On parle beaucoup de précarité énergétique. Les prix explosent et les factures sont impayables. Mais une autre réalité est souvent oubliée: la précarité hydrique.
Qu’est-ce que c’est? C’est le fait de rencontrer des difficultés pour payer ses factures d’eau, de ne pas disposer d’un accès suffisant à l’eau ou encore de devoir en limiter sa consommation. C’est aussi le fait de ne pas avoir accès à une eau de qualité. La précarité hydrique a des conséquences sur la santé, l’alimentation, l’hygiène corporelle… Elle est intimement liée à la pauvreté, à la mauvaise qualité des logements, et également au coût croissant de l’eau. Entre 2005 et 2017, la facture moyenne d’eau a augmenté de 103 % en Flandre ; de 83 % en Wallonie ; de 56 % à Bruxelles. Alors même que l’indice santé n’a augmenté que de 24 % sur cette même période.
15% des ménages belges en situation de précarité hydrique
Cette forme de précarité, méconnue, n’est pourtant pas rare. Selon le baromètre de la précarité hydrique de la Fondation Roi Baudouin, elle touche 1 ménage wallon sur 5 (20,7 % en 2019), quasiment 1 sur 4 à Bruxelles (23,5%), et près d’1 sur 10 (9,8%) en Flandre. La moyenne belge est de près de 15%.
Cet indicateur sous-estime la gravité de la situation. Un exemple: ces chiffres ne tiennent pas non plus compte des personnes sans-abri, sans domicile fixe, sans-papiers ou encore des gens du voyage. Des personnes pour qui l’accès à l’eau est pourtant très problématique.
Tout comme en matière d’accès à l’énergie ou de logement, les ménages les plus fragiles sont le plus exposés.
- Un tiers des familles monoparentales (constituées, dans 80% des cas, de femmes seules avec enfants) sont en situation de précarité hydrique ;
- les locataires sont les plus vulnérables. 27,9 % des ménages locataires sont en précarité hydrique pour seulement 8,2 % des propriétaires ;
- le taux de précarité hydrique atteint 37,2 % chez les locataires sociaux contre 27,7 % chez les locataires du parc privé.
Pire: 9,4 % des ménages en Belgique combinent les situations de précarités énergétique et hydrique. Un chiffre inacceptable, qui rappelle, une fois encore, que les revenus – salaires comme allocations sociales – sont insuffisants pour mener une vie digne. Nous serons à nouveau dans la rue, les 13 mai et 20 juin, pour le pouvoir d’achat.
Wallonie | Le Fonds social de l’eau
Au niveau wallon, trois dispositifs existent pour faire face à cette situation. Deux d’entre eux n’apportent aucun soutien aux personnes concernées : la procédure de recouvrement des factures impayées et les limitateurs de débit. Ces derniers sont heureusement en voie de disparition et appelés à être interdits, si l’on en croit la ministre wallonne de l’Environnement. Un autre dispositif est orienté vers le soutien aux personnes en précarité hydrique : le Fonds social de l’eau.
Le FSE est un mécanisme financier, prévu dans le Code de l’eau. Il est destiné à aider les personnes en difficulté de paiement de leur facture, ou à financer des interventions visant à des améliorations techniques du logement. Il est alimenté par une contribution payée par l’ensemble des consommateurs et consommatrices sur chaque mètre cube facturé. Les CPAS en sont les seuls interlocuteurs, intermédiaires entre les personnes demanderesses et le Fonds.
Un recours encore trop faible au FSE
Actuellement, le FSE est encore trop confronté à différents phénomènes qui diminuent l’impact social qu’il devrait avoir : non recours au droit par des personnes qui pourraient en bénéficier, sous-utilisation de leur droit de tirage par certains CPAS ou trop faible usage du Fonds des améliorations techniques qui permet de réaliser des aménagements du logement. Ce, en lien avec le manque de professionnels prêts à réaliser des interventions minimes, fussent-elles déterminantes pour l’amélioration des installations. Une révision du modèle s’impose donc pour réduire la précarité hydrique et garantir une égalité d’accès aux dispositifs entre citoyennes et citoyens wallons. La FGTB wallonne y sera particulièrement attentive et développera, dans le cadre des travaux de son prochain Congrès statutaire – qui se tiendra le 19 mai prochain à Marche-En-Famenne, un certain nombre de revendications en la matière.