« Quand une femme est moins bien payée, on considère que son travail a moins de valeur »

« Quand une femme est moins bien payée, on considère que son travail a moins de valeur »

Le 24 mars, c’était la journée internationale de l’égalité salariale. A cette occasion, et également pour dénoncer la hausse du coût de la vie, la FGTB se mobilisait à Bruxelles au Mont des Arts. La FGTB Horval y était naturellement présente, représentée notamment par des délégué.e.s de la région de WAPI. Parmi eux se trouvait Nancy Anselin, déléguée et aide-ménagère titres-services.

Sous un soleil printanier et au rythme des musiques militantes, nous lui avons posé quelques questions sur ce que représente cette journée internationale. Avec elle, nous revenons sur l’écart salarial de 22,7% en Belgique, sur la question du temps partiel ou encore sur les conséquences de l’inégalité salariale sur la vie des centaines de milliers de travailleuses en Belgique. Ce témoignage nous rappelle avec justesse l’importance de ce combat. Une organisation syndicale a pour rôle de réunir l’ensemble des travailleurs et travailleuses pour une société plus juste et plus égalitaire. Cela passe également par la reconnaissance des discriminations de genre dans le monde du travail.

Pourquoi considères-tu qu’il est important de se battre pour l’égalité salariale ?

Se battre contre les inégalités salariales, c’est essentiel. Simplement parce que c’est une discrimination envers les femmes. Cela me révolte qu’une femme – qui fait le même travail qu’un homme – ne soit pas rémunérée de la même manière. Mais l’inégalité salariale vient aussi du fait qu’on ne veut pas reconnaître que les femmes et les hommes peuvent faire le même travail. Cela commence doucement à changer dans la société, mais ce n’est pas encore suffisant. Par exemple, quand les hommes viennent faire le ménage chez les clients, tout le monde trouve cela étrange. On considère que c’est un rôle de femme. Et si une femme veut conduire un bus, elle va devoir prouver plus qu’un homme qu’elle peut le faire. Elle devra se battre pour prouver qu’elle peut avoir son permis. Et une fois qu’elle l’aura, elle devra, à nouveau, se battre pour avoir la même crédibilité que si elle était un homme. Dans notre société, on dénigre souvent les femmes. Les hommes sont considérés comme « forts » et « durs », alors que les femmes doivent avant tout entretenir la maison et faire les tâches quotidiennes. Cela m’énerve que certaines personnes considèrent encore que les femmes et les hommes ne puissent pas faire les même tâches.

Selon toi, pourquoi les femmes sont-elles autant concernées par les temps partiels dans ton secteur ?

Dans les métiers du domicile, comme aide-ménagère ou aide familiale, les temps pleins sur le long terme sont impossibles. Les premières années, on peut le faire. Parce que notre corps peut le supporter. A la longue, on commence à avoir des problèmes d’articulations à force de répéter les mêmes gestes au quotidien. Notre travail est extrêmement pénible. C’est pour cela que je me bats. Pour qu’il y ait un meilleur suivi médical dans mon entreprise, avec notamment des visites médicales plus complètes et récurrentes.

Le « choix » du temps partiel est un faux choix.

Nancy Anselin

On entend souvent que les femmes font le choix du temps partiel. Pour toi, est-ce un vrai choix ou plutôt une obligation ?

Pour moi, le « choix » du temps partiel est un faux choix. Comme je l’ai expliqué, notre travail ne nous permet pas de faire des temps pleins sur la longueur. Les chiffres sur les mi-temps médicaux ou encore les malades de longue durée le démontrent bien. Mais il y a également un autre facteur qui joue : celui des tâches quotidiennes. Ce sont les femmes qui réfléchissent aux repas, qui doivent faire les courses, faire le ménage, gérer les enfants… Cela représente une charge mentale importante. C’est plus souvent la femme qui doit faire le choix de diminuer son temps de travail. Les hommes ne doivent pas rajouter tout cela en plus de leur journée de travail. Quand j’ai fini ma journée de travail, je dois encore faire ma journée de « maman ». Pourtant les hommes pourraient également faire tout cela…

Quelles sont les conséquences concrètes de cette inégalité salariale sur le quotidien de ces femmes ?

Quand on voit qu’une femme est moins bien payée, on considère que son travail n’a pas la même valeur. On doit constamment prouver que notre salaire est mérité. Dans mon secteur, nous sommes beaucoup de femmes seules avec des enfants, et notre salaire n’est pas suffisant. Nous gagnons moins de 14€ de l’heure, ce n’est pas normal. Avec au moins 3 ans d’ancienneté, nous sommes à 12,55€ et puis le salaire est bloqué. Nos anciennetés ne comptent plus… Avec ça, nous devons payer notre loyer, la nourriture, l’école, et il y a la voiture aussi ! Outil obligatoire pour le travail ! On ne peut pas subvenir aux besoins de notre famille avec un salaire comme celui-là. L’inégalité salariale, le fait que les femmes ont des emplois moins bien rémunérés, a des conséquences sur notre vie au quotidien mais aussi sur notre vie future. Nos pensions vont être largement impactées…

Certaines personnes considèrent que l’inégalité salariale n’est pas un réel problème. Qu’est-ce que tu aimerais leur répondre ?

A ceux qui disent que l’inégalité salariale n’existe pas, j’aimerais leur dire de se mettre à notre place. J’aimerais qu’on échange nos places pour qu’ils s’en rendent compte. Qu’ils vivent un mois avec notre salaire, ils verront ce qu’ils peuvent payer, ils verront leur nouveau train de vie. On verra s’ils arrivent à payer leurs courses, leurs loyers et ce qu’il leur restera à la fin du mois.

L’inégalité salariale en chiffres :   Les femmes gagnent 22,7 % de moins que les hommes. La pension moyenne brute d’une femme s’élève à peine à 1077€/mois. 43% des femmes travaillent à temps partiel. 
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