Voir au-delà du handicap

Voir au-delà du handicap

Le 3 décembre, c’est la journée internationale des personnes en situation de handicap. À cette occasion, nous sommes parties à la rencontre de Thomas Dehoux, travailleur malvoyant et ancien délégué Centrale-Générale FGTB et de son permanent syndical, Lionel Quebella. Thomas exerce depuis 8 ans la fonction de réceptionniste à l’ETA « Les Ateliers de Mons » et à l’asbl « Les Amis des aveugles », à Ghlin. Un travail qu’il mène avec gentillesse, professionnalisme et dévouement. Rencontre.


C’est à 19 ans que l’on a diagnostiqué à Thomas une maladie génétique et dégénérative qui aurait comme conséquence la perte progressive de sa vue. À l’annonce de la nouvelle, Thomas est tombé en dépression pendant un an. « J’aurai pu rester à la maison. Mais j’ai eu la chance d’avoir des parents qui m’ont poussé vers le haut ».

Thomas a suivi une formation en bureautique à la Ligue Braille, à Bruxelles. Il a ensuite été embauché au Fonds des Accidents de Travail en tant que secrétaire. Son stage jeune se terminant, il a dû passer des examens pour continuer à y travailler. « Les examens étaient adaptés, nous avions plus de temps pour les passer. Mais ce n’était pas suffisant ». S’en est suivi un an au chômage. Ensuite, son assistante sociale lui a suggéré de postuler pour le poste d’accueil aux Amis des Aveugles. « J’ai postulé, j’ai eu un entretien, et j’ai été engagé », dit-il fièrement.


Faire de la déficience une efficience

Aujourd’hui Thomas ne voit plus que des silhouettes et ne distingue pas les couleurs. Mais cela ne l’empêche pas d’effectuer son travail. Il assure l’accueil téléphonique, l’accueil des visiteurs, il redirige vers les services compétents, s’occupe du courrier sortant, des colis et de certaines tâches administratives, comme la destruction de documents confidentiels. « Et tout ça, avec grande gentillesse », explique Françoise Saint-Ghislain, directrice de communication de l’asbl. « Pour certaines tâches, comme la destruction de documents confidentiels, le handicap est même un atout » ajoute-t-elle.

Combat syndical

Il y a quelques années, une collègue a proposé à Thomas de devenir représentant des travailleurs et travailleuses. Thomas s’est lancé dans l’aventure. Il a été délégué syndical FGTB au CE et au CPPT de 2021 à 2024. Pourquoi FGTB ? « Parce que mes parents y étaient. C’était des socialistes purs et durs. La question ne s’est donc même pas posée » explique Thomas le sourire aux lèvres.

« C’est quelqu’un sur qui j’ai toujours pu compter. » précise Lionel Quebella, son permanent syndical. « Il a toujours été présent. » Plusieurs choses ont été mises en place par la délégation syndicale ces dernières années : les soupes, les séances de gym, des paniers de fruits… La réinsertion d’une collègue licenciée. « La preuve que les mouvements syndicaux font leur effet », explique Thomas. Mais aussi des chèques repas, une épargne pension. « Ce sont des avantages qui ne sont pas prévus par le secteur des ETA, mais que l’asbl a accepté de mettre en place. » explique Lionel.

  Triste constat dans le secteur des ETA

« Les Ateliers de Mons sont des bons élèves dans le secteur. Malheureusement, ce n’est pas le cas de toutes les ETA », regrette le permanent syndical. Le 21 et 22 novembre, la Centrale Générale-FGTB a organisé son Congrès ETA. Le constat du terrain est décevant, alarmant : initialement créées pour permettre aux personnes porteuses d’un handicap de trouver un emploi soutenable et adapté, il ressort qu’aujourd’hui que c’est plutôt la rentabilité qui prime sur le bien-être des travailleurs.

« Aux Ateliers de Mons on est encore très attentifs à l’adaptation des postes de travail aux situations de handicap. Mais la tendance générale dans le secteur c’est d’essayer d’engager les personnes les plus rentables possibles pour avoir le plus de profits possibles » déplore Lionel. Résultat : l’on engage des personnes avec des handicaps très légers, voire même invisibles. On augmente les cadences, les exigences de productivité, la pression sur les travailleurs… « Le secteur est en train de passer à côté de son essence. »  

Des travailleurs à part entière

Les travailleurs et travailleuses en situation de handicap sont des travailleurs à part entière. Thomas en est l’exemple même. Pourtant, force est de constater que les opportunités de travail pour les personnes porteuses de handicap dans des entreprises ordinaires ne sont pas monnaie courante. Selon une enquête réalisée par Acerta auprès de 40.000 travailleurs, fin 2023, ils représentaient un travailleur sur 369. Pour Lionel, « il faut instaurer des quotas obligatoires également dans le secteur privé, comme c’est le cas pour le secteur public. »

« Il y a beaucoup de personnes en situation de handicap capables d’effectuer plusieurs tâches, avec l’adaptation nécessaire », explique Thomas.


« Pour moi, le plus important c’est de travailler. Pour ma fierté, pour montrer aux personnes en situation de handicap qu’on peut le faire, pour se sentir utile, pour ne pas simplement subir. »

— Thomas Dehoux, affilié FGTB

Vous êtes délégué.e et vous voulez œuvrer pour l’inclusion ?

L’asbl Les Amis des Aveugles propose un service accompagnement aux entreprises qui souhaiteraient travailler avec des personnes malvoyantes ou aveugles.

Elle a également développé l’action bouchons qui permet de financer la formation des chiens guides. Vous pouvez dès lors installer un point de collecte dans votre entreprise.

Plus d’infos : www.amisdesaveugles.org  

Ioanna Gimnopoulou
Journaliste, Syndicats Magazine | Plus de publications

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Lire aussi x

Syndicats Magazine

GRATUIT
VOIR