Ces derniers mois, il est apparu que l’un des projets sur la table du Parlement était de maintenir les magasins ouverts jusqu’à 22 heures. Open VLD et MR plaident en effet tous deux en faveur d’une nouvelle extension des heures d’ouverture des magasins. L’abolition du jour de repos obligatoire pour les
travailleurs est également au menu. Le SETCa est évidemment opposé à ces propositions. Pourquoi?
Parce que les magasins peuvent déjà rester ouverts 91h/semaine…
Le débat n’est pas nouveau. Cela fait des années que les libéraux rêvent d’élargir les heures d’ouverture des magasins, et ils reviennent régulièrement à la charge avec cette idée. Leur raisonnement est qu’il faut s’adapter à la société de consommation 24/7. Le commerce électronique étant possible à tout moment de la journée, les magasins physiques « n’ont qu’à suivre ». Les libéraux poussent même le cran plus loin et demandent la suppression du jour de repos hebdomadaire.
La réglementation actuelle offre pourtant déjà des plages d’ouverture relativement larges. Les consommateurs ont suffisamment d’occasions de trouver un bon moment pour faire les courses. Selon la loi, un magasin peut être ouvert de 5 heures à 20 heures. Voire même jusqu’à 21 heures le vendredi. La réglementation prévoit un jour de repos hebdomadaire. Il s’agit d’une période ininterrompue de 24 heures qui commence à 5 heures ou à 13 heures et se termine le jour suivant à la même heure. Tout calcul fait, un magasin peut donc être théoriquement ouvert… 91 heures par semaine.
Dans la pratique, la plupart des magasins ouvrent leurs portes de 8 à 20 heures (21 heures le vendredi). Ceci représente donc, pour de nombreuses enseignes, 73 heures d’ouverture au total. Les magasins peuvent donc être ouverts plus de la moitié du temps sur base hebdomadaire s’ils le souhaitent. Pourquoi étendre ces plages d’ouverture si le potentiel n’est pas encore pleinement exploité ?
Parce que plus de flexibilité = plus de pression
Ouvrir plus tard, cela n’améliorerait en effet pas la situation du secteur, bien au contraire. Car cela aurait inéluctablement un impact sur les travailleurs du commerce. Il s’agit en outre d’un dangereux précédent, qui banalise le travail de nuit. Le travail de nuit est en principe interdit, sauf à titre exceptionnel. Il existe déjà de très nombreuses exceptions à cette règle, pour de nombreux motifs. Mais « parce que le client le veut » n’est certainement pas une raison valable pour une dérogation supplémentaire. Il n’est pas certain non plus, d’ailleurs, que le consommateur le veuille vraiment.
Est-ce que plus d’heures d’ouverture signifierait plus de clients? Non. Autant, peut-être, mais de façon plus dispersée. Dans le contexte actuel d’explosion des prix de l’énergie, cette idée d’élargissement des heures d’ouverture est un non-sens. On voit que le taux actuel de fréquentation des magasins aux alentours de 20 heures est déjà relativement bas. On peut dès lors réellement se demander quelle serait la valeur ajoutée d’une ouverture encore plus tardive.
Et la vie de famille?
Mais surtout, comment les 200.000 travailleurs du commerce concilieront-ils ensuite leur vie professionnelle et leur vie privée? Et la garde des enfants? Et la sécurité? Engagera-t-on davantage de personnes? Ou chacun devra-t-il, malgré la charge de travail élevée, encore faire un effort supplémentaire? Tout ce qui touche aux heures d’ouverture et aux jours de repos a un impact sur les conditions de travail. Cette matière relève donc de la concertation sociale. Les politiques n’ont pas à s’en mêler. Les interlocuteurs sociaux du secteur traceront les lignes pour demain. Seules des solutions collectives négociées entre partenaires sociaux nous donneront les armes pour relever les défis futurs.