Le projet Bart de Wever – Bouchez comprend un volet fiscal, qui s’engage à donner « plus de salaire net » aux gens qui travaillent. En échange de quoi ? D’une réforme qui coûte cher à l’Etat, d’une augmentation du prix des courses, d’une suppression d’avantages fiscaux. Ce qui est donné d’une main est repris de l’autre, et largement. Les riches, eux, sont épargnés. Analyse.
« Ils ont dit pendant toute la campagne qu’ils voulaient récompenser le monde du travail. Or aujourd’hui, on constate des attaques directes envers les salaires des travailleurs, surtout ceux qui bossent dans des conditions difficiles, la nuit et le week-end. S’ajoutent : une réforme fiscale qui est une véritable gabegie pour les finances publiques, une augmentation du prix des courses et une perte du quotient conjugal ! Et les pensionnés sont ceux qui perdent le plus. »
Thierry Bodson
L’augmentation de la quotité exemptée : donner d’une main
L’une des mesures fiscales qui est sur la table est l’augmentation de la quotité exemptée d’impôt ((la part des revenus sur laquelle on ne paie pas d’impôts passerait de 10 570 à 15 461€.). Celle-ci permettrait une augmentation du revenu net de maximum 110 €/mois, pour tout travailleur ou travailleuse qui dispose au minimum d’un salaire de 1.750 €/mois (si le salaire est inférieur, le montant de l’augmentation est proportionnelle).
Notons que le même montant de 110€ serait également alloué au travailleur qui touche un salaire mensuel de, par exemple, 10 000 €/mois ! Ce qui explique que le coût global de la mise en œuvre éventuelle de cette mesure serait excessivement élevé pour les finances publiques : de l’ordre des 10 milliards d’euros.
La FGTB n’est pas, par principe, opposée à une telle augmentation de la quotité exemptée. Pour autant qu’elle soit focalisée exclusivement sur les bas et moyens salaires, comme cela a déjà été le cas, entre 2009 et 2020. Une mesure qui avait été évidemment supprimée par le gouvernement Michel‑De Wever !
De même, seconde mesure sur la table, la suppression de la tranche d’imposition à 40 % et donc l’élargissement de la tranche à 25% jusqu’à +/- 28.000 €/an permettrait d’augmenter le salaire net des travailleurs et travailleuses (dès 2.075 € de salaire mensuel) de l’ordre de 100 €/mois. Là encore, le même montant serait également accordé aux personnes qui touchent un salaire élevé. Par conséquent, le coût budgétaire de la mesure serait énorme !
Tout cela se paie… Comment ?
Tout le reste : reprendre de l’autre
La TVA sur les produits essentiels augmente
C’est la mesure la plus simple à comprendre : le prix de tous les produits alimentaires – hors fruits et légumes – mais aussi des produits énergétiques, pharmaceutiques et de consommation courante va augmenter. En cause, une augmentation de la TVA de 6 à 9% sur tous ces produits. Si l’on se base sur le « panier de la ménagère » courant établi par l’enquête « budget des ménages 2022 » (source Statbel), cela représente une dépense supplémentaire de 116€ par an et par personne, rien que sur ces produits essentiels. Soit 10€ par mois et par personne ; cela peut paraître anecdotique pour certains. Mais pas pour une famille de 4 personnes qui, peu importe le niveau de son revenu, verra sa note de supermarché augmenter de 40 euros par mois !
La fin du « quotient conjugal »
De quoi s’agit-il ? Pour alléger la pression fiscale sur certains couples mariés, la loi a prévu une disposition particulière : le quotient conjugal. Il s’applique dans les cas où l’un des partenaires dispose de moins de revenu que l’autre, ou de pas de revenu du tout. Pensons aux personnes dont l’un (souvent la femme) travaille à mi-temps, l’autre à temps plein. Dans ce cas, grâce au quotient conjugal, le montant total d’impôts sera inférieur à ce que ce couple aurait payé en étant considéré comme deux personnes isolées. C’est un avantage accordé automatiquement par le fisc : il ne faut donc pas le demander . Et c’est loin d’être un détail : la mesure concerne 500.000 ménages en Belgique. Notons que cet avantage peut concerner tant les salariés qu’un couple dans lequel un des deux est indépendant.e et a connu une année difficile économiquement !
Quid s’il est supprimé ? La perte financière sera de 125€ par mois pour un couple ou l’un travaille à mi-temps et l’autre à temps plein. Et jusqu’à 600 €/mois pour un couple de pensionnés.
Les pensionnés et allocataires floués
Les allocataires sociaux et les pensionnés seront les premières victimes de la modification de la législation fiscale envisagée par l’Arizona. Pourquoi ?
- L’augmentation de la quotité exemptée ne les concerne pas, tandis que l’augmentation des courses, c’est pour tout le monde !
- Pour les personnes qui bénéficient d’une pension annuelle supérieure à 19.000 €/an (et qui donc paient des impôts), l’Arizona leur prévoit une diminution de la réduction d’impôt dont ils bénéficient actuellement. Le but ? Réaliser une économie budgétaire de 450 millions €/an sur le dos des pensionné.e.s.
Et la “non-taxation” des plus-values?
Qu’est-ce qui a été évoqué? La taxation des plus-values proposée par la note De Wever est très faible et ne serait, dans les faits, payée que par très peu de contribuables, et ne permettrait de collecter que des recettes fiscales limitées. Alors qu’un système sans failles ni déduction, et avec un taux plus élevé permettrait de générer plusieurs milliards d’euros qui pourraient en contrepartie financer une réduction significative de la taxation des revenus du travail.
Enfin, un tel shift fiscal aurait pour effet de mettre fin à une exception belge, puisque notre pays est un des seuls de l’Union européenne à ne pas taxer les plus-values, alors qu’il est le pays où la pression fiscale sur les revenus du travail est la plus élevée.
Chef d’entreprise : vous en prendrez un peu plus ?
Alors que les travaux du Conseil Supérieur des Finances et de la Banque Nationale de Belgique ont parfaitement démontré que le niveau de contribution fiscale et sociale des dirigeants d’entreprises et des indépendants étaient largement inférieure à celui des salariés, le projet De Wever-Bouchez-Prévot veut continuer à diminuer leur contribution au financement de notre société. Est ainsi mise sur la table une déduction pour entrepreneurs, pour les indépendants à titre principal ou secondaire. Ceux-ci pourront déduire de leurs impôts 20 % de leurs bénéfices ou gains professionnels, avec un maximum de 20000 €.