Austérité, hausse des prix, action collective: l’Europe syndicale doit s’unir

Austérité, hausse des prix, action collective: l’Europe syndicale doit s’unir

Des salaires trop bas, des prix en hausse, des gouvernements qui se bouchent les oreilles, les droits des syndicalistes méprisés: le monde du travail, partout en Europe, est soumis aux mêmes maux. L’appel est lancé: il est temps d’élargir la lutte, et de protester côte à côte.

Manifestation le 12 décembre

POUR des investissements dans les services publics (crèches, enseignement, soins de santé, transports en commun, etc.), la protection sociale et la transition juste, POUR des salaires décents, fixés par des conventions collectives, POUR une politique industrielle européenne compatible avec les objectifs climatiques et qui respecte la qualité et la durabilité des emplois.

CONTRE le retour de l’austérité, et donc contre le blocage des salaires, la privatisation et des économies dans les services publics, l’attaque contre les pensions. 

  • Rassemblement à partir de 10h, le 12/12, devant le Palais de Justice de Bruxelles, Place Poelaert. Départ & discours à 11h.

France, Pays-Bas, Allemagne, Belgique. Europe. Monde entier. Même combat. Celui du travail (décent) contre la course au profit toujours plus énorme. Une course qui va à contre-sens de l’Histoire et de la démocratie. Récemment, lors du festival Manifiesta, des représentants de plusieurs syndicats internationaux comparaient leurs réalités et appelaient à une union dans la lutte.

France : mépris et répression

David Gobé dirige la fédération CGT cheminots et préside la section ferroviaire mondiale de l’ITF (la Fédération internationale des ouvriers du transport). Son pays, la France, est secoué depuis des mois par une lutte sociale intense liée à la réforme des retraites portée par le président Emmanuel Macron. Le mouvement, particulièrement suivi, n’a pas suffi à faire plier la ligne dure du gouvernement français. “On a vécu jusqu’à 400 manifestations, dans toutes les villes de France. L’unité syndicale n’a pas failli. Aujourd’hui on est dans la seconde mi-temps. On aurait gagné la première si le gouvernement n’avait pas utilisé des outils qui sont certes constitutionnels, mais pas démocratiques. Je parle ici de l’article 49.3 notamment. Ce, contre l’avis du grand public.” Une deuxième mi-temps qui s’accompagne d’une répression syndicale importante. “Le gouvernement ne veut pas de cette revanche. On le voit avec les poursuites menées contre des syndicalistes, comme Sébastien MenesplierSecrétaire général de la CGT Energie.”

Action de solidarité devant le consulat de France à Bruxelles, le 6 septembre dernier. Cet été, des dirigeants et militants syndicaux français de la FNME-CGT ont été convoqués dans le cadre de procédures policières et judiciaires. La cause ? Leur participation aux manifestations contre la réforme des retraites.

“Entrave méchante à la circulation”, “risque de pollution”…

Thierry Bodson, président de la FGTB, rappelle que la tendance s’alourdit, en Belgique également. “Depuis 7, 8 ans, les choses s’accélèrent très concrètement. Revenons brièvement sur les condamnations de syndicalistes, dont moi, qui sont basées sur l’article 406 du code pénal, soit sur “l’entrave méchante à la circulation”. Un article dont on avait dit, et ça se retrouve dans les travaux parlementaires de l’époque, qu’il ne concernerait jamais les syndicalistes! Ensuite, on a vécu une période d’emballement en Belgique avec notamment le conflit Delhaize: requêtes unilatérales systématiques, à savoir des jugements pour casser le piquet de grève ; puis jugement préventif pour interdire ces piquets pendant un mois. Ça va de plus en plus loin. En novembre prochain, un délégué syndical sera jugé et risque 6 mois de prison. L’une des raisons invoquées: durant une action où il se trouvait, il y avait un feu de palette potentiellement “polluant”. Par ailleurs, des activistes de Greenpeace ont été traînés devant les tribunaux pour avoir posé une banderole au port de Zeebruges, pour des raisons de “sécurité”… Bref on va piocher dans la législation pour essayer de condamner, et donc d’intimider les syndicalistes et les activistes au sens large.”

Des droits en berne partout

Le recul des droits syndicaux est une réalité chiffrable et chiffrée. En juin dernier, la Confédération internationale des Syndicats (CSI) publiait son “index global” des droits des travailleurs. Qui n’évolue pas dans le bon sens. La proportion de pays qui violent le droit de grève a augmenté de 63% en 2014 à 87% en 2023. Les cas de violences et d’arrestations augmentent également sur la dernière décennie.

Luc Triangle, Secrétaire général ff de la CSI, confirme. “Il est temps de protester. On constate une régression constante des droits syndicaux. Et dans tous les pays, y compris en Europe. Le Royaume-Uni, par exemple, se trouve en première place au niveau du recul des droits syndicaux.”

D’où vient ce phénomène? “Je ne peux que le lier au recul de la démocratie, qui est sous pression partout dans le monde. Même en France, on refuse de nouer le dialogue avec des centaines de milliers de personnes. On a de plus en plus de dirigeants qui en ont “marre” de prendre des décisions démocratiques.”

Austérité, salaires, inflation: une lutte commune

Au-delà de la nécessité de lutter pour protéger nos droits à l’action collective, les différents syndicalistes présents ont rappelé les grands défis sociaux qui préoccupent la population européenne aujourd’hui. Au premier plan, l’inflation et les salaires qui ne suivent pas.

Aux Pays-Bas, on défend l’idée d’une indexation automatique des salaires “à la belge”. Kitty Jong, vice-présidente du syndicat FNV, en parle. “Dans certains secteurs – comme le secteur portuaire – il existe chez nous une harmonisation des salaires en lien avec l’inflation.” L’objectif? Etendre cette harmonisation à l’ensemble du monde du travail. “C’est absolument nécessaire aux Pays-Bas. Le bureau du plan estime que l’année prochaine, un million d’habitants – dont de nombreux travailleurs – vivront sous le seuil de pauvreté.”


10 euros

L’indexation automatique, moteur d’inflation?

“Si on adapte les salaires automatiquement, on risque de se retrouver dans une spirale infinie où l’inflation augmente, et donc les salaires aussi.” L’argument, simpliste, est souvent utilisé pour contrer le principe d’indexation automatique. Mais qu’en est-il? Thierry Bodson en parle. “L’indexation automatique est quasi généralisée en Belgique. Elle se fait via les commissions paritaires, elle est certes automatique mais la façon de l’appliquer change d’un secteur à l’autre (en termes de formule, de périodicité, etc). Le système est bon, mais pas parfait. Ce que l’on peut en dire, c’est que non seulement la Belgique n’est pas un désert économique, mais en plus c’est un pays où l’économie se porte plutôt bien. On le sait car on compare une série de données avec les pays voisins. Malgré notre indexation automatique, les salaires ont diminué de 0,1% depuis 1996 – année de référence – par rapport trois aux autres pays (Allemagne, Pays-Bas-France). L’économie belge va bien, les indicateurs sont plutôt meilleurs. Alors qu’on pratique une indexation automatique.


L’Allemagne et ses salaires qui souffrent

Les salaires n’ont pas suivi l’inflation, non plus, en Allemagne. Max Waclawczyk, du syndicat IG Metal, en parle. “Je soutiens une réduction de temps de travail à 32 heures, sans perte de salaire. Nous sommes confrontés à une double crise: celle du capitalisme, des politiques d’austérité et des pressions sur les salaires, mais également une crise des matières premières, notamment dans l’industrie du métal. Il faut une transition plus rapide pour que le secteur soit viable. Cette transition n’est pas possible avec la même durée hebdomadaire de travail. Les licenciements ne constituent pas une réponse, il faut réduire le temps de travail. Les deux crises se rejoignent surtout dans le centre du pays, où on est confronté à une crise démocratique. La droite se trouve en position de tête. Quand les politiques ne répondent pas à la crise des prix, les gens se tournent vers l’extrême droite. On fait face à un virage individualiste, aussi dans la transition climatique. Résultat: les travailleurs s’inquiètent et se sentent isolés.”

Dumping social et exploitation

L’action syndicale, en Europe, a un rôle crucial à jouer contre le dumping social et l’exploitation de travailleurs étrangers ou migrants. “On fait face à des violations flagrantes des droits humains”, poursuit Max Waclawczyk. “La législation ne sert à rien si les syndicats ne sont pas sur le terrain pour la faire appliquer. L’un de nos objectifs est de soutenir les syndicats d’Europe de l’Est en ce sens.”

L’inflation a été causée par la crise énergétique. Mais le fait qu’elle persiste est causé par la cupidité. En 2022, des centaines de millions de travailleurs n’arrivaient plus à joindre les deux bouts, alors que les dividendes n’ont jamais été aussi élevés. Il ne suffit pas d’indexer les salaires, il faut une augmentation salariale.

LUC TRIANGLE

Appel à l’action

Dans ses conclusions, Thierry Bodson appelait à des actions européennes d’envergure. Contre l’austérité, pour les salaires, mais aussi pour contrer l’extrême droite, qui surfe sur les peurs pour augmenter son emprise. “Le message qu’on veut lancer, c’est qu’il faut qu’on passe à l’action. On voit que le pouvoir d’achat reste le problème principal pour les travailleurs. Inadmissible de le constater et de ne rien pouvoir faire. Après le covid et la crise énergétique… la réponse à venir, ce sera de l’austérité, notamment dans les services publics et la sécurité sociale! Le pouvoir d’achat est LE problème relayé par les travailleurs et il n’y a pas de réponse donnée par les gouvernements. Les gens vivent cette injustice, cette inégalité. La peur du lendemain devient de plus en plus importante: on voit l’extrême droite monter. Il faut qu’on ait une manifestation européenne digne de ce nom. On sera à Paris le 13 octobre. Après cela, il faut une grande manif européenne à Bruxelles.”

Aurélie Vandecasteele
Rédactrice en chef, Syndicats Magazine, FGTB

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