Le droit de grève est un droit humain!

Le droit de grève est un droit humain!

Un billet d’opinion de Frank Moreels, président de l’UBT FGTB et de la Fédération européenne des travailleurs du transport.

Le Royaume-Uni est actuellement submergé par une vague de grèves. Notamment dans les secteurs des transports : chemins de fer, postes, ambulances…(1) La liste s’allonge chaque jour. Comme dans de nombreux autres pays, l’inflation y est galopante, les prix augmentent de façon vertigineuse. Les prix, mais pas les salaires. De plus en plus de familles ne parviennent plus à payer les factures à la fin du mois. Les travailleurs considérés comme «essentiels», ceux-là même qui étaient applaudis pendant la crise sanitaire ont le sentiment de ne pas être respectés.

Au lieu de négocier avec les syndicats, d’essayer de trouver des solutions et de négocier des accords équilibrés pour résoudre la crise, le gouvernement conservateur du Royaume-Uni s’attaque au droit de grève. Le 10 janvier dernier, il adoptait le « Strikes Bill ». Ce dernier impose des services minimums dans les transports et les services publics en cas de grève.

Les travailleurs ne font pas grève « pour le plaisir ». Mais bien parce qu’ils ne voient aucune autre solution pour survivre. Rishi Sunac, le premier Ministre, devrait s’en rendre compte. Le Royaume-Uni a déjà mis en place des restrictions du droit de grève parmi les plus draconiennes d’Europe. Rappelons la législation antisyndicale adoptée par Margaret Thatcher pour briser le pouvoir des travailleurs, du travail organisé. Aujourd’hui, les Tories veulent encore réduire le droit fondamental de grève…

(1)Les syndicats RMT et l’ASLEF organisent des actions de grève dans les chemins de fer, le CWU organise de grèves pour les travailleurs des postes, les ambulanciers sont organisés en grève par UNISON…

Le Royaume-Uni n’est pas un cas isolé

Il va sans dire que les conservateurs britanniques ne sont pas les seuls qui s’en prennent aux syndicats. Partout dans le monde, les droits des travailleurs, le droit de grève et la liberté de se syndiquer sont attaqués. Un simple coup d’œil sur le site « Labour start » – service d’information mondial sur les syndicats – suffit pour le confirmer. Actuellement, Labour Start mène six campagnes sur la violation des droits syndicaux. Au Belarus, 23 syndicalistes sont actuellement privés de liberté et risquent des condamnations sévères en raison de leur engagement syndical. Au Canada, en Turquie, aux Philippines, au Pakistan et au Kazakhstan, « Labour start » mène également des campagnes.

En décembre 2022, le gouvernement de la Corée du Sud a invoqué les lois d’urgence pour justifier un ordre de retour au travail à l’encontre de chauffeurs lors d’une grève. Une attaque flagrante au droit de grève. Attaque qui, selon les experts juridiques, est inconstitutionnelle et viole le droit international. Les départements gouvernementaux ont utilisé de pouvoirs d’investigation pour intimider les dirigeants syndicaux et ont menacé les grévistes de sanctions pénales et de demandes de dommages et intérêts. Toutes ces actions font l’objet d’une plainte déposée par les syndicats auprès de l’Organisation internationale du travail (OIT).

En Belgique aussi…

Chez nous, les syndicats sont également confrontés à des attaques contre le droit de grève. Le président de la FGTB, Thierry Bodson, et 16 autres syndicalistes ont été poursuivis en justice après une action à Liège en automne 2015. Tout comme le président de la FGTB d’Anvers, Bruno Verlaeckt, après des actions similaires en juin 2016. Bodson et Verlaeckt ont été condamnés à des peines de prison (avec sursis) et à des amendes. Les deux fois, l’arrestation et la condamnation étaient fondées sur la lourde accusation d’« entrave méchante à la circulation ». Il s’agissait d’un simple prétexte pour créer un précédent condamnant les participants aux piquets de grève. Pour intimider les syndicalistes qui organisent ou participent à une action.

Le droit de grève est un droit fondamental

Le droit de grève permet aux travailleurs et travailleuses de défendre leurs droits. Il leur donne le pouvoir de négocier collectivement des conditions de travail décentes : de meilleurs salaires, avantages… C’est un outil nécessaire pour faire entendre leur voix sur le lieu de travail. Sans le droit de grève, les travailleurs n’ont plus aucun moyen de pression dans les négociations avec les employeurs. Le droit de grève est essentiel au maintien d’un rapport de force sain entre les travailleurs et les employeurs.


« Le droit de grève est essentiel au maintien d’un rapport de force sain entre les travailleurs et les employeurs. »

— Frank Moreels, président de l’UBT

Un droit reconnu au niveau régional et international

Le grève est un droit humain. Et il ne s’agit pas là de la seule vision des syndicats. C’est un droit reconnu par l’OIT (Organisation internationale du travail). Et l’OIT n’est pas « un club de gauchistes ! » C’est une organisation tripartite des Nations Unies. Depuis 1919, elle réunit les gouvernements, les employeurs et les travailleurs de 187 États membres. Son objectif est de fixer des normes de travail, d’élaborer des politiques et de concevoir des programmes visant à promouvoir le travail décent pour toutes et tous. Sur le site de l’OIT, on peut lire : « Le droit de grève est reconnu par les organes de contrôle de l’OIT comme le corollaire indissociable du droit d’association syndicale protégé par la convention (n° 87). Le droit pour les organisations de travailleurs de formuler leur programme d’action pour promouvoir et défendre les intérêts économiques et sociaux de leurs membres inclut le droit de grève ».

Ce droit est également reconnu dans des instruments internationaux et régionaux, comme la Charte des Droits fondamentaux de l’Union européenne : « Les travailleurs et les employeurs, ou leurs organisations respectives, ont, conformément au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales, le droit de négocier et de conclure des conventions collectives aux niveaux appropriés et de recourir, en cas de conflits d’intérêts, à des actions collectives pour la défense de leurs intérêts, y compris la grève. »

Le droit de grève est accepté et protégé par plusieurs textes. Citons, entre autres, outre la Convention n° 87, la Convention n° 98 de l’OIT, les articles 6.4 et G de la Charte sociale européenne, l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 8(d) de la Convention sur les droits Economiques, Sociaux et Culturels.

Les violations des droits syndicaux se multiplient

Des employeurs, multinationales, partis de droite et conservateurs nient le droit de grève. Ou tentent constamment de le saper. En licenciant des syndicalistes, en intimidant les travailleurs en grève, ou tout simplement en adoptant des lois qui mettent en danger, voire annihilent, le droit de grève.

La CSI (Confédération syndicale internationale) a récemment publié son “indice des droits dans le monde” sur le respect des droits syndicaux. Ce rapport met en lumière les pratiques des gouvernements et des entreprises. 148 pays sont évalués. 78% de ces pays ont violé le droit de grève et 97% le droit de négociation collective. Des syndicalistes ont été tués dans 13 pays ! Le pourcentage de pays où les autorités ont empêché la création de syndicats est passé de 59% en 2014 à 74% en 2022.

La solidarité internationale

Les gouvernements et multinationales n’aiment pas la « mauvaise publicité ». Ils sont conscients que l’opinion publique n’accepte plus ni la cupidité des entreprises, ni les superprofits sur le dos des travailleurs. Ni que l’on néglige leurs droits fondamentaux. C’est pourquoi les syndicats doivent être actifs et dynamiques dans la défense des ces droits. En dénonçant et en blâmant ceux qui ne les respectent pas.

Les syndicats doivent aussi être solidaires. Ils ne doivent pas accepter que quelque part, à l’autre bout du monde, des travailleurs soient persécutés simplement parce qu’ils organisent une action syndicale. En ouvrant les yeux des démocrates du monde entier sur ces violations, nous pouvons faire pression sur les gouvernements et les multinationales. Comme l’a fait la Fédération internationale des ouvriers du transport dans le cas de la Corée du Sud. L’OIT doit être interpellée et appelée à réagir contre toute législation ou action qui porte atteinte à ses Conventions. La CSI doit également continuer à agir pour la défense des droits des travailleurs et plus particulièrement du droit de grève. Car, s’ils s’attaquent à l’un d’entre nous, ils s’attaquent à nous tous !

Frank Moreels

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