Bert Engelaar entame ses premières semaines comme secrétaire général de la FGTB, dans un contexte politique difficile. Conscient des enjeux, il se donne pour mission de peser politiquement, tout en faisant progresser le syndicat. Son énergie est sans limite !
Lorsque nous rencontrons Bert Engelaar ce matin-là à Bruxelles, son bureau n’est pas encore complètement aménagé. Toutefois, on ne peut pas manquer sa collection de verres et d’objets à l’effigie de la marque Duvel. « Un hobby qui a un peu dérapé », admet-il en souriant. Il entame sa deuxième semaine en tant que secrétaire général de la FGTB et déborde d’enthousiasme. Comment se sent-il ? « Comme un jeune poulain parmi de vieux briscards de la cause syndicale ! Et j’ai envie de galoper ! »
Sa première réunion de la journée est déjà terminée, avec les autres dirigeants du syndicat. La discussion portait sur les négociations en cours pour la formation du gouvernement fédéral. Les informations divulguées à l’extérieur n’annoncent rien de bon pour les syndicats et la société civile en général. « Notre dernière mobilisation de la semaine dernière (le 13 janvier, ndlr) a été un grand succès : 30.000 personnes dans les rues de Bruxelles pour s’opposer aux plans de pension de De Wever et Bouchez, ce n’est pas rien. »
Un homme de terrain
Bert est un homme de terrain. Pas besoin de lui expliquer comment fonctionne un syndicat. Né à Gand en 1979, il y a également effectué ses études d’assistant social. En 2001, il décroche immédiatement un poste en tant que conseiller juridique au service de droit social de l’ABVV Scheldeland.
À l’époque, Bert était un — modeste, dit‑il — talent du football, puis un entraîneur de jeunes. « Un jour, quand j’entraînais, notre petite équipe régionale, le KVC Terheide, a reçu une wildcard pour participer au tournoi international ITEA d’Eendracht Alost. Avec une équipe composée uniquement de joueurs – et d’une joueuse ! – régionaux, nous avons terminé troisièmes du tournoi. Nous étions une équipe inconnue et avons affronté de nombreux grands clubs. C’était une période incroyable, qui m’a énormément appris. »
Quelques années plus tard, il rejoint la Centrale Générale, l’une des principales branches de la FGTB, où il devient président de la section Bruxelles-Brabant flamand en 2019.
« Le terrain, c’est indispensable pour diriger un syndicat. Je sais ce que vivent, par exemple, les travailleurs du bâtiment. Je sais pourquoi ils adhèrent au syndicat. Appelons un chat un chat : la plupart de nos membres ne s’occupent pas de politique. Ils veulent des services. Ils veulent être aidés au quotidien pour faire face à leurs défis. » Ce service aux membres est l’un des piliers sur lesquels Bert souhaite se concentrer dans les années à venir.
Continuer à peser
« Bien sûr, sans perdre de vue la vision globale. La politique et la réalité quotidienne des gens sont inextricablement liées. Les travailleurs et travailleuses qui voient leurs pensions menacées : tout cela est décidé au niveau politique. Les salariés qui doivent être de plus en plus flexibles : c’est encore la politique. Donc, en tant qu’organisation, nous devons continuer à peser sur nos décideurs. »
Bert nous invite à revenir plus tard. « Je dois me préparer pour une réunion avec le Groupe des Dix (où syndicats et employeurs se concertent, ndlr) et passer en revue quelques documents. Une bonne première impression, ça se prépare (rire). »
Nous retrouvons Bert à l’heure du déjeuner, après la réunion du G10. « C’était une bonne première rencontre constructive. Même si c’était un peu maladroit en visioconférence. Mais avec quelques plaisanteries, je parviens en général à mettre tout le monde à l’aise. »
Un homme de dialogue
Est-il prêt à négocier avec les organisations patronales au plus haut niveau ? « Bien sûr. Ceux qui me connaissent savent que je déborde d’énergie. Je ne suis pas du genre à rester dans un coin. Je veux avancer, toujours passer à la vitesse supérieure. Et si, en chemin, je me prends un mur, ce sera toujours mieux que de stagner sans but. »
« Les employeurs le savent aussi. Et c’est apprécié. Je suis un homme de dialogue, tant que c’est possible, et d’action quand il le faut. Le plus beau, c’est lorsque de solides accords sont conclus pour améliorer la situation des travailleurs sur le terrain. À Bruxelles, nous collaborons depuis des années avec les employeurs dans le secteur du bâtiment. Et quand une nouvelle entreprise a été engagée pour nettoyer les avions à l’aéroport de Zaventem, nous avons organisé avec les employeurs plusieurs sessions pour informer et sensibiliser le personnel. »
Après une pizza et un café, Bert retourne au bureau. Sur les quelques minutes de marche, il est arrêté deux fois. D’abord par un ancien camarade avec qui il passait parfois des soirées animées. Ensuite par un homme plus âgé qui le félicite pour sa nouvelle fonction et lui donne une chaleureuse accolade. « Vous voyez, les gens me connaissent. Je suis proche des gens, et ça, je ne le renierai jamais. »
Rester connecté à la base
Cette nouvelle fonction va-t-elle changer la donne ? « Ma vie change évidemment. Tout à coup, je suis attendu partout dans le pays pour faire acte de présence. Mais je reste proche des gens. Un exemple : je n’étais jamais actif sur les réseaux sociaux. Je trouvais que ce n’était pas pour moi. Mais depuis le début de l’année, je me suis lancé, avec un peu d’aide de mes collègues. Maintenant, des gens de tout le pays – des personnes que je ne connais pas du tout – me contactent pour partager leurs histoires et leurs
préoccupations. Ce n’est pas anodin. J’intègre tout cela dans mon quotidien. Cette fonction ne va pas me détacher de la base. Au contraire. »
Ce sont des premières semaines mouvementées pour le nouveau secrétaire général. Son entrée en fonction coïncide avec les négociations fédérales pour la formation d’un nouveau gouvernement. Et ce qu’il entend l’inquiète.
« Un buffet empoissonné »
« C’est un moment particulier. La pression de nos affiliés et militants est grande. Ils entendent, bien sûr, tout ce qui se prépare contre eux. Ils comptent sur le syndicat comme contre-pouvoir pour faire entendre leur voix. Nous faisons de notre mieux pour exercer une pression de différentes manières : avec des actions dans la rue, comme la grande mobilisation pour les pensions le 13 janvier, en collaboration avec d’autres syndicats quand c’est possible ; via des partis politiques progressistes ; et en mettant en avant nos alternatives pour une société plus solidaire, où personne n’est laissé pour compte et où chacun contribue à sa manière. »
« La pression de nos affiliés et militants est grande. Ils entendent, bien sûr, tout ce qui se prépare contre eux. Ils comptent sur le syndicat comme contre-pouvoir pour faire entendre leur voix. »
— Bert Engelaar, Secrétaire générale de la FGTB
« Les plats proposés dans le soi-disant buffet du formateur Bart De Wever rendraient les gens littéralement et figurativement malades. Pensions, indexation, flexibilité, sécurité sociale… Si cela dépend de De Wever et Bouchez, ce sont les travailleurs et les allocataires qui paieront les pots cassés, et ils devraient déjà se réjouir s’ils récupèrent quelques miettes. C’est le message que nous ferons passer à nouveau dans les rues de Bruxelles le 13 février. Il est temps de passer à la vitesse supérieure. »