Bernie Sanders et l’espoir face au nouveau syndicalisme américain

Bernie Sanders et l’espoir face au nouveau syndicalisme américain

Bernie Sanders, sénateur américain et ancien candidat à l’élection présidentielle, était à Bruxelles pour la présentation de son livre. Il s’est montré optimiste quant au rôle des syndicats aujourd’hui.

La salle Henry Le Bœuf du Bozar de Bruxelles était pleine à craquer pour l’arrivée de Bernie Sanders. Le sénateur du Vermont et ancien candidat à la présidence, âgé de 82 ans, n’a pas pris une ride : il remplit les salles comme personne, chez lui mais aussi, et peut-être plus encore, à l’étranger. Près de deux mille personnes sont venues l’écouter expliquer son dernier livre intitulé « It’s OK to be angry at capitalism » (C’est normal d’être en colère contre le capitalisme). Dans la salle, de nombreux jeunes de moins de 30 ans.

“Not nice people”

Sanders entame son propos par une inquiétude. « Nous nous dirigeons de plus en plus vers l’oligarchie, aux États-Unis mais aussi ailleurs. Dans notre pays, une poignée de multimillionnaires possède autant de richesses que la moitié de la population. Cela représente environ 160 millions de personnes. »

« Celui qui a de l’argent a du pouvoir ». C’est particulièrement vrai aux États-Unis, où les élections sont presque invariablement remportées par celui ou celle qui peut mobiliser le plus de ressources financières. Cette inégalité alerte beaucoup le sénateur. Il dénonce : « Ces milliardaires ne sont pas des ‘gens sympa’. Ils prétendent être des alliés du mouvement antiraciste ou des droits des LGBTQ, mais ils sont avant tout motivés par l’appât du gain. C’est aussi simple que cela. Et c’est un danger pour la démocratie. »

En chiffres

S’il admet ne pas connaître suffisamment la situation politique en Europe, Bernie Sanders dépeint une Amérique qui vit de plus en plus au jour le jour. Plus de 6 Américains sur 10 vivent, selon lui, « d’un salaire à l’autre ». En gros, à la fin du mois, il ne reste rien. Souvent, les cartes de crédit servent à payer les derniers achats du mois. En résulte une accumulation de dettes.

Tout cela rend l’épargne impossible. 63% des travailleurs américains ne peuvent pas faire face à une dépense imprévue de 500 dollars (470 euros). De plus en plus souvent, les ménages américains puisent donc dans leur épargne retraite pour joindre les deux bouts. Cela suscite de grandes inquiétudes dans la population, surtout en cette période d’inflation croissante. « Nous savons tous ce que ce stress accru peut faire au corps humain », déclare Sanders, mettant en garde contre le fait que l’Europe évolue également dans cette direction.

Espoir

Parallèlement, Sanders relève des signaux encourageants. L’actualité récente fait en effet état d’évolutions positives dans le monde syndical aux Etats-Unis. « Les États-Unis ont un taux de syndicalisation particulièrement bas. Peu de gens sont affiliés, et il est très difficile de s’organiser. Pourtant, on peut déceler des signaux positifs. Je pense par exemple à la création de syndicats et à la détermination des employés d’Amazon et de Starbucks. C’est gratifiant de voir des jeunes s’organiser. »


« Les États-Unis ont un taux de syndicalisation particulièrement bas. […] Pourtant, on peut déceler des signaux positifs. Je pense par exemple à la création de syndicats et à la détermination des employés d’Amazon et de Starbucks. »

— Bernie Sanders, sénateur américain et ancien candidat à l’élection présidentielle

Sanders fait également l’éloge des grévistes de l’industrie automobile américaine. « Ces travailleurs travaillent plus dur qu’il y a cinquante ans, mais en termes réels, ils gagnent moins. » Les grévistes des trois grands fabricants (Stellantis, General Motors et Ford) ont réussi à obtenir d’importantes augmentations de salaire.

Vieilles recettes et contradictions

On le voit, le sénateur du Vermont excelle dans son diagnostic de la situation actuelle. L’inégalité, la cupidité des grandes entreprises, les manques en matière de soins de santé, le changement climatique… Il va même jusqu’à affirmer que le Parti démocrate n’est pas en mesure – ou pas disposé – à faire face à ces problèmes. « Le Parti démocrate était autrefois le parti de la classe ouvrière. Aujourd’hui, cette classe ouvrière vote massivement pour Donald Trump, car elle a le sentiment d’avoir été abandonnée. Ces électeurs ne sont pas tous racistes ou homophobes. »

Pourtant, dans les solutions qu’il propose, et malgré son espoir lié à l’essor des mouvements populaires et des syndicats, le sénateur ne semble pas aller beaucoup plus loin que de conseiller de continuer à voter pour le Parti démocrate. Sanders affirme que Joe Biden est le président le plus progressiste depuis Franklin D. Roosevelt. Le président est d’ailleurs félicité pour avoir passé dix minutes sur un piquet de grève du syndicat UAW dans le Michigan. Sanders loue par ailleurs les petits pas en avant dans la lutte contre le changement climatique… alors que Biden ouvre l’Arctique à l’exploitation pétrolière.

Durant les débats à Bruxelles, Sanders a reçu une question du public qui concerne le système carcéral américain. Dans sa réponse, pas un mot sur Joe Biden, coauteur du »Crime Bill ». Rappelons que cette loi, qui a réformé le système pénitentiaire dans les années 90, a conduit des millions d’Américains, en particulier des personnes de couleur, à être incarcérés pour de petits délits non violents.

Au fil de l’histoire, Biden et Sanders se sont opposés sur plusieurs dossiers. Dans les années 90, Joe Biden était l’un des plus fervents partisans de l’accord de libre-échange NAFTA, qui a entraîné l’exportation de millions d’emplois à l’étranger. Sanders était contre cette initiative. Biden a été, par ailleurs, l’un des acteurs clés pour obtenir le soutien démocrate à la guerre de George W. Bush en Irak en 2003. Sanders était opposé à cette guerre.

Soutien inconditionnel

Sanders a exprimé son soutien au candidat à la présidence, Biden, en 2020. En retour, il a obtenu l’assurance que Biden travaillerait pour un salaire minimum fédéral de 15 dollars de l’heure. Depuis la victoire de Biden, cette promesse n’a pas été tenue. Biden avait également promis une assurance maladie publique et l’annulation d’une grande partie de la dette étudiante. Là encore, ces promesses sont restées vaines.

Au vu de ces éléments, il est étonnant de constater que Sanders exprime à nouveau aujourd’hui son soutien inconditionnel à Joe Biden pour les élections présidentielles de 2024. On peut dès lors se demander si les solutions proposées par Sanders sont aussi bonnes que ses diagnostics. Ou si l’énergie progressive et presque révolutionnaire du mouvement de Bernie de 2016 et, dans une moindre mesure, de 2020, ne serait pas mieux exploitée dans une voie alternative à celle proposée par les démocrates.

« Le changement est en marche », a déclaré Sanders, « dans le bon sens ou dans le mauvais sens ». Espérons ensemble, et avec lui, que les syndicats et les mouvements populaires rassembleront une masse critique suffisante pour orienter ce changement dans la bonne direction.

Photos © Marin Driguez/ Bozar, Bruxelles

Geeraard Peeters
Journaliste, Syndicats Magazine à FGTB | Plus de publications

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