Ils étaient plus de 450 sans-papiers à entamer une grève de la faim en mai dernier. Leur but? Obtenir leur régularisation. La grève a duré 2 mois… Des promesses politiques pour la prise en compte de certains éléments tels que « l’ancrage long en Belgique » ont été faites. 3 mois plus tard, les grévistes et leurs représentants se rendent compte qu’elles n’ont pas été respectées. La grande majorité des demandes a été rejetée.
La situation des sans-papiers en Belgique : rencontre avec Nezha
Ils sont environ 150 000 à vivre sans papiers sur le territoire. Des hommes et des femmes qui sont ici depuis 5, 10, parfois 20 ans. Certains sont même nés ici. Ces « sans-papiers » enchaînent les jobs précaires et les salaires de misères. Sont souvent exploités par leurs employeurs. N’ont pas accès à la protection sociale : pas de droit au chômage, par exemple. En cas de maladie, leurs soins de santé ne sont pas remboursés.
C’est dans ces conditions inhumaines que Nezha vit son quotidien. Elle est arrivée en Belgique en 2009. Elle a travaillé dans l’horeca, le secteur des soins à domicile, elle s’est occupée d’enfants… Nezha a fait plusieurs demandes de régularisation au fil des années, accompagnées de contrats de travail ou de promesses d’embauche, mais elles ont toutes été refusées. « Je ne veux plus continuer à travailler en noir », nous explique-t-elle.
Plusieurs mobilisations ont été organisées ces dernières années par des plateformes et organisations qui soutiennent les sans-papiers. Une grande campagne a également été lancée en 2021 : WeAreBelgiumToo, parce que la situation des sans-papiers nous concerne tous. Malheureusement, ces différentes interpellations politiques sont restées lettres mortes…
La grève de la faim, ultime outil pour revendiquer leurs droits
Comme dans les entreprises, la grève est l’ultime outil pour faire respecter ses droits. Sauf qu’ici, ce que les sans-papiers ont mis en péril, ce n’est pas leur travail, mais leur propre vie.
En mai 2021, plus de 400 femmes et hommes ont entamé une grève de la faim à l’Eglise du Béguinage. Pendant deux mois. Nehza faisait partie des grévistes : « Malgré les actions menées, personne ne nous écoutait. La grève de la faim était notre ultime outil. » Début août, l’ambiance à la place du Béguinage à Bruxelles était lourde. Très lourde. Les ambulances se succédaient pour venir en aide aux grévistes, qui présentaient entre autres des difficultés respiratoires.
La dégradation de leur situation de santé a obligé le secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration, Sammy Mahdi (CD&V), – qui refusait jusque-là d’envisager un dialogue – à solliciter une rencontre avec des représentants des sans-papiers. Ces derniers ont demandé des critères clairs pour le traitement des dossiers de régularisation. A cela, le Secrétaire d’État a répondu que les grévistes de la faim qui « vivent en Belgique depuis un certain nombre d’années« , qui « sont bien intégrés » et « peuvent produire des preuves de ladite intégration », doivent introduire leur dossier et arrêter la grève car ceux-là « sont dans une situation pouvant donner lieu à une régularisation« . D’autres éléments présentés permettaient d’apaiser les inquiétudes des grévistes et de leurs représentant. La grève de la faim s’est donc arrêtée…
Les demandes de régularisation largement refusées
Trois mois plus tard, 20 dossiers ont déjà été examinés par l’Office des étrangers. Seuls 5 ont reçu une réponse positive. Dans la plupart des cas, ce sont pour des raisons médicales que les personnes ont pu obtenir leur titre de séjour. Ce qui fâche, ce n’est pas seulement le nombre des réponses négatives, mais surtout le motif des refus. Les dossiers rejetés, dont celui de Nehza, présentent toutes les conditions favorables négociées : éléments d’intégration, ancrage durable, possibilité d’emploi… Mais soudainement le discours politique a changé.
Mehdi Kassou, porte-parole de la Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés et l’un des représentants des sans-papiers réagit : « Il n’est pas rare que des lieux de discussions informels soient créés pour faire face à des situations exceptionnelles. Mais les décisions qui se prennent dans ces lieux reposent presque exclusivement sur la confiance et la volonté de toutes et tous de dégager des solutions dans l’intérêt général. » Et il ajoute : « Ici la confiance est rompue et des centaines de vies sont instrumentalisées à des fins politiques. Notre démocratie ne peut que s’en inquiéter. »
« De nouvelles actions sont prévues. Nous allons continuer la lutte » promet Nehza. Une nouvelle grève collective serait-elle à craindre ? Mais que faudra-t-il au gouvernement pour enfin changer de politique migratoire ? Devra-t-il avoir une mort sur sa conscience ?
Les revendications de la FGTB pour les travailleurs sans papiers
La régularisation des sans-papiers est un combat que mène la FGTB depuis plusieurs années. Pour le syndicat, il est temps de sortir de cette situation d’illégalité et d’impasse dans laquelle sont prisonniers les sans-papiers depuis de (trop) nombreuses années. Comment ? En introduisant des critères légaux clairs de régularisation. Mais aussi en mettant en place une commission de régularisation indépendante qui garantit aux personnes qui introduisent leur dossier d’être entendues.
Parmi les 150 000 sans-papiers présents en Belgique, il y a des ouvriers qualifiés de la construction, des travailleurs de l’Horeca, du secteur des soins aux personnes, du nettoyage… Malgré cela, le gouvernement est prêt à recruter des travailleurs dans des pays du Sud. Pour ces travailleurs sans-papiers actifs dans un métier en pénurie ou qui ont une demande de contrat de travail en Belgique, la FGTB revendique la mise en application du permis unique. Ce dernier permettra également de mettre fin à l’exploitation de ces travailleurs et travailleuses.
Les sans-papiers sont victimes d’une politique migratoire belge qui a oublié de mettre les êtres humains au cœur de ses objectifs… D’une politique criminelle que nous combattons et continuons à combattre. La FGTB défend tous les travailleurs : avec et sans papiers. Derrière les termes sans-papiers, migrants, mena, il y a des femmes, des hommes et des enfants… des travailleurs et des travailleuses que nous côtoyons tous les jours. Nous exigeons une solution structurelle à long terme à ce problème insoutenable.
Selena Carbonero, Secrétaire fédérale de la FGTB