Grève et victoire historiques de chauffeurs routiers d’Europe de l’Est

Grève et victoire historiques de chauffeurs routiers d’Europe de l’Est

Des dizaines de chauffeurs d’Europe de l’Est ont, dans un mouvement solidaire sans faille, fait grève pendant plusieurs semaines pour récupérer leurs salaires impayés. Et ont obtenu gain de cause, malgré l’envoi d’une milice privée par l’employeur.

Les chauffeurs des sociétés de transport polonaises Lukmaz, Agmaz et Imperia – appartenant toutes au même chef d’entreprise – ont entamé une grève fin mars en Allemagne, sur un parking à Gräfenhausen (Bade-Wurtemberg). Une grève qui fait suite au non-paiement de leurs salaires. « Le mouvement a été entamé de manière très spontanée, suite à des informations échangées par les chauffeurs sur leur groupe Whatsapp », indique Frank Moreels, président de la Fédération européenne du Transport. Deux motivations: des conditions et horaires de travail intenables et surtout des salaires impayés. « Le tout accompagné de promesses vagues. » Dépit, ras le bol : les chauffeurs s’arrêtent donc sur un parking à Gräfenhausen, un lieu qui leur sert habituellement d’aire de repos.

Au total, environ 70 chauffeurs se sont unis pour réclamer leur argent, et du respect. Malgré les différences linguistiques ou culturelles. La plupart étaient Géorgiens, Ouzbeks, originaires du Caucase et d’Asie centrale. La Fédération internationale du transport (ITF) a soutenu le mouvement en aidant aux démarches administratives et aux traductions.

Gros bras et voitures blindées

Les premiers jours passent. L’employeur ne réagit pas. « Il a pensé que le mouvement allait s’essouffler et que le travail allait reprendre rapidement. Mais ça n’a pas été le cas », poursuit Frank Moreels.

La situation dégénère le vendredi 7 avril. La patron de l’entreprise lui-même arrive sur les lieux, accompagné d’agents de sécurité. Son but: récupérer les camions par la force… et mettre d’autres personne au volant. Selon le site de la ZDF, l’on peut voir sur Twitter des photos de l’intervention, où apparaissent une voiture blindée et des « hommes portant des vêtements de type militaire et des gilets pare-balles ». Le média allemand cite également Stefan Körzell, de la Confédération des syndicats allemands, qui évoque une « menace martiale » et une « troupe de voyous paramilitaires » souhaitant mettre fin à la protestation.

Mais les chauffeurs ont montré une belle résistance, et la police est intervenue. « La police était présente et est parvenue à désamorcer la situation. Dix-neuf personnes ont été arrêtées, dont le propriétaire de l’entreprise de transport polonaise. Ils ont reçu l’ordre de rentrer en Pologne. »

Solidarité… et victoire

Spontanément, la solidarité a grandi autour du mouvement de grève. « Des riverains, les syndicats locaux, des associations ont apporté de la nourriture et ont répondu aux besoins des grévistes. » Une solidarité qui permet de tenir le coup, et de résister. Fin avril, tous les salaires étaient payés, pour un total de plus de 300 000€. « L’employeur a d’abord payé certains chauffeurs, en imaginant qu’ils quitteraient la grève et reprendraient le travail. Mais il s’est trompé. Les gars ont continué, en attendant que tous soient payés. C’est une très grande victoire syndicale. Ces gens vulnérables, pas organisés au départ, prouvent que la solidarité paie. C’est la première fois que des chauffeurs de l’Est se mettent ensemble pour contester les abus dont ils sont victimes. Cette grève a quelque chose d’unique, est un exemple. Pour les autres chauffeurs et pour les syndicats. Nous devons continuer à encourager ces actions. »

Les donneurs d’ordres doivent prendre leurs responsabilités

Ces chauffeurs, employés par différentes entreprises polonaises, conduisaient pour le compte de grandes sociétés telles qu’Ikea, Volkswagen, DHL, LKW Walter, Sennder et CH Robinson. L’ETF le rappelle : les grands acteurs économiques qui utilisent des sociétés de transport malhonnêtes doivent prendre leurs responsabilités. « Ces acteurs économiques détiennent la clé du problème. Dans la course effrénée aux transports toujours moins chers, l’exploitation, le dumping social et les activités criminelles sont le seul moyen d’atteindre les prix beaucoup trop bas qui sont attendus. Il est urgent de mettre un terme à cette situation. » En bref: le dumping social dans le transport routier ne peut cesser que si les clients paient un prix décent pour ce transport.

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