À Belém, ville symbolique s’il en est, car porte d’entrée de l’Amazonie, l’ « élite politique » du monde négocie à la COP30 l’avenir du monde, du climat… et donc des travailleurs et travailleuses. Mais derrière le jargon connu – « neutralité carbone », « fonds climat », « transition énergétique » – une question est centrale pour le mouvement syndical : est-ce que cette transition si nécessaire sera juste… ou brutale, subie, inégalitaire ?
D’où vient le concept de transition juste ?
Un peu d’Histoire.
- L’idée de « transition juste » trouve ses origines dans les luttes syndicales américaines des années 1970, lorsque le syndicat des travailleurs du pétrole, de la chimie et de l’énergie atomique revendiquait déjà la création d’un fonds de soutien pour les travailleurs mis au chômage suite à l’impact environnemental de leur secteur d’activité.
- Puis, entre 2010 et 2015, un travail a été mené au sein de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) pour élaborer les « 9 principes directeurs pour une transition juste vers des économies et des sociétés écologiquement durables pour tous ».
- En 2015, deux jalons majeurs ont encore renforcé cette dynamique : l’Accord de Paris qui, dans son préambule, évoque les « impératifs d’une transition juste pour la population active et la création d’emplois décents et de qualité », et l’adoption de l’Agenda 2030 pour le développement durable par les Nations Unies.
L’objectif global : « ne laisser personne de côté ». L’idée derrière le concept, c’est que la transition sera juste, ou ne sera pas. Le monde syndical rappelle qu’il n y’ a, « pas d’emplois sur une planète morte », et que la lutte climatique doit rimer avec emplois de qualité, bien-être pour toutes et tous, droits syndicaux et démocratie.
Tournant historique
La Coalition Climat, qui rassemble une centaine d’organisations belges – dont la FGTB – issues de la société civile et du monde syndical, estime que la Belgique et le monde se trouvent « à un tournant ». À la veille de la COP30, elle appelait à placer la justice climatique et sociale au centre des négociations.
Selon elle, la trajectoire actuelle mène vers près de +3 °C de réchauffement, un scénario jugé « dangereux ». La Coalition pointe également la responsabilité de la Belgique, isolée en Europe pour avoir refusé de soutenir un nouvel objectif de réduction d’émissions plus ambitieux. Elle martèle que la transition juste doit cesser d’être un slogan : elle doit garantir des emplois sûrs, accompagner les travailleuses et travailleurs des secteurs polluants et réduire les inégalités. Enfin, elle presse les dirigeants belges : « Avec un plan national insuffisant et son refus de soutenir l’ambition européenne pour 2040, la Belgique reste en marge. Il est temps que notre pays prenne ses responsabilités au niveau international et accorde à la crise climatique l’attention politique qu’elle mérite», déclare Nadia Cornejo vice-présidence de la Coalition Climat.
« De plus en plus de plans climatiques évoquent une transition juste, mais restent dans l’abstrait. Ceux qui travaillent aujourd’hui dans des secteurs polluants tels que le charbon ou l’huile de palme doivent pouvoir passer à des emplois sûrs, équitables et durables. Des avancées fortes doivent être prises dès maintenant à Belém, car une politique climatique qui ignore les populations est vouée à l’échec », souligne encore Nadia Cornejo.
Le Sud davantage touché
La FGTB et ses partenaires ne disent pas autre chose. La campagne « JUST – Pour une transition juste et la justice climatique », menée par FOS, Solsoc et IFSI-ISVI met en lumière un constat clair : le dérèglement climatique n’est pas seulement une question environnementale, mais une crise sociale mondiale, qui frappe d’abord les travailleuses, les travailleurs et les communautés déjà vulnérables.
Son message central : la transition écologique ne peut pas se construire « contre » le monde du travail, mais avec lui. Pour être juste, elle doit garantir la participation des syndicats, le dialogue social, la création d’emplois décents, l’accès à la formation, la protection sociale et le respect des droits humains. La campagne rappelle aussi que les pays du Sud Global, pourtant les moins responsables des émissions, en subissent les effets les plus violents et ont besoin de solidarité internationale et de financements climatiques crédibles.
« On revient à cette fausse opposition entre le climat et le social. On entend souvent ce slogan qui dit que la transition verte va détruire des emplois, surtout dans les secteurs polluants — sous-entendu : mieux vaut ne rien changer. Oui, une transition dans la production, ça amène forcément du changement. Mais ça ne veut pas dire qu’il faut la bloquer. Au contraire : il faut apprendre à vivre — et à survivre — dans un monde où le climat change déjà », indique Elise Craeghs, d’IFSI, l’Institut de coopération syndicale internationale.
En rendant visibles ces réalités et en articulant justice climatique et justice sociale, « JUST » met en avant une idée simple : la transition écologique sera juste – ou elle ne réussira pas.
Et l’Arizona, dans tout ça ?
« Le gouvernement ne mentionne pas la loi sur la restauration de la nature et reste faible sur les initiatives en matière de biodiversité », indique la Coalition Climat. « Nulle part, ce gouvernement ne reconnaît que la crise climatique est aussi une crise mondiale nécessitant la solidarité avec les pays vulnérables. Ce gouvernement semble également tirer un trait sur l’objectif d’une transition juste, qui soutient les plus fragiles et qui demande un plus grand effort aux secteurs et citoyens aux épaules les plus larges. »
Ces épaules larges, celles qui sont tellement absentes de l’ensemble de la politique de l’Arizona… La FGTB le rappelle : « L’argent public ne doit plus servir à subventionner les grands pollueurs, mais à financer ce qui compte vraiment : énergies renouvelables, logements abordables, transports publics accessibles, emplois dignes, santé et protection sociale. La justice climatique et la justice sociale sont indissociables, et les choix politiques doivent refléter cette évidence. »
Lueur d’espoir ?
Lors de la COP30 à Belém, les syndicats et la société civile ont obtenu la création d’un véritable mécanisme structurel dédié à la transition juste. Concrètement, les COP devront désormais intégrer chaque année les enjeux liés aux droits du travail, à la participation des travailleurs et travailleuses, à la protection sociale, ainsi qu’à la consultation des communautés locales.
Il reste bien sûr à traduire ces avancées dans les faits, au sein des États membres comme sur les lieux de travail. Mais c’est une victoire importante et un pas en avant vers la transition juste.
