« Greedflation » (qu’on pourrait traduire par « cupide-flation » en français) a été élu mot de l’année en Flandre et aux Pays-Bas. Et pourtant certains voudraient nous faire croire, malgré les nombreuses preuves – que la gloutonnerie des entreprises comme facteur d’inflation est une illusion.
Définition
La « Greedflation » désigne l’inflation alimentée par la cupidité. Ces dernières années, ce ne sera une surprise pour personne, nous avons assisté à une forte augmentation des prix des biens et des services. Le taux d’inflation a culminé à plus de 10% en 2022. L’on pensait que la hausse des prix de l’énergie (y compris celle liée à la guerre en Ukraine) et l’augmentation de la demande de biens et de services dû à la pandémie de la Covid-19 étaient les principaux facteurs expliquant l’inflation. Mais il semble que les grandes entreprises aient profité de cette période pour augmenter davantage leurs prix à la consommation dans le seul but d’accroître leurs bénéfices. Résultat : les entreprises avides d’argent ont alimenté l’inflation. D’où l’expression « greedflation ».
Modération salariale
Selon le Corporate Europe Observatory (CEO), les organisations patronales européennes font tout ce qu’elles peuvent pour ignorer, voire nier ce phénomène. « L’organisation patronale BusinessEurope insiste, malgré les preuves, sur le fait que la modération salariale constitue la clé de la lutte contre l’inflation. Ceci afin de faire payer la crise par les travailleurs, et non par les entreprises qui augmentent leurs profits », a déclaré l’organisme de surveillance européen.
« Toutes les grandes institutions officielles s’accordent aujourd’hui à dire que les profits exorbitants sont les principaux responsables de l’inflation de ces dernières années. BusinessEurope ne l’a pas seulement ignoré, mais dans ses publications, l’organisation a constamment fait référence à une ‘spirale prix-salaires’* totalement imaginaire. Une position appuyée par quelques enquêtes menées auprès de ses membres ».
Fiction
Une telle spirale des prix et des salaires s’est révélée être une pure fiction, malgré les nombreux messages catastrophistes annonçant une augmentation des coûts salariaux qui pousserait l’inflation à la hausse dans notre pays également. La Fédération des Entreprises Belges en a profité pour remettre en question le système d’indexation automatique des salaires.
« L’indexation automatique dans notre pays n’a pas conduit à une spirale prix-salaires» , affirme néanmoins la FGTB dans son récent baromètre socio-économique. « L’inflation n’augmente pas davantage dans notre pays que dans les pays voisins où l’indexation automatique des salaires n’existe pas. »
« Nous constatons que les entreprises augmentent leurs prix de vente non seulement pour compenser l’augmentation des coûts de production, mais aussi pour accroître leurs marges bénéficiaires. L’augmentation des bénéfices entraîne donc une plus forte inflation, hausse des prix ».
Le syndicat rappelle les effets positifs du système belge d’indexation automatique des salaires et des allocations. « L’indexation a mieux protégé le pouvoir d’achat que dans d’autres pays. Cela a également profité aux entreprises, avec le maintien du niveau de consommation. En 2022, la Belgique était le seul pays de l’UE où les salaires réels n’ont pas baissé. Sans l’indexation, notre pays serait probablement en récession et, en plus, il n’y a pas de spirale salaires-prix ».
Lobbying actif
BusinessEurope est un groupe de pression très actif au sein des institutions européennes connu pour ses tentatives de rendre les salaires responsables de la hausse de l’inflation. Selon le Corporate Europe Observatory toujours, BusinessEurope n’est cependant pas parvenu à « citer des sources de qualité. Au lieu de cela, l’organisation s’est tournée vers les opinions subjectives de ses propres membres, […] qui ont exprimé leur inquiétude quant aux tendances salariales actuelles et à la perspective d’une spirale prix-salaires en particulier ».
Le Corporate Europe Observatory n’est pas surpris par les tentatives des groupes de pression européens d’ignorer le phénomène de la « greedflation » même s’il n’y a rien de nouveau dans le fait que des profits élevés influencent l’inflation. L’organisme de surveillance européen souligne l’importance de démystifier publiquement les mythes persistants. « Non seulement ils veulent faire payer la crise par les travailleurs, mais leurs recettes de modération salariale ne sont pas un remède contre l’inflation ».
*Une spirale prix-salaires est un phénomène selon lequel la hausse des salaires entraîne une hausse des prix, qui à son tour entraîne une demande de hausse des salaires, etc.