Atteintes aux libertés syndicales à l’AVJ à Liège

Atteintes aux libertés syndicales à l’AVJ à Liège

Il est 14h à la rue Darchis 19, à Liège. Une dizaine des travailleuses et travailleurs, avec leurs vestes rouges et vertes, sont rassemblés devant l’entrée de l’AVJ, un service d’aide à la vie journalière pour des personnes à mobilité réduite. Sur la porte du bâtiment, écrit à la craie : « directeur dictateur », « stop aux mises à pied » ou encore « harcèlement ». Une des travailleuses brandit une pancarte « Notre directeur fait la sourde oreille, faites du bruit pour nous ! » aux automobilistes et les klaxons des voitures retentissent. Aujourd’hui, cela fait 10 jours qu’ils sont en grève. Et c’est loin d’être fini.

Manque de dialogue social

Le conflit dure depuis des mois. En cause, des tâches incompatibles avec la gestion quotidienne de personnes en situation de handicap. « Le directeur voulait nous imposer des choses qui n’étaient pas faisables et ne voulait pas nous écouter » nous explique Aurore Gonzalez, la déléguée principale SETCa.

En juin, la direction a engagé un consultant externe pour renouer le dialogue. « Il n’a fait que mettre de l’huile sur le feu, notamment en utilisant les mises à pied. C’est une sanction qui consiste à retirer le salaire des gens. Il l’a notamment utilisé pour des travailleurs qui souhaitaient être accompagnés par le délégué syndical lors d’un entretien avec lui et qui ne se sont pas présentés quand il leur a refusé la demande. Ce sont des mesures complètement disproportionnées. » regrette Julien Dohet, permanent SETCa à Liège. En tout, il y a eu… 36 mises à pied depuis l’arrivée du consultant ! « On est dans une Asbl pour personnes en situation de handicap, subsidiée à 100% par les pouvoirs publics via l’AVIQ. Une partie de l’argent public est donc utilisée pour payer un consultant privé qui a des méthodes inacceptables et encore plus choquantes pour le secteur en question ».


« On a tout essayé pour éviter la grève, parce qu’on se trouve dans une institution pour personnes handicapées » explique-t-il. Un bureau de conciliation a alors eu lieu mi-novembre. Il échoue, la grève s’impose. « On a mené un action mi-décembre pour essayer de débloquer la situation, en vain. La semaine dernière on a déclenché la grève. » Résultat : 12 travailleurs et travailleuses en arrêt sur les 16 temps plein. Les malades de longue durée soutiennent eux aussi la grève.

Maltraitances et intimidations

Pour Aurore, la situation depuis l’arrivée du consultant externe est intenable. « Il est grossier. Il m’a déjà pris deux fois par le bras et il a fait la même chose à deux autres collègues. C’est vraiment une dictature. On ne peut plus s’exprimer. Ils nous disent comment fonctionner, mais ne veulent pas nous entendre, alors que c’est nous qui sommes sur le terrain ». Ca fait 27 ans qu’Aurore exerce ce métier. Une autre personne est là depuis… 36 ans ! « Nous ce qu’on demande, c’est simplement d’être écoutés ».

« C’est vraiment une dictature. On ne peut plus s’exprimer. Ils nous disent comment fonctionner, mais ne veulent pas nous entendre, alors que c’est nous qui sommes sur le terrain »

— Aurore Gonzalez, Déléguée principale

La situation a des répercussions graves sur la santé de certains travailleurs. Actuellement, plusieurs personnes en maladie de longue durée affirment qu’elles ne reviendront pas tant que le consultant externe est en place. « Le directeur s’étonne de ce taux de maladie assez important. Il ne se pose pas la question du ‘pourquoi ?’ Pour lui, ce sont des maladies de ‘complaisance’. Il l’a dit tel quel lors d’une réunion. Je lui ai répondu qu’il n’est pas médecin. ».

Attaques aux libertés syndicales

Les délégués, verts comme rouges, sont particulièrement ciblés. « Moi je suis harcelée depuis des mois. », explique Aurore. Une plainte a été déposée par plusieurs travailleurs et travailleuses chez Liantis, un service de prévention des risques psychosociaux au travail. « La direction ne nous dit pas bonjour, ne nous accorde pas de formations, fait de la rétention d’informations… Une travailleuse a réunion aujourd’hui avec le directeur. On l’a eu au téléphone. Elle est en pleurs. C’est ce qu’il est en train de chercher : à nous déstabiliser » regrette Aurore.

Depuis le début de la grève, les attaques aux libertés syndicales ne font que s’intensifier. Le 20 février, premier jour de grève, le directeur a mis sur la table un nouveau règlement de travail qui prévoit de réinstaurer  les gardes de 24h. Or, les travailleurs avaient mené une lutte acharnée en 2015 pour les supprimer… « Présenter un nouveau règlement de travail le premier jour de grève est une provocation et la preuve que la direction ne veut pas ouvrir le dialogue » ajoute Julien Dohet.

« Présenter un nouveau règlement de travail le premier jour de grève est une provocation et la preuve que la direction ne veut pas ouvrir le dialogue. »

— Julien Dohet, Permanent SETCa Liège

Le local syndical a également été fermé. Du jour au lendemain, sans avertissement. Enfin, « la direction instrumentalise les bénéficiaires en laissant entendre que c’est la faute des grévistes s’il n’y a pas tel ou tel service rendu. » Malgré cela, plusieurs bénéficiaires soutiennent les grévistes. L’une d’entre elles a même adressé un courrier à la direction pour lui demander de renouer le dialogue.

Le service minimum, une atteinte au droit de grève ?

Le permanent du SETCa le confirme : dans la législation sur le droit de grève, le principe de la réquisition existe pour assurer le service minimum dans certains secteurs. « D’autant plus que le nombre des non-grévistes ici est très faible. » La première semaine, il y a eu un accord. Mais il n’a pas pu être reconduit pour la deuxième semaine. Depuis lundi, c’est au gouvernement qu’est pris l’ordre de réquisition et c’est la police qui amène la convocation aux domicile des travailleurs.

« On considère qu’il y a une atteinte au droit de grève, parce que la réquisition qui est faite est supérieure aux normes. On se retrouve avec un service minimum plus important que le travail presté en temps normal. ». Julien nous explique que la veille, trois travailleurs ont été convoqués : deux grévistes et un non gréviste. Lorsque le responsable s’est rendu compte qu’il avait fait une erreur et n’en avait besoin que de deux, il a renvoyé le… non gréviste chez lui ! « Ça ne va pas du tout. Si ça continue comme ça, on va durcir les actions. » Affaire à suivre…

Si vous souhaitez vous montrer solidaires aux camarades en grève, vous pouvez les rejoindre tous les jours à 13h30 et 21h30 devant l’AVJ de Liège, à la rue Darchis 19.  
Ioanna Gimnopoulou
Journaliste, Syndicats Magazine

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