Thierry Bodson : « En muselant le contre-pouvoir, on muselle la démocratie »

Thierry Bodson : « En muselant le contre-pouvoir, on muselle la démocratie »

Contexte. Un projet de loi introduisant dans le code pénal une nouvelle peine d’interdiction de manifester sur la voie publique est actuellement discuté au Parlement. De quoi parle-t-on ? En cas de condamnation pour des faits commis à l’occasion d’un « rassemblement revendicatif », les cours et tribunaux peuvent prononcer une interdiction complémentaire de participer à de tels rassemblements à l’avenir. La peine d’interdiction peut aller jusqu’à une durée de trois ans, et six ans en cas de récidive. C’est une nouvelle attaque aux libertés syndicales.

Quels faits, quels rassemblements?

La notion de « rassemblement revendicatif » est définie dans le projet de loi de manière extrêmement large : on parle de tout rassemblement organisé sur la voie publique, statique ou en cortège, dans le but d’exprimer une ou plusieurs convictions collectives.

Quant aux faits en question? Le projet de loi évoque certes nombre d’actes particulièrement graves, à savoir : les menaces d’attentat contre les personnes ou les propriétés, le meurtre, l’homicide ou les lésions corporelles volontaires… Mais aussi, plus largement, le vandalisme, l’incendie, le graffiti, la dégradation de biens ou de marchandises… Il faut rappeler que pour l’ensemble de ces faits, des peines existent déjà, et la Justice dispose de tous les outils pour condamner les coupables, le cas échéant. Cette nouvelle mesure répressive vient ici en complément de la peine principale.

La FGTB estime “que ces nouvelles dispositions doivent être supprimées, et que la restriction du droit de manifester n’est pas conforme aux droits fondamentaux”. Une position soutenue par le Conseil supérieur de la Justice et l’Institut fédéral des droits humains ont d’ailleurs exprimé des avis négatifs sur le projet de loi.

C’est très clairement le droit à la liberté d’opinion qui est bafoué.

Thierry Bodson

Inacceptable soutien

Thierry Bodson ne mâche pas ses mots quand il évoque le projet de loi « Van Quickenborne ». Qui tombe dans un climat antisyndical particulièrement tendu, et où l’hostilité à l’égard des mouvements sociaux devient de plus en plus perceptible. Pour le président de la FGTB, le soutien au projet affiché par les progressistes au gouvernement est incompréhensible, et le sera également pour le monde du travail. « Le premier élément qui me vient à l’esprit aujourd’hui, c’est le contexte dans lequel ce projet de loi sort. Les droits syndicaux sont en danger. On le voit avec Delhaize, les requêtes unilatérales, les huissiers et j’en passe. Le jugement qui empêche préventivement les piquets… Nous sommes à la veille d’une manifestation, le 22 mai, organisée précisément pour défendre les droits syndicaux. Et dans ce contexte-là, on soutient, on défend – et je parle ici tant des socialistes que des écologistes – un projet de loi comme celui-là ? Il ne faudra pas que ces partis s’étonnent demain que les travailleurs considèrent que ce ne sont plus eux qui les défendent. »

Des avis défavorables

Le projet de loi ne récolte pas que l’opposition des syndicats. D’autres organismes, et pas des moindres, se sont exprimés sur la question. L’institut fédéral pour les droits humains rappelle d’ailleurs que “le droit de manifester est une pierre angulaire d’une société démocratique”. « L’institut fédéral pour les droits humains et le conseil supérieur de la Justice rendent des avis défavorables. Ce n’est pas rien. Ce projet de loi vient s’ajouter aux décisions prises par Annelies Verlinden concernant l’interdiction préventive de manifester, sur simple décision administrative. Ça fait beaucoup. C’est très clairement le droit à la liberté d’opinion qui est bafoué. »

Et le feu de palettes?

Il serait beaucoup trop simpliste de dire que la FGTB défend les « casseurs » ou les actes de violence. Thierry Bodson s’en défend bien évidemment. Pour lui, c’est la définition beaucoup trop large comprise dans le projet de loi qui pose problème. « On va dire que j’exagère, mais prenons un exemple. Dans le projet de loi, il y a la notion de « feu ». « Mettre le feu ». Qu’est-ce que ça veut dire ? Sur les piquets de grève, à l’entrée des entreprises ou des zonings, il arrive que des feux de palettes soient allumés. Est-ce que ça compte ? Est-ce qu’un juge qui n’aime pas les syndicalistes pourra utiliser ce texte de loi pour justifier une interdiction de manifester ? Où est la limite ? On parle aussi de dégradations ou destructions « de marchandise ». Qu’est-ce que c’est ? Une fois encore, on met l’intérêt des entreprises avant celui des travailleurs. »

Un climat délétère

Par ailleurs, un tel projet de loi implique nécessairement des violations de la vie privée des militants. Car dans les faits, qu’en est-il ? Chaque militant sera-t-il désormais contrôlé sur le terrain, afin de vérifier qu’il n’est pas interdit de participation à la manifestation ? Pour Thierry Bodson toujours, ces nouvelles propositions ne font qu’assombrir le climat hostile à l’égard des actions collectives et de celles et ceux qui y participent. « On en est déjà aujourd’hui à des situations où, quand des manifestants se promènent à deux ou trois personnes, quelques heures après une manifestation, la police leur demande d’enlever leur veste rouge. C’est avéré, ça existe, nous avons des témoignages. Des attitudes comme celles-là créent un sentiment anti-manifestation, anti mouvements sociaux. On a une classe politique, aujourd’hui, qui ne comprend pas que la démocratie c’est pouvoir et contre-pouvoir. C’est simple, en muselant le contre-pouvoir, on muselle la démocratie. »

Une réaction sur “Thierry Bodson : « En muselant le contre-pouvoir, on muselle la démocratie »

  1. Cela n’engage que moi mais il me semble que les mouvement de grève ne sont suivis que par les délégués syndicaux. Ces manifestations, depuis la prolifération d’Internet, n’intéresse plus beaucoup la population de notre pays, elles ne sont plus une raison des grands rassemblement. Ce mouvement s’étiole et perd de sa jadis importance. Nos 5 très coûteux gouvernements le savent très bien et de ce simple constat, c’est aujourd’hui le pot de terre contre le pot de fer. D’autres actions plus pertinentes sont à envisager. Il est grand temps de s’attaquer directement aux individus responsables des mauvaises situations pour lesquelles nous sommes victimes. Il faut les montrer du doigt avec la liste des choses reprochées afin que chacun de ces malfaiteurs sache qu’il est devenu une cible de choix pour chaque citoyen qui en a marre. Avec l’adresse physique de ces malfrats, indiquée clairement et accessible à chacun(e) de leurs victimes, l’impact sera couvert de succès.

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