Syndicaliste au Burundi: un engagement risqué mais nécessaire

Syndicaliste au Burundi: un engagement risqué mais nécessaire

Au Burundi, où la pauvreté et l’instabilité politique cohabitent, exercer une activité syndicale est parfois périlleux. Malgré ce contexte, des hommes et des femmes se battent au quotidien pour l’amélioration des droits des travailleurs et travailleuses. Nous sommes allés à la rencontre de Dominique, leader syndical de l’Horeca à Bujumbura.

Restrictions sur les organisations syndicales

Petit pays d’Afrique logé au bord du lac Tanganyika, le Burundi présente le revenu par habitant le plus faible au monde d’après la publication de FMI en Octobre 2022. Depuis la crise politique de 2015 et l’installation d’un régime aux relents autoritaires et répressifs, un rétrécissement net de la liberté d’expression s’est opéré. Le contrôle et les restrictions se sont intensifiés sur la société civile et les organisations syndicales[1], selon le rapport 2022 de la CSI sur les droits des travailleurs dans le monde.

Dominique est maître d’hôtel dans un restaurant du centre-ville de Bujumbura. Depuis 2017, avec quelques collègues du secteur de l’hôtellerie-restauration, ils ont créé un syndicat qui regroupe 154 membres à ce jour. Il nous explique sa motivation : « Chez nous au Burundi, mettre sur pied un syndicat est vraiment difficile. Mais nous le faisons parce que c’est nécessaire. Les salaires sont trop bas et beaucoup de personnes n’ont même pas de contrat de travail. Si vous tombez malade, il faut vous soigner par vous-même et le patron peut vous licencier quand il veut ».

Les travailleurs de l’Horeca en situation précaire

Prédominance de l’économie informelle, faiblesse des rémunérations, absence de mesures de protection sociale, chômage endémique,… Tel est le lot de la plupart des travailleurs au Burundi. Cette situation est accentuée dans le secteur de l’Horeca où les employeurs exploitent les travailleurs au mépris des lois sociales et des dispositions du code du travail.

« Le chômage est très élevé et de nombreuses personnes avec des diplômes n’arrivent pas à trouver du travail. Les employeurs dans les hôtels et restaurants reçoivent beaucoup de demandes. Ils sont donc dans une position de force par rapport aux travailleurs. Si le travailleur ne fait pas ce que le patron veut, il va se faire renvoyer. On le remplacera par un autre. Et comme trouver un emploi est difficile, le travailleur est souvent obligé d’accepter ce que lui impose le patron. Notre rôle est justement d’inverser ce rapport de force ou au moins de faire en sorte qu’il soit plus équilibré. Mais ce n’est pas évident. », complète Dominique.


« Trouver un emploi est difficile. Le travailleur est souvent obligé d’accepter ce que lui impose le patron. Notre rôle est justement d’inverser ce rapport de force. »

— Dominique, Leader syndical au Burundi

L’action syndicale, essentielle

Le syndicat HOREST dont Dominique est le président est affilié à la Fédération Burundaise des travailleurs de l’Alimentation, de l’Agriculture, de l’Hôtellerie-Restauration (FEBUTRA), qui compte plus de 5000 membres. Depuis 2014, la Centrale Horval de la FGTB et Solsoc appuient la structuration et le renforcement de la Fédération.

Dans le cadre de ce projet avec la FEBUTRA, Dominique et les autres membres des syndicats mènent des actions de sensibilisation et des formations auprès des travailleurs pour faire connaître leurs droits et améliorer leurs connaissances sur divers sujets syndicaux. Un travailleur bien informé est en mesure de formuler des revendications auprès de son employeur.

Le syndicat œuvre aussi à un dialogue social permanent avec les employeurs pour l’amélioration du cadre de travail, la revalorisation des salaires, la prise en charge des accidents professionnels, etc. Les cas de violation de droits des travailleurs de la part des employeurs sont suivis auprès des inspections du travail ou au niveau des tribunaux avec l’appui du service juridique de la Fédération. Dans le contexte burundais, il n’est pas évident de porter des revendications sous forme de grève ou de mobilisation collective au risque de mettre sérieusement en danger la vie des manifestants.

Des perspectives d’émancipation

« Nous allons continuer à travailler pour nos membres. Mais aussi pour tous les travailleurs et toutes les travailleuses du secteur en général. Nous voulons élargir notre syndicat à tout le territoire du pays. Les formations sont utiles et vont se poursuivre avec la FEBUTRA. Nous organisons notamment des formations sur le genre. Les filles et femmes travailleuses de ce secteur sont hautement exposées aux violences basées sur le genre. Nous voulons développer la formation professionnelle pour que les métiers des camarades du secteur soient mieux valorisés. D’un autre côté, nous essayons aussi de développer des activités économiques au sein du syndicat. Nous avons reçu un financement pour ouvrir un restaurant-bar que nous avons nommé KUBAKOZI, ce qui signifie ‘Chez les travailleurs’ en kirundi. Les bénéfices vont nous servir à financer nos activités et employer des jeunes. Si tout se passe bien, nous voulons créer prochainement une boulangerie –pâtisserie. »

Le partenariat entre la FEBUTRA, la FGTB Horval et Solsoc se poursuivra encore plusieurs années. Il permettra de faire évoluer encore le centre de formation, le déploiement syndical dans le secteur agroalimentaire, ainsi que l’appui à des initiatives économiques syndicales comme les coopératives de restauration, de boulangerie et de pêche.


[1] les droits n’y sont pas garantis du fait de l’effondrement de l’Etat de droit (Indice 5+).

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