Ces derniers mois, de nombreuses attaques – déguisées en idées de réformes – en direction des syndicats et de leur fonctionnement ont été lancées par les représentants de la droite, comme la FEB (Fédération des entreprises belges) ou le MR. A l’approche des élections fédérales de 2024, les organisations syndicales doivent-elles s’inquiéter du sort que souhaiteraient leur réserver leurs détracteurs ?
Jours de grève, indexation… Tout y passe
Il n’est pas nouveau que pour le monde libéral (dans lequel nous incluons le monde patronal), l’influence syndicale pose problème et devrait davantage être encadrée. Le dernier exemple en date : le plan d’avenir publié par la FEB (« Horizon Belgique 2030 ») pour faire de la Belgique « un pays stable et efficace, où il est rentable d’entreprendre et agréable de travailler et de vivre ». Dans ce rapport, la FEB remet en cause le fonctionnement de la concertation sociale et dénonce le fait que les candidats aux élections sociales soient protégés contre le licenciement. Elle met également en avant des chiffres qui montrent que la Belgique figure parmi les pays où l’on compte le plus de jours de grève pour 1.000 travailleurs, qualifiant ces statistiques d’éloquentes et de préjudiciables pour les entreprises et les usagers. Une des propositions phares du monde patronal face à ce constat : doter les organisations syndicales de la personnalité juridique. Dans un autre registre, on pourrait aussi mentionner leur proposition d’abandonner le système d’indexation automatique des salaires…
Le MR aussi
Mais la fédération patronale ne fait pas cavalier seul dans cette course à l’encadrement du syndicalisme. Le président du MR, à travers ses nombreuses sorties médiatiques polémiques dont lui seul a le secret, a souvent mentionné qu’il était favorable à une réforme du rôle des syndicats et de la gestion des caisses de chômage. Il qualifie d’ailleurs cette dernière de « business rentable » pour les syndicats. Dans une interview donnée à La Libre le 30 avril dernier, le président libéral confie son ambition d’être Premier ministre d’une coalition de type « Suédoise » (coalition de droite MR-NVA) qui lui permettrait d’ « entreprendre ses réformes en matière de chômage, de syndicats, de mutuelles (…) ». Rappelons que c’est cette même coalition qui, en 2017, modifiait la désormais célèbre loi de 96 pour limiter l’augmentation salariale des travailleurs… Autant dire que la perspective d’un nouveau gouvernement de droite nationaliste-chrétien-libéral à la tête du pays serait une catastrophe pour le monde du travail.
Ce n’est pas la première fois que le MR exprime ses ambitions funestes pour le monde syndical. Son centre d’études, le Centre Jean Gol, publiait l’année passée un rapport alarmant plaidant pour une remise en question du rôle des syndicats et du cadre dans lequel le droit de grève est exercé. Dans cette étude, le Centre tente de démontrer deux choses : l’importance de conférer la personnalité juridique aux organisations syndicales et l’importance de donner au droit de grève un cadre législatif. En bref, limiter la marge de manœuvre des syndicats, et particulièrement celle des travailleurs de se battre pour leurs droits fondamentaux.
Les syndicats: une réelle forme de contre-pouvoir
Il faut comprendre que les organisations syndicales représentent en Belgique une réelle forme de contre-pouvoir et, de ce fait, possèdent un statut particulier (et à juste titre). Les organisations syndicales ont en effet pour particularité de ne pas être dotées de la personnalité juridique en tant que telle ; tout comme les partis politiques, elles vivent d’une certaine manière en dehors des institutions prévues par la loi. Ce statut unique est intrinsèquement lié à leur origine historique, et particulièrement celle de la FGTB : s’opposer au pouvoir mis en place ou l’influencer en faveur du monde du travail.
La Belgique est d’ailleurs l’un des pays du monde où le taux de syndicalisation est le plus élevé. Les organisations syndicales belges jouent un rôle à part entière dans la vie politique et socio-économique. En plus de défendre les intérêts et les droits sociaux fondamentaux des travailleurs, elles participent aux négociations pour obtenir des accords avec les organisations patronales. Elles gèrent les caisses de chômage. Ces nombreuses responsabilités, associées à leur histoire et à l’origine de leur création, leur accordent un poids considérable dans le monde politique et la société civile.
Pas à l’abri pour autant
Cela signifie-t-il pour autant qu’elles sont libres d’agir en dehors du cadre de la loi ? Contrairement à ce que le monde libéral peut parfois laisser entendre, ce n’est évidemment pas le cas. Les organisations syndicales, en leur qualité d’organisme de paiement des allocations de chômage, sont contrôlées par l’ONEM (Office National de l’Emploi). Les ASBL syndicales, liées aux organisations, possèdent, elles, la personnalité juridique. L’actualité récente, avec la condamnation des « 17 », a aussi démontré que l’activité syndicale n’était pas à l’abris de toute conséquence pénale…
Tentative de contrôle
Le projet du monde libéral de doter les organisations syndicales de la personnalité juridique ou d’encadrer le droit de grève n’est en fait rien d’autre qu’une tentative de contrôle de la marge de manœuvre des travailleurs. La vision d’un syndicalisme fort, de combat, qui n’hésite pas à entreprendre des actions fortes pour défendre les travailleurs, dérange et doit être maitrisé. Leur réel ambition : affaiblir le syndicalisme et mettre sous tutelle la force ouvrière. En d’autre mot, réprimer le contre-pouvoir.
A l’approche des élections législatives de 2024, et dans une situation où nos camarades, dont notre propre Président, sont condamnés par la justice dans le cadre de leurs activités syndicales, il est plus que jamais essentiel de se battre pour nos libertés syndicales et pour la protection des droits fondamentaux des travailleurs. Nos « acquis sociaux », comme nous aimons les appeler, devraient en effet être intouchables. Mais comme nous l’observons quotidiennement, cela ne les rend pas inattaquables pour autant. Au même titre que la démocratie, la lutte pour toutes nos libertés syndicales et tous nos droits sociaux fondamentaux est un combat constant qu’il ne faut jamais perdre de vue.