Ces dernières semaines, Syndicats Magazine a publié une série de portraits de femmes syndicalistes, fières de porter les couleurs de la FGTB. Mais d’où vient « la femme syndicaliste »? En se replongeant un peu dans les archives du la FGTB, mais aussi du journal, puis du magazine Syndicats, l’on peut se rendre compte du chemin parcouru.
Des femmes militantes, syndicalistes, il y en a toujours eu. Elles étaient présentes au sein de la FGTB dès sa création. On ne souvient d’Emilienne Brunfaut, qui dès les années 1920 adhère au syndicat du Textile et milite pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Elle rejoignait ensuite la Commission du Travail des femmes, au sein de la Fédération Générale du Travail de Belgique (FGTB) nouvellement créée, en 1946.
Le travail des femmes, pas une priorité
Comme vous avez pu le lire par ailleurs, le travail des femmes (et à l’époque des jeunes filles) « à l’extérieur », dans la première moitié du vingtième siècle, n’est pas considéré comme positif. Plutôt comme un mal nécessaire à la survie des familles. Les femmes sont encore cantonnées à des rôles de travail domestique et des tâches de soin à la famille étendue.
En illustration de cette article, vous trouverez notamment des extraits du journal « Syndicats » et de brochures FGTB dans les années 1960. Outre les préoccupations relatives aux salaires et aux conditions de travail des femmes, on peut également admirer les pages « mode », les patrons de couture « pour la belle saison »… Et des textes teintés de paternalisme : « Son désir : avoir une machine à laver automatique ».
« Travail égal, salaire égal »
Dans les années 1960-70, l’entrée des femmes sur le marché du travail – salarié – devient massive. Côté syndical, on commence à se préoccuper réellement de leurs conditions de travail et de rémunération. Les luttes sociales féminines de l’époque – dont la grève des ouvrières de la FN Herstal pour un « travail égal, salaire égal » – ont été déterminantes. Leur slogan fera le tour du monde.
Dans le rapport social et administratif du congrès statutaire de la FGTB, en 1968, nous pouvons lire ceci: « Nous vivons une époque qui est manifestement marquée par la promotion de la femme. (…) Il est normal que l’égalité de salaire, d’accès à l’emploi et à la promotion professionnelle soient au centre des préoccupations. Les problèmes de la femme au travail (sic) sont les problèmes de tous. Les hommes comme les femmes sont concernés et doivent être solidaires devant l’inégalité de rémunération, d’accès à l’emploi et devant l’absence d’infrastructure sociale. »
Le même document insiste sur la nécessité d’une « intégration effective » des femmes dans le mouvement syndical. Où il ne peut y avoir, rappelle-t-on, de « monopole masculin ». « La grève de la FN a eu effet de sensibiliser l’ensemble des travailleuses à la nécessité de participer à l’action syndicale. » Une « Charte de la femme au travail voit le jour. En 1967, une première « Journée de la femme » est organisée à Bruxelles par les différents piliers socialistes. La première journée de la femme nationale « officielle » verra le jour en 1972, en présence de Simone de Beauvoir.
Organisation et place des femmes
Les années 80 sont également marquées par les conflits sociaux. Le rôle des femmes y est essentiel. Citons la grève des travailleuses dans le cadre d’une restructuration chez Bekaert-Cockerill en 1982 à Fontaine-l’Evêque. La « solution » proposée consistait à imposer aux femmes « non-chefs de ménage » le travail à temps partiel. Et dès lors la perte de nombreux avantages sociaux, de leur ancienneté, etc. Ce, afin de réduire le nombre de licenciements (et de protéger l’emploi des hommes). Les femmes refusent catégoriquement. Une longue période de grève s’ensuivra, et poussera de nombreuses femmes à s’organiser, à structurer leur combat.
La place des femmes au sein de l’organisation syndicale devient un véritable enjeu. La notion de « gendermainstreaming » (l’intégration de la dimension de genre dans les questions politiques) apparaît dans les années 80-90. Dans les années 2000, elle entre dans les textes de loi. Les trois syndicats belges signeront conjointement une charte « Gender mainstreaming » en 2004.
La même ligne
Aujourd’hui, on le sait, les luttes syndicales en faveur des droits des femmes se poursuivent, en Belgique et à l’international. Les revendications des années 1960 restent, pour la plupart, valables. Puisque l’égalité salariale n’est pas atteinte, et que les femmes sont encore plus souvent que les hommes affectées aux tâches de ménage et de soin. Temps partiels, pensions basses et conséquences du très injuste « statut cohabitant » pèsent souvent sur les épaules – et le budget – des femmes. Clôturons donc cet article avec une dernière ligne tirée d’un rapport de 1968… « Notre action d’aujourd’hui se situe dans la même ligne d’action. (…) Un travail énorme est à accomplir encore, aussi bien la réalisation complète du principe « à travail égal, salaire égal » que l’élaboration de normes sociales adéquates, permettant aux femmes de participer pleinement à la lutte du monde du travail pour son émancipation. »
Nous reviendrons dans un prochain article sur les grandes luttes sociales et féministes.