30 milliards d’économie: ce que coûte l’austérité

30 milliards d’économie: ce que coûte l’austérité

“Austère: qui obéit à des règles sévères, rigoureuses”, nous dit le Larousse. L’austérité, la rigueur, la sévérité, c’est ce que l’Europe nous prépare avec son plan budgétaire, imposé à tous les Etats membres de l’UE. Faisons le point, en quelques questions.

Contexte | L’austérité, en bref

L’”austérité budgétaire” imposée par l’Europe fait référence à une politique économique visant à réduire les déficits publics et la dette des États membres à travers une combinaison de coupes budgétaires, d’augmentations d’impôts, et de réformes structurelles. Ces mesures d’austérité sont mises en œuvre dans le cadre de programmes de “redressement économique” ou en réponse à des crises financières.

En effet, le traité de Maastricht, acte fondateur de l’Union européenne, prévoit des critères de convergence des économies européennes. Parmi eux: un déficit public qui n’excède pas 3 % du produit intérieur brut (PIB) et une dette publique inférieure à 60 % du PIB.

Les politiques d’austérité ont été particulièrement mises en avant après la crise financière mondiale de 2008. Avec toutes les conséquences sociales qui ont suivi.

Avec quelles conséquences?

Les politiques d’austérité pèsent lourd sur la qualité, l’accessibilité et l’étendue des services à la population, et donc de la protection sociale. L’une des premières mesures d’austérité consiste en effet souvent à réduire les dépenses publiques. Résultat: des coupes budgétaires dans des secteurs clés comme la santé, l’éducation, la sécurité sociale, les services d’urgence…

Quel est le plan sur la table aujourd’hui?

Les propositions mises sur la table par l’Europe exigent qu’un pays comme le nôtre accélère la réduction de sa dette publique et ramène son déficit budgétaire sous la barre des 3 % du produit intérieur brut (PIB), en quatre ans. En plus de se constituer quelques réserves.

Selon le Bureau du Plan et l’Institut Brueghel, cela signifierait pour la Belgique un “effort budgétaire” annuel supplémentaire d’au moins 1 % du PIB, cumulé sur une période de quatre ans. Soit plus de 4 % du PIB d’ici à 2029. Sur la base d’un PIB évalué à 600 milliards d’euros en 2029, l’effort se situera donc entre 25 et 30 milliards d’euros. Il serait de 7 milliards d’euros d’économie en 2025, pour augmenter progressivement et atteindre les fameux 30 milliards d’euros en 2029.

Cette somme représentera 10% du budget total du gouvernement fédéral en 2029. La moitié de ce budget revient à la sécurité sociale. En 2023, 70 milliards par an “partaient” pour les pensions, 15 milliards pour les indemnités maladie et invalidité. Économiser 30 milliards, c’est donc, par définition, s’attaquer à l’Etat social.

La faute à l’Etat social? Non!

Dans un billet consacré au retour annoncé des politiques d’austérité, Jean-Marie De Baene, responsable des services d’études à la FGTB, expliquait ceci: “La Commission européenne a quelque peu assoupli les règles budgétaires à la suite de la pandémie de coronavirus et de la crise énergétique, mais souhaite revenir à la normale à partir de 2024.” Et si l’on peut certes trouver raisonnable de la part de l’Europe de vouloir atteindre des finances publiques plus saines, on est en droit de demander des comptes. “Si les finances publiques connaissent des moments difficiles”, poursuit l’expert, “ce n’est pas parce qu’on s’est montré trop généreux en termes de mesures sociales. Mais parce qu’il a fallu répondre aux défaillances du marché. La détérioration de nos finances publiques est principalement le résultat d’un état permanent de gestion de crise : secourir les banques privées, venir en aide aux entreprises lorsque le coronavirus menaçait d’étouffer l’économie, maintenir la demande économique à niveau lorsque les marchés de l’énergie ont failli à leur devoir de fournir cette énergie à des prix abordables.”

Pourquoi dire “non” à l’austérité?

L’Europe fait par ailleurs face à des défis sans précédent en matière climatique ou encore numérique, thèmes qui ont d’ores et déjà un impact indéniable sur les populations, la vie quotidienne, le travail. La récente pandémie a montré l’importance d’une politique de soins de santé – et de prévention – efficace. Va-t-on répéter les erreurs d’hier, et une fois de plus rogner sur les services essentiels ?

Par ailleurs, les crises successives entraînent une peur du lendemain et une angoisse palpable au sein de la population. Angoisse qui peut se manifester par un sentiment de méfiance envers le monde politique, les médias, les acteurs sociaux “traditionnels” en général. Dès lors, s’attaquer une fois encore aux politiques sociale et à la protection des citoyens et citoyennes, c’est faire le jeu de l’extrême droite, qui surfe à l’envi sur toutes les frustrations.

Un besoin d’investissements

Thierry Bodson, président de la FGTB : « L’austérité doit être absolument évitée. Ce dont on a besoin, c’est d’investissements. On a devant nous plusieurs grands défis, dont la juste transition. Qui demandera des investissements pour les travailleurs et travailleuses en termes de formation, mais aussi pour les entreprises en termes de nouveaux process, d’innovation. C’est un long combat, mais il faut le mener. Il faut qu’on rende des perspectives aux citoyens, aux travailleurs. Il faut résoudre les problèmes par le haut, positivement. Ne pas systématiquement s’attaquer aux allocations de chômages, à l’âge de la pension… Il faut rendre de l’énergie et de l’espoir au monde du travail. »

De l’espoir, des investissements, une transition juste: c’est l’inverse d’une politique d’austérité. Les enjeux sont immenses. L’Europe, derrière ses lunettes à courte vue, les voit-elle?

Dans la rue le 12 mars

Le 12 mars, les Ministres de l’Économie et des Finances de tous les États membre se réunissent à Bruxelles. La FGTB les appelle à rejeter ces plans budgétaires. “La Belgique peut encore peser pour éviter la casse sociale. Les États européens ont un besoin vital d’investir dans la transition climatique, la protection sociale et les services publics.”

Les militants et militantes sont appelés à venir “faire du bruit” ce 12 mars (11h) au rond-point Schuman, à Bruxelles. Le message: “Nous ne paierons pas (une fois encore)”. Toutes les infos pratiques relatives à cette action sont disponibles ici.

Aurélie Vandecasteele
Rédactrice en chef, Syndicats Magazine, FGTB

Une réaction sur “30 milliards d’économie: ce que coûte l’austérité

  1. On pourrait dire en résumé : “Oui à la sobriété, Non à l’austérité”.
    La sobriété peut être heureuse et non chagrine. Elle va à l’encontre d’un monde de production et consommation massive, ce qui la rend peu compatible avec la vision de l’économie des grands comptes, et encore moins celle de la finance 2.0. Mais … pour qui voter lors des prochaines élections ? Pour des néo-communistes, pour des “socialistes de droite”, des écolos boy-scouts ?

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