Le nombre d’enfants de moins de 15 ans privés d’une protection sociale augmente d’année en année à travers le monde. Il atteint désormais 1,46 milliard. Ce chiffre provient d’un rapport conjoint de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et de l’UNICEF. Les deux organismes plaident pour la mise en place d’une protection sociale universelle pour les enfants.
Généralités. Aujourd’hui, il y a 2,4 milliards d’enfants dans le monde. Tous ont besoin d’une protection sociale adéquate. La réalité est toute autre. Plus de 800 millions d’enfants vivent avec moins de 3 euros par jour, 1,3 milliard d’enfants avec moins de 5,20 euros par jour. Plus d’un milliard d’enfants vivent dans une pauvreté multidimensionnelle. C’est à dire qu’ils sont privés d’accès à la santé, à l’éducation et à la nutrition.
La rapport de l’OIT et de l’UNICEF s’intitule: « Plus d’un milliard de raisons : Le besoin urgent de mettre en place une protection sociale universelle pour les enfants ». Premier constat: la situation s’aggrave. Dans le monde, entre 2016 et 2020, 50 millions d’enfants supplémentaires âgés de 0 à 15 ans ont été privés de mesures de protection sociale vitales. Ce qui les expose davantage à la pauvreté, à la maladie, à une mauvaise alimentation. L’absence de protection sociale augmente par ailleurs les risques en matière de mariage des enfants, et de travail des enfants.
Disparités régionales
Selon le rapport, les taux de couverture des prestations à l’enfance et aux familles ont baissé ou stagné dans toutes les régions du monde sur cette même période (2016-2020). L’Amérique latine et les Caraïbes sont particulièrement concernées par cette baisse, passant de 52 à 41% de couverture sociale. Si la majeure partie de l’Asie et de l’Afrique n’est pas touchée par cette diminution, la couverture en protection sociale a l’enfance reste particulièrement basse, stagnant entre 11 et 28% en fonction des régions.
Le Covid a aggravé la situation
On l’a vu plus haut, plus d’un milliard d’enfants vivent dans une pauvreté multidimensionnelle. C’est à dire sans accès à la nutrition, à l’eau, à l’éducation, à la santé…. La crise du Covid-19 a d’ailleurs exacerbé ce fait. « La réponse mondiale aux effets dévastateurs de la pandémie du covid-19 nous a montré à quel point la protection sociale peut être puissante. Plus de 200 pays et territoires ont soit introduit de nouveaux programmes, soit rapidement adapté les programmes existants. Soit environ 4 000 mesures politiques au total. Renforçant l’aide sociale et soutenant les enfants et les familles », indiquent Gilbert Houngbo et Catherine Russell, respectivement Directeur général de l’OIT et Directrice générale de l’Unicef.
Les programmes de soutien ont toutefois été temporaires, diminuant voire disparaissant au même rythme que l’état d’urgence lié à la pandémie. « La plupart de ces programmes ont été de courte durée. Mais à mesure qu’ils diminuaient, les besoins des enfants et des familles ont continué de croître. Aujourd’hui, les impacts économiques de la COVID-19 se poursuivent. La crise du coût de la vie se continue. Et les impacts des conflits et de l’urgence climatique – auxquels les enfants ont si peu contribué mais à cause desquels ils devront tant supporter – augmentent inexorablement. »
Les filles encore moins protégées
« Les filles et les femmes ont été touchées de manière disproportionnée par de multiples crises. Elles connaissent également des taux de pauvreté plus élevés que les garçons et les hommes et sont confrontées à de multiples obstacles systématiques qui entravent l’égalité des sexes », indique le rapport. La question de la protection sociale se confronte aussi à la dimension de genre.
Des politiques adaptées sont en effet nécessaires pour que la protection sociale soit sensible au genre. Citons les prestations liées à la maternité, les politiques de soins et le congé parental. « Lorsqu’elle est conçue de manière appropriée, la protection sociale peut réduire la pauvreté liée au genre, surmonter les obstacles et promouvoir une participation plus complète des filles et des femmes à la vie économique et sociale. Si l’engagement en faveur d’une protection sociale tenant compte de la dimension de genre est de plus en plus fort, des lacunes importantes subsistent en termes de couverture, d’adéquation et d’exhaustivité, en particulier dans les pays à faible revenu. »
Pauvreté et handicap
UNICEF estime qu’un enfant sur 10, dans le monde, vit avec un handicap. Sans surprise, ces enfants, ou ceux vivant dans une famille où un membre est handicapé vivent avec un risque de pauvreté encore plus grand. « Les familles d’enfants handicapés doivent faire face à des coûts plus élevés en raison de l’aide et des soins nécessaires. Les responsabilités supplémentaires en matière de soins à domicile signifient que si les besoins sont plus importants, les revenus sont souvent plus faibles. Lorsque les services et les prestations à domicile ne sont pas disponibles accessibles, les familles doivent prendre des décisions concernant la prise en charge du membre de la famille handicapé. Et donc renoncer à des activités économiques ou à la scolarité, et donc à des revenus futurs.«
Une protection universelle des enfants
Afin d’inverser cette tendance négative, l’OIT et l’UNICEF demandent aux décideurs de prendre des mesures décisives pour aboutir à la protection sociale universelle de tous les enfants.
« Alors que les familles doivent faire face à des difficultés économiques grandissantes, à l’insécurité alimentaire, à des conflits et aux catastrophes liées au climat, les prestations universelles à l’enfance peuvent constituer une bouée de sauvetage », explique Natalia Winder-Rossi, directrice de la politique sociale et de la protection sociale à l’UNICEF. « Il est urgent d’aboutir à un renforcement, à une expansion et à des investissements en matière de systèmes de protection sociale favorables aux enfants et pouvant répondre à des chocs afin de protéger ces derniers de la pauvreté et d’améliorer la résilience au sein d es foyers les plus vulnérables. »
Photos: UNICEF / © UNICEF/UN0758140/Shahan / © UNICEF/UN0757346/Rahman