam préconise également un impôt exceptionnel de solidarité sur la fortune et une taxe sur les bénéfices exceptionnels, pour mettre fin aux profits liés à la crise.

Aurélie Vandecasteele
Rédactrice en chef, Syndicats Magazine, FGTB

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