On se souvient des jeunes qui manifestaient – tous les jeudis – pour pousser les gouvernements à prendre des mesures drastiques pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. C’était il y a quatre ans déjà.
On se souvient des inondations qui ont dévasté une partie de la Wallonie et plongé durablement des familles entières dans la précarité. C’était il y a deux ans.
On se souvient des hectares de forêts qui sont partis en fumée dans le sud de l’Europe et ailleurs. Des canicules qui n’en finissent plus, asséchant les rivières et provoquant des restrictions d’eau courante. C’était l’été dernier. L’été d’avant. Ce sera l’été prochain.
On se souvient de la température record de 58,5°C atteinte au Brésil, c’était le 15 novembre.
Et pendant que nous écrivons ces lignes, le Westhoek est sous eau et ses habitant.es se préparent à des crues de plus en plus fréquentes.
Nécessaire remise en question
Le réchauffement climatique est là. Loin de nous l’idée de dispenser ici le discours culpabilisant sur les habitudes de consommation et leur empreinte écologique désastreuse. Même si, c’est vrai, chacun.e à sa mesure, a un pouvoir d’action.
Toutefois, une pancarte des jeunes pour le climat affichait une vérité très simple: « On veut bien éteindre la lumière, mais il faut arrêter de nous prendre pour des cons». Tout est dit. Car en effet, les solutions les plus efficaces sont à trouver ailleurs. Notamment aux commandes d’industries et d’entreprises qui, certes, génèrent de l’activité économique, et beaucoup d’argent, mais qui refusent encore de remettre en question leur mode de production et de fonctionnement hautement énergivore et émetteur de C02. De gré ou de force, elles devront se repenser. Le plus tôt sera le mieux.
Cette activité économique, nous y sommes lié.es, attaché.es, en tant que travailleurs et travailleuses d’abord. En tant que syndicalistes ensuite. En tant qu’interlocuteurs sociaux aussi. Et dans ce rôle, nous portons une responsabilité immense.
Des tabous doivent tomber. Nous sommes prêts.
Un nouveau rapport de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) affirme que si toutes les politiques des États pour lutter contre le réchauffement étaient bien appliquées, les émissions de gaz à effet de serre seraient en baisse de 2 % entre 2019-2030. Ceci alors que l’objectif préconisé par les scientifiques est de 43 %. « Nous sommes hors-piste », conclut le secrétaire exécutif de la CCNUCC[1].
Lors de la Conférence fédérale pour une Transition juste (8-9 novembre), la FGTB a clairement exprimé sa volonté de négocier, secteur par secteur, les changements radicaux nécessaires pour décarboniser l’activité économique de manière socialement responsable. Les tabous doivent tomber, et nous, syndicats, sommes prêts à négocier sur de nombreux points : mobilité durable, formation des travailleurs dont les emplois sont menacés, taxation plus importante des activités polluantes, réduction du soutien gouvernemental aux investissements fossiles, fin des permis de polluer sans limites pour l’industrie, etc. Il faut rebattre les cartes. Toutes les cartes. Mais pour l’instant, les employeurs détournent le regard et refusent d’aborder ces questions dans le cadre du dialogue social. La FEB demande une « pause environnementale ». Cette position n’est pas tenable.
Fin du monde ou fin du mois?
Ayons la décence de ne pas demander la sobriété énergétique et ses gros pulls à celles et ceux qui n’ont déjà pas les moyens de se chauffer correctement l’hiver. Dans une Belgique où les entreprises engrangent des marges bénéficiaires historiquement élevées, les syndicats, continueront de demander la part légitime des travailleurs et travailleuses. Est-ce à dire que nous sommes des dinosaures qui n’ont rien compris à l’enjeu climatique. Non ! Mais pour reprendre la pancarte des jeunes : « il faut arrêter de nous prendre pour des cons ».
Alors on lutte contre la fin du monde ou pour une meilleure fin du mois ? Les deux, évidemment ! Jamais nous n’opposerons les luttes sociales. Le 3 décembre, nous participerons massivement à la marche pour le climat qui se tiendra à Bruxelles. Le 12 décembre, nous vous donnons rendez-vous à la manifestation européenne contre l’austérité, à Bruxelles également. Parce que la transition juste exige des investissements publics cruciaux. Vitaux. Dans les transports en commun, dans les énergies renouvelables, dans l’isolation des logements, dans l’éducation, dans la formation professionnelle et la reconversion dans les métiers d’avenir… Un plan d’austérité budgétaire imposé aux État européens serait en complète contradiction avec l’urgence climatique. La transition écologique sera sociale ou ne sera pas. Les politiques doivent le comprendre. Les employeurs aussi.
[1] www.reporterre.net, article du 15 novembre 2023, citant le rapport des Nations Unies sorti le 14 octobre 2023