Renault Vilvoorde: 25 ans après

Renault Vilvoorde: 25 ans après

Il y a 25 ans, le constructeur automobile Renault annonçait la fermeture de son usine à Vilvoorde. Des mois de lutte sociale ont suivi.

Triste anniversaire ce week-end: voici 25 ans que la nouvelle tombait. Renault Vilvoorde fermait ses portes. Plus de 3 000 employé travailleurs perdaient leur emploi.

Raymond Smeulders faisait “partie des meubles”. Il travaillait dans l’usine depuis 1971. Il y débute comme jobiste, et est engagé un an plus tard. Renault était à l’époque considéré comme un employeur stable. “La sécurité de l’emploi” est à la clé. En ’76, Raymond participe pour la première fois aux élections sociales. “Le début d’une grande carrière syndicale”, comme il le dit lui-même.

La fermeture, personne ne l’a vue venir

“La nouvelle de la fermeture est tombée sur nous comme une bombe. Nous ne nous attendions pas du tout à une décision aussi radicale. Quelques jours avant, nous organisions encore une fête des médaillés pour célébrer les collègues les plus anciens. Mais lorsque Jean-Luc Dehaene, ainsi que la direction et les cadres sont arrivés, j’ai remarqué que quelque chose n’allait pas. Dehaene n’a pas fait de discours et n’a pas participé au repas de célébration. J’ai alors demandé à l’un des cadres ce qui se passait, et il a balayé mes remarques d’un revers de main. Selon lui, il n’y avait pas de problème. Le même soir, j’ai attiré l’attention de Karel Gacoms, alors responsable syndical, sur ce point. Il a répondu ces quelques mots : “ils ne vont quand même pas fermer l’usine”. Je lui ai dit que je n’étais pas tout à fait sûr”.
“Le lundi précédant l’annonce, les camions étaient prêts pour emporter un grand nombre de voitures terminées. Le directeur du personnel nous a dit que c’était nécessaire pour pallier une pénurie chez les concessionnaires espagnols. Et que nous ne devions pas nous inquiéter… Je n’étais pas satisfait de cette explication et j’ai demandé un complément d’information. Nous avons ensuite bloqué les convois avec nos collègues afin que plus aucune voiture ne puisse partir.”

Date fatidique

Raymond et ses collègues s’attendaient à des sacrifices. “Nous pensions que la direction voudrait négocier sur les salaires”. En ce jeudi fatidique du 27 février 1997, un conseil d’entreprise extraordinaire devait se réunir à 15 heures. “Nous avons remarqué qu’il y avait beaucoup de monde, et aussi beaucoup de gens qui n’étaient pas censés être là. Nous avons demandé que ces personnes ne soient pas admises à la réunion. Ce qui a causé un retard.”

Le comité d’entreprise n’avait donc pas encore commencé lorsque Michel De Verville, le patron de Renault, s’est adressé à la presse à l’hôtel Hilton de Bruxelles. Il y a annoncé la fermeture de l’usine de Vilvoorde.

“En raison de l’agitation qui régnait au début de la réunion du conseil d’entreprise, le timing avait un peu dérapé”, se souvient Raymond. “Les personnes présentes ont entendu l’annonce de la fermeture à la radio avant même d’avoir été informés au sein de l’entreprise. C’était incroyablement choquant. Nous avons alors tenté de calmer les esprits. Ce n’était pas facile. Finalement, tous les syndicats ont décidé ensemble de se rendre en masse à la mairie de Vilvorde, en signe de protestation.”

La première d’une trop longue série

L’usine de Vilvoorde a été la première des grandes usines automobiles belges à fermer ses portes. Elle a ensuite été suivie par Opel Anvers (2010) et Ford Genk (2014). Là aussi, et chez les nombreux fournisseurs, des milliers d’emplois de production ont été perdus. Autant de coups durs, en premier lieu pour les travailleurs, mais aussi pour l’industrie belge en général.

Solidarité

“Nous avons organisé les piquets pendant quatre, cinq mois, par tous les temps, jour et nuit. Les filiales françaises de Renault ont également fait preuve d’une grande solidarité. C’était sans précédent en Europe.”

En mars 1997, plusieurs grandes manifestations ont eu lieu à Paris. “Nous nous y sommes rendus en bus pour faire entendre notre voix.” Au final, les syndicats de Vilvoorde ont obtenu quatre points importants du plan social. “Il a été décidé de garder 400 personnes. Nous avons également mis en place une cellule de reconversion pour aider tous les autres dans leur recherche d’un nouvel emploi. De nombreux travailleurs ont également pris une retraite anticipée. Enfin, nous avons pu obtenir une belle prime pour la fermeture du site. La cellule a réorienté 2 000 personnes. Environ 120 sont allés chez Volkswagen, quelques autres chez Opel et Volvo. Tous les travailleurs, sauf 30, avaient un nouvel emploi après deux mois.”

“Après la fermeture d’Opel Anvers et de Ford Genk, les syndicalistes m’ont dit personnellement que, grâce à nos actions en 1997, il avait été possible d’imposer de meilleures conditions. Des messages qui ont fait chaud au coeur. Notre combat, qui a duré des mois, c’est quelque chose que les ouvriers ne voulaient pas avoir à revivre.”

Loi Renault

La brutalité avec laquelle la direction a annoncé la fermeture a suscité l’indignation, au-delà des portes de l’usine. L’épisode a conduit le Parlement à introduire la loi Renault. Une loi qui oblige les entreprises à informer – à temps – les salariés de tout projet de licenciements collectifs. Désormais, les plans doivent d’abord être communiqués par écrit, après quoi des négociations doivent avoir lieu au sein des organes de consultation afin d’explorer des pistes d’action alternatives et/ou de limiter l’impact du plan licenciement.

“Si une direction décide de fermer, il n’y a généralement pas grand-chose à faire”, poursuit Raymond. Mais notre lutte sociale a clairement montré qu’il est possible de limiter la casse, ou de faire quelque chose pour les collègues.”

“L’histoire de Renault Vilvoorde est d’autant plus regrettable que l’usine elle-même, et les travailleurs étaient prêts à relever de nouveaux défis pour les véhicules du futur.”

Lutter.

“Si une direction décide de fermer, il n’y a généralement pas grand-chose à faire. Mais notre lutte sociale a clairement montré qu’il est possible de limiter la casse, ou de faire quelque chose pour les collègues.” – Raymond Smeulders

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