Des travailleurs comme les autres

Des travailleurs comme les autres

Le 3 décembre, c’est la journée internationale des personnes handicapées. A cette occasion, nous sommes allés à la rencontre de Michel, travailleur sourd. Ainsi que de la délégation FGTB Horval de Spa Monopole à Verviers.  Un projet d’inclusion de personnes en situation de handicap y a vu le jour il y a 4 ans. Aujourd’hui cela concerne huit travailleurs et travailleuses. Reportage.

En Belgique, un quart des personnes en situation de handicap ont un emploi. Parmi les raisons : très peu d’entreprises marchandes sont inclusives, et accueillent dans leurs équipes des personnes handicapées. Et ce, même dans le cas de personnes qui portent un handicap dit “invisible” qui ne nécessite pas d’aménagement du travail, ou très peu… Et donc très peu d’effort pour les entreprises. Une question de volonté ? « En Belgique, on est à des années-lumière de ce qui est mis en place dans d’autres pays européens. Il n’y a pas ou peu de réflexion autour de la question », nous explique Francisco Barrera, secrétaire permanent de la FGTB Horval à Verviers et initiateur du projet à Spa Monopole. « Le plus difficile, c’est de le vouloir. On stigmatise la personne porteuse d’un handicap. » En cause, des images réductrices, des idées fausses quant aux aménagements à prévoir…

La naissance du projet

« C’est quand une ETA a fermé ses portes à Verviers que je me suis demandé : ‘Pourquoi les travailleurs porteurs d’un handicap ne pourraient-ils pas intégrer une entreprise marchande ordinaire ?’ Après tout, elles sont capables de faire le même travail. » Francisco s’est alors tourné vers Spa Monopole. Pourquoi Spa ? Parce l’entreprise se décrit comme durable et prônant le bien-être. Il était dès lors naturel d’y revendiquer la mise en place d’une politique de gestion des ressources humaines inclusive. Partant donc des valeurs de l’entreprise, représentants des travailleurs et employeurs se sont réunis autour de la table.

Convaincre les travailleurs d’abord

Le projet a éveillé certaines craintes parmi les travailleurs de l’entreprise. On craignait qu’ouvrir des postes à des travailleurs handicapés puisse nuire à l’emploi « classique ». L’un des rôles principaux de la délégation syndicale a donc été de garantir un réel suivi de la qualité des emplois occupés par les personnes en situation de handicap, en évitant toute forme de mise en concurrence. « Sans délégation forte, un projet comme celui-ci serait compliqué à mettre en oeuvre. L’employeur pourrait avoir tendance à vouloir engager beaucoup de personnes porteuses d’un handicap, parce qu’il bénéficie d’avantages financiers non-négligeables. Mais cela nuirait à un emploi équitable. Il faut toujours trouver un équilibre. Nous nous sommes donc battus pour que les travailleurs soient embauchés sur fonds propres. », nous explique Joseph Dreze, travailleur chez Spa depuis presque 40 ans et délégué FGTB Horval. « Aujourd’hui, les principaux porteurs du projet sont les travailleurs eux-mêmes.»

Quels postes, pour qui ?

Ensemble, l’AViQ*, les travailleurs et l’employeur ont tenté d’identifier les postes au sein de l’entreprise  qui pourraient s’ouvrir aux personnes porteuses de handicap. Mais ce n’était pas la meilleure approche. En effet, les types de handicaps étant trop nombreux, il s’est avéré compliqué de définir les fonctions qui pourraient convenir à chacun. De plus, cela n’allait pas dans le sens d’une réelle politique de recrutement inclusive. Le choix a donc été fait d’ouvrir tous les postes aux personnes en situation de handicap. Et de l’indiquer clairement dans les offres d’emploi.

Les premiers résultats

Rapidement, Spa Monopole a commencé à recruter des travailleurs handicapés. Et à aménager- si nécessaire – les postes de travail. L’entreprise a également veillé à poursuivre les contrats des travailleurs touchés par un handicap plus tard au cours de leur carrière. Le tout concerne huit personnes aujourd’hui.

En 2017, Spa Monopole a remporté le prix de l’Entreprise Citoyenne remis par CAP48, une organisation qui a comme objectif premier de faire bouger les lignes sur la question du handicap. « Si on a décidé d’accepter le prix, c’est pour que d’autres s’inspirent de ce projet et adhèrent à cette philosophie d’entreprise inclusive », poursuit Francisco.

Michel, un travailleur exemplaire

Michel Respentino (voir photo), sourd de naissance, est agent de nettoyage à Spa. Son parcours professionnel a été parsemé d’embûches. « Les employeurs sont réticents. Ils ont peur de prendre quelqu’un avec un handicap parce qu’ils pensent qu’il ne sera pas capable de remplir les tâches demandées. » Après de nombreuses années de recherche, Michel a commencé son parcours professionnel à la buanderie du CPAS de Spa. « Ils m’ont ouvert les portes. Le premier emploi signifie qu’on peut s’accrocher à quelque chose. »

18 ans plus tard, quand la buanderie a fermé ses portes, il s’est retrouvé au chômage, avec la peur de ne jamais retrouver de travail. Ça a duré trois ans. Il a alors postulé chez Spa Monopole, « un peu sans espoir », et à sa grande surprise a été engagé. Il enchaîne les contrats intérimaires. 5 ans plus tard, il reçoit un CDI.

“Pas de différence”

Michel est un travailleur exemplaire. Il fait bien son travail, il aime ce qu’il fait, il s’entend bien avec ses collègues. « Parfois on vient même me demander des conseils pour nettoyer telle ou telle chose ». Son handicap ne pose aucun problème dans la réalisation de ses tâches. Son travail n’a d’ailleurs pas été adapté. Grâce à son appareil auditif, Michel entend très bien. « J’essaye de donner le meilleur de moi-même, malgré mon handicap. Ce qui est le plus important pour moi c’est qu’on ne fasse pas de différence. Je veux être traité comme les autres. » nous explique-t-il. Et il conclut : « Les employeurs doivent faire confiance aux travailleurs en situation de handicap, ne pas avoir peur, leur donner une chance. Une personne qui a un handicap peut faire son travail aussi bien qu’une personne qui n’en a pas. »

*L’AViQ est l’organisme public de la Région wallonne en charge de la politique en faveur des personnes en situation de handicap. L’AViQ a notamment dans ces missions le soutien des entreprises à l’engagement de ces personnes.

Ioanna Gimnopoulou
Journaliste, Syndicats Magazine

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