Chacun se retrouve, tôt ou tard, en contact avec les soins aux personnes âgées. Nous avons tous un proche qui séjourne dans une maison de repos, et nous pourrions nous-mêmes aussi, qui sait, nous y retrouver un jour. Il s’agit d’un secteur essentiel qui tombe de plus en plus entre les mains du privé. Ce qui n’est pas sans danger. L’objectif de rentabilité des actionnaires de ces acteurs privés a des conséquences tant pour les résidents et que pour le personnel.
L’ONG australienne CICTAR, qui œuvre pour plus de transparence dans les impôts payés par les entreprises, s’est plongée dans les comptes annuels de Cofinimmo, à la demande du SETCa et d’ACV Puls. Ce nom ne vous dit peut-être rien… Il s’agit d’un groupe d’entreprises belge coté en bourse. Ils ne proposent pas de soins, mais disposent d’un patrimoine immobilier très important, dont la majeure partie se situe dans le secteur des maisons de repos.
En effet, les maisons de repos commerciales sont liées par d’onéreux contrats à des investisseurs immobiliers dont elles louent les bâtiments. Cofinimmo fait ainsi partie des nombreux acteurs privés qui réalisent de gigantesques profits sur le dos de nos seniors et de la collectivité. Voici ce qu’il en est et ce que nous pouvons faire pour remédier à cette situation.
Plus de moyens pour les soins, pas pour les actionnaires
L’analyse menée par CICTAR a révélé deux éléments :
- l’entreprise possède plus de 6 milliards d’euros en biens immobiliers ;
- elle affiche une marge bénéficiaire opérationnelle astronomique de 96%.
Ces bénéfices importants proviennent en grande partie de l’argent public, c’est-à-dire l’argent de la collectivité. Les autorités régionales paient les exploitants des maisons de repos pour accueillir la population. Ces exploitants paient à leur tour un loyer à (des entreprises comme) Cofinimmo. En Belgique, près de la moitié des rentrées des maisons de repos proviennent de l’argent public. De nos impôts donc.
Très peu d’impôts
De leur côté, ces entreprises ne paient que très peu d’impôts. Sur papier, les bénéfices distribués aux actionnaires sont imposés. Sauf qu’il existe plusieurs façons pour les actionnaires d’éluder légalement une partie de cet impôt. L’argent que nous payons pour les soins aux personnes âgées va ainsi aux actionnaires.
Johan Van Eeghem, vice-président du SETCa, a suivi ce dossier. Selon lui, il faut intervenir à trois niveaux : « Le gouvernement régional doit être vigilant quant aux subsides accordés à des acteurs commerciaux de telle ampleur. L’argent destiné aux soins ne peut se retrouver dans les mains de géants de l’immobilier. Cela nuit à la qualité des soins, car ces fonds sont en fait destinés à améliorer les conditions de travail et de rémunération. Le gouvernement fédéral doit quant à lui veiller à ce que ces énormes profits soient suffisamment imposés, pour que cet argent retourne à la collectivité au lieu de disparaître dans les poches des actionnaires. Enfin, il faut supprimer les portes dérobées au niveau européen pour que les bénéfices ne soient pas détournés vers des paradis fiscaux ».
L’argent public doit revenir aux soins de santé, pas aux actionnaires. Il faut aussi faire la clarté sur ce qu’il advient exactement de l’argent versé par la population. Cette situation est née de choix politiques et peut donc être résolue en posant d’autres choix.
Nous ne pouvons faire confiance en la capacité d’autorégulation des principes du marché. Les investisseurs privés ne se préoccupent pas de l’humain ni des soins mais du rendement. La logique du profit fait toujours valoir ses droits, au détriment des plus vulnérables.
“Le profit est plus important que la qualité des soins”
Et comment les travailleurs vivent-ils cette situation ? Fanny Willeput est déléguée SETCa chez Orpea. Ce groupe français rencontre des difficultés financières, l’avenir de ses travailleurs belges est dès lors incertain.
« Au sein du personnel, nous ressentons depuis longtemps cette tendance, où le profit est plus important que la qualité des soins que nous pouvons offrir à nos résidents. À nos yeux, la crise chez Orpea a accentué cette tendance, mais j’entends peu d’échos plus positifs de collègues d’autres groupes de maisons de repos commerciales. Nous sommes fiers de notre profession et voulons avoir le temps de fournir à nos résidents les soins auxquels ils ont droit, et pour lesquels ils paient ! – Mais ce n’est pas possible si l’argent qui pourrait être utilisé pour engager de nouveaux collègues disparaît dans les poches des actionnaires et des géants de l’immobilier comme Cofinimmo ! »
Nous exigeons dès lors davantage de moyens pour le personnel et les soins.
Un article proposé par le SETCa.