Le syndicat, un tremplin vers des salaires décents

Le syndicat, un tremplin vers des salaires décents

« L’heure est venue d’augmenter les salaires ! ». C’est le mot d’ordre de la CSI (Confédération Syndicale Internationale) en ce 7 octobre, journée internationale pour le travail décent. L’inflation a pesé lourd sur les travailleurs et travailleuses. Comment y remédier ? Par le travail syndical.

On se souviendra toutes et tous de l’année 2022 et de la hausse des prix liée à la guerre en Ukraine. Du jour au lendemain, les prix de l’électricité, du gaz, des carburants, des produits alimentaires… ont explosé. Alors que les salaires des travailleurs et travailleuses sont restés à la traîne, malgré l’indexation automatique en vigueur dans notre pays. La FGTB et sa base se sont mobilisés à plusieurs reprises. Leurs revendications étaient claires : pour faire face à la crise, il faut augmenter les salaires et bloquer les prix de l’énergie. Le gouvernement a mis en œuvre certaines mesures – comme l’élargissement du tarif social – mais elles étaient largement insuffisantes, puisqu’elles étaient temporaires et ne bénéficiaient pas à toutes et tous.

En Belgique, nous disposons, grâce aux syndicats, d’un mécanisme qui permet d’ajuster de manière automatique les salaires en fonction de l’inflation : il s’agit de l’indexation automatique des salaires. Ce système, sans cesse attaqué par le patronat, est indispensable pour maintenir le pouvoir d’achat des travailleurs. Indispensable mais imparfait. Il ne fait que “rattraper” la perte du pouvoir d’achat, parfois en temps quasi-réel, parfois de manière décalée. Mais en réalité, le pouvoir d’achat des belges n’a pas augmenté depuis… 2009 ! Ce qu’il faut, c’est de réelles augmentations salariales. Et ceci est possible à travers la négociation collective dans les entreprises. Grâce au travail acharné des délégués.

Partager les richesses

On le sait, les calamités récentes n’ont pas frappé tout le monde de la même manière. Ces dernières années, les bénéfices de nombreuses entreprises ont continué d’augmenter. Voire d’exploser. Certaines ont largement profité des crises successives. Citons ici Engie qui a réalisé un bénéfice de 1,1 milliard d’euros durant les six premiers mois de l’année 2022. Mais aussi des entreprises pharmaceutiques qui ont vu leurs bénéfices exploser grâce à la crise Covid. Aux Etats-Unis, au cours des deux dernières années, 722 entreprises ont réalisé mille milliards de dollars de bénéfices exceptionnels. Alors que la masse salariale d’un milliard de travailleurs a diminué de 746 milliards de dollars. (Source: CSI)

Mais qui profite de cet enrichissement massif, si pas les travailleurs ? Simple. Les actionnaires. Pourtant, ce sont bien les travailleurs qui produisent ces richesses, parfois en prenant des risques pour leur santé, comme lors de la crise sanitaire. C’est pour cela que la FGTB s’est mobilisée à de nombreuses reprises en 2022 afin que la marge salariale soit indicative, et pas impérative. Les travailleurs des entreprises qui ont réalisé des bénéfices doivent pouvoir y négocier des augmentations salariales significatives et non pas… des cacahuètes.

Les mêmes tendances partout

Selon la CSI, au cours de ses 40 dernières années, la « taille » de l’économie a quadruplé. Mais la part des richesses destinée aux salaires a elle diminué de 13%. Comment expliquer cela ? Par la diminution du taux de syndicalisation provoquée par la dégradation graduelle des droits des travailleurs. De plus en plus de travailleurs et travailleuses sont contraints de faire grève car leurs employeurs refusent de répondre à leurs revendications salariales pourtant légitimes. L’intimidation est de mise, et ce, souvent en faisant recours à la justice, aux forces de l’ordre… L’index global du droit des travailleurs en atteste: La proportion de pays qui violent le droit de grève a augmenté de 63% en 2014 à 87% en 2023. On parle ici de poursuites pénales, de licenciements de grévistes, de sanctions financières…

Au lieu de soutenir les travailleurs, leur droit d’organisation et de négociation, bien souvent les gouvernements se rangent du côté des employeurs. 77% des pays dans le monde ont exclu des travailleurs du droit de constituer un syndicat et de s’y affilier, prévient la CSI. Le droit aux libertés d’expression et de réunion a été restreint dans 42 % des pays. Aujourd’hui, il est également en danger chez nous. Et si la tendance s’alourdit depuis plusieurs années, elle atteint un nouveau sommet avec le projet de loi Van Quickenborne. Ce 5 octobre, près de 10 000 activistes, de différentes organisations, étaient dans la rue pour protester contre cette nouvelle atteinte aux droits à l’action collective.

Chez nous, les exemples de criminalisation des actions syndicales et du droit de grève en particulier sont malheureusement très nombreux. Rappelons-nous également du cas récent de Delhaize où un juge a décidé, à la suite d’une requête unilatérale, que les syndicats ne pouvaient plus empêcher – voire simplement filtrer! – l’accès aux magasins et dépôts, dans tous le pays, pendant un mois. Une entrave sérieuse au droit de grève des travailleurs et travailleuses.

Le meilleur et souvent le seul moyen pour que les travailleurs et les travailleuses obtiennent des salaires décents est l’affiliation à un syndicat.

Luc TRIANGLE, Secrétaire général par intérim de la CSI

Pour de meilleurs salaires, se syndiquer

Selon la CSI, les travailleurs dans les entreprises où il y a une présence syndicale gagnent entre 10 et 25% de plus que ceux qui travaillent dans des entreprises similaires, mais où il n’y a pas de délégation syndicale. Ce, grâce à la négociation collective. Ces augmentations profitent à tous les travailleurs et travailleuses des entreprises et non pas seulement aux travailleurs syndiqués. Autre chiffre intéressant : l’écart salarial entre femmes et hommes est moins important dans les entreprises à forte syndicalisation. Les représentations syndicales dans le monde entier se battent également pour le respect du salaire minimum, pour plus de protection pour les jeunes travailleurs et autres catégories de travailleurs souvent victimes de discrimination.

C’est clair : « Le meilleur et souvent le seul moyen pour que les travailleurs et les travailleuses obtiennent des salaires décents est l’affiliation à un syndicat », conclut Luc Triangle, le Secrétaire général par intérim de la CSI. En cette veille d’élections sociales, rappelons-le : l’affiliation à un syndicat combatif est primordiale ; le travail de nos délégués sur le terrain, indispensable pour défendre les droits des travailleurs et travailleuses.

Ioanna Gimnopoulou
Journaliste, Syndicats Magazine

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