Autriche, France, Allemagne, Pays-Bas, Hongrie, Italie… et Belgique. L’Europe bascule à droite, à l’extrême droite. Et pendant que la gauche rame à contre-courant, elle parle encore… de la droite ! Plus occupée à démolir un projet qui n’est pas le sien qu’à convaincre avec ses propres propositions, elle patine, affaiblie dans le combat des idées face à une droite décomplexée qui à la fin, triomphe.
Comment en est-on arrivé là ?
« La droite fait une politique de droite. La gauche ne fait pas de politique de gauche ». Et si l’explication tenait dans cette petite phrase de Vincent Scheltiens, prononcée lors d’une émission de la Radio des Solidarités, le samedi 24 août à Namur ? Trop facile, direz-vous. Cette analyse mérite en effet quelques développements, liés notamment à l’hégémonie culturelle et donc au langage que l’on adopte.
Quand avons-nous commencé à dire gouvernance au lieu de gestion, client au lieu d’usager, acquis sociaux au lieu de conquêtes sociales, partenaires sociaux au lieu d’interlocuteurs sociaux, charges plutôt que cotisations, efficience au lieu d’efficacité, etc. ? Quand l’idée que le privé fonctionne mieux que le service public a-t-elle été semée, et par qui ? Depuis quand et par qui les expressions « trou, gouffre, abysse » ont-elles été utilisées pour qualifier la dette publique ou le financement de la sécurité sociale, sans que cela ne provoque un tollé ?
Le narratif de gauche a pris un sérieux coup dans l’aile, c’est indéniable. Son projet est au point mort. La rose est fanée, elle a perdu ses épines. Et donc le putois rode. Vous l’aurez compris : la rose, c’est la gauche, le putois, c’est l’extrême droite. Reste un troisième mot à décoder dans la fable. On y vient…
Le poing, la rose et le putois
C’était le titre, emprunté au dernier ouvrage d’Olivier Starquit, du débat de l’émission radio diffusée en direct, en plein cœur du festival namurois Les Solidarités. Un débat qui traitait de la lutte contre l’extrême droite mais qui, rapidement, a pointé la responsabilité de la gauche dans le contexte politique actuel et la nécessité de redonner des épines à ses roses. Comment ? En se réappropriant le langage, le projet, les idées qui ont jadis fait rêver d’une vie meilleure, et qui se sont traduites par des avancées sociales et des réformes profondes organisant autrement nos sociétés et la répartition des richesses. De la création de la sécurité sociale à la réduction du temps de travail, en passant par l’augmentation des salaires et le déploiement des services publics.
Aujourd’hui, que sont devenus nos rêves de gauche ? Alors même que les inégalités sociales se creusent chaque jour davantage ? Comment se sont-ils évaporés au fil des ans dans un long renoncement silencieux ? Au contact de l’exercice du pouvoir, ou au contact de la pensée unique néolibérale ou… un peu des deux ?
Réenchanter les esprits et le monde, c’est d’abord avoir la conviction soi-même que vivre mieux n’est pas un luxe. Que c’est non seulement légitime mais aussi tout à fait possible. Ensuite, il faut convaincre. Facile à dire, plus compliqué à faire. Et c’est là, qu’on a besoin du… poing, le troisième larron de la fable racontée par Olivier Starquit :
La reconquête idéologique
Elle est plus urgente que jamais, et pourtant, il faudra prendre le temps. Le temps indispensable au décodage de l’information, le temps de l’analyse, de l’explication. Le temps de réinvestir le terrain de la formation syndicale et de l’éducation populaire à une époque où les petits écrans omniprésents nous bombardent de fake news et d’images, où le réel n’existe plus. C’est ce qu’a conclu Vanessa Amboldi, Directrice du CEPAG, le Centre d’éducation populaire André Genot :
« C’est une lutte de longue haleine. L’extrême droitisation de la société touche également nos publics, celui qui fréquente nos formations et activités. Notre travail de résistance consiste à faire de la pédagogie, à expliquer les faits à partir de la réalité de terrain. Il faut entendre aussi ce qu’ils ont à dire, notamment sur une gauche qui ne leur convient plus ».
L’hégémonie culturelle est à notre portée, si l’on s’en donne les moyens.
Nous vous invitons à écouter ou réécouter l’émission animée par Yannick Bovy, journaliste et réalisateur au CEPAG, qui nous donne du grain à moudre :
Merci pour cette mise en évidence. François Ruffin ne dit pas autre chose : il faut rebâtir un imaginaire pour les gens, pour nous autres d’en bas. La démocratie n’est qu’un moyen pour gagner le respect et les jours heureux partagés.
Type de commentaire en voie de disparition.
L’argumentation est particulièrement juste.