A l’approche des élections, la crainte s’intensifie, surtout au Nord du pays : et si l’extrême droite arrivait finalement au pouvoir ? Le Centre d’Action Laïque (CAL) répond à la question avec humour et légèreté à travers son journal parodique « Vrai!ment« . Une fiction certes, mais inspirée de faits (plus que) réels…
Contexte. Interdiction de manifester et de faire grève, chasse aux chômeurs, rejet de l’immigration, rétablissement de la peine de mort, privatisation de l’éducation,… font partie des politiques du parti d’extrême droite « Juste Nous » au pouvoir dans le pays imaginaire « Dystonia ».
« On est dans une société individualiste, basé sur le mérite et où règne la loi du plus fort. Il n’y a pas de place pour les plus faibles. Si on est malade, au chômage, c’est notre faute », explique Hervé Parmentier, secrétaire général adjoint du CAL. A Dystonia, la sécurité sociale n’existe plus ; les mutuelles, les syndicats, sont interdits. Les droits fondamentaux sont rayés. Les intérêts économiques priment sur tout : l’environnement, le bien-être de la population… « On est dans une logique d’autosuffisance nationale, dans un modèle ultra nationaliste. »
Une fiction, vraiment ?
« Vraiment! » est un journal fictif. C’est d’ailleurs clairement indiqué sur la Une. Il s’agit d’un « faux journal de sensibilisation aux dangers de l’extrême droite en vue des élections de 2024 ». « En effet, les articles relèvent de la fiction, bien qu’ils s’inspirent tous de faits existants » ajoute Hervé Parmentier.
Prenons l’exemple de l’avortement, que « Juste Nous » interdit « afin de mettre un terme à des années de débauche ». En juin 2022, la très conservatrice Cour suprême aux États-Unis enterrait un arrêt qui garantissait le droit des Américaines à avorter. Conséquence : une moitié des Etats, surtout dans le Sud et le centre, pourrait interdire toute interruption volontaire de grossesse, ou en limiter l’accès.
Autre exemple : le climato-scepticisme. Dans sa logique d’autosuffisance nationale, « Juste Nous » préconise le retour au charbon et au nucléaire, sans se soucier des conséquences que ce types d’énergies peuvent avoir sur le climat. Un peu comme Jair Bolsonaro avec la déforestation de l’Amazonie. Les experts du sujet brésiliens sont unanimes : l’héritage du Président d’extrême droite en matière d’environnement est catastrophique.
Le danger nous guette…
Les élections fédérales en Belgique ont lieu en juin. Au Nord comme au Sud du pays, l’on votera pour les dirigeants politiques qui gouverneront pour les cinq années à venir. Pour ceux et celles qui prendront des décisions qui concerneront nos conditions de travail, de vie, tout simplement. Au Nord, les estimations du baromètre de RTL info-Ipsos-Le Soir donnent froid dans le dos : le parti d’extrême droite Vlaams Belang serait… premier.
« Dans le journal ‘Vraiment’ on décrit une société légèrement dystopique. Car en effet, il ne faut pas grand chose pour basculer », prévient Hervé Parmentier. « Certaines personnes qui ont reçu le journal avaient des discours totalement décomplexés ; ils assument qu’ils votent pour l’extrême droite. D’où l’importance de sensibiliser à ses dangers ». Certes, à Bruxelles et en Wallonie, grâce à une riche histoire de luttes sociales et aux combats antifascistes actuels, l’extrême droite est presque inexistante. Mais elle s’organise, notamment au niveau européen. En novembre dernier, le parti d’extrême droite PVV a remporté les élections législatives au Pays-Bas. En Allemagne l’AfD gagne du terrain…
« Dans le journal ‘Vraiment’ on décrit une société légèrement dystopique. Car en effet, il ne faut pas grand chose pour basculer. »
— Hervé Parmentier, secrétaire général adjoint du CAL
Mais le conservatisme et les idées de l’extrême droite sont également présents dans les discours et les politiques de partis plus traditionnels. « Nous sommes préoccupés par la situation actuelle de l’Etat de droit en Belgique », explique Hervé Parmentier. Et il cite notamment le non-respect flagrant du droit à l’accueil des demandeurs d’asile.
Les femmes, une cible constante
Dans « Vraiment », pas d’écriture inclusive, on parle de « droits de l’HOMME »… Ce n’est pas un hasard. Les idées de l’extrême droite sont diffusées également à travers les mots, le langage, comme l’explique notamment Olivier Starquit dans son livre « Les mots qui puent« . Les femmes ont été et sont toujours une des cibles de l’extrême droite. Pour cette dernière, elles se reduisent à leur rôle de mère et d’épouse au foyer, à « leur rôle premier ».
Le droit de disposer de leurs corps leur est refusé. A Dystonia, la contraception et l’avortement sont interdits. Dans un des article l’on peut lire : » L’acte sexuel est désormais réservé à la seule reproduction. Le rôle des femmes est donc de procréer. »
Dans l’horoscope, les prévisions pour le signe du taureau font rire : « Casanières dans l’âme, mesdames, vous faites partie des ménagères idéales de notre Patrie. Continuez à maintenir la propreté, l’ordre et l’amour dans votre foyer. Dystonya vous le rendra au triple et vous ferez la fierté de votre mari. »
Un franc succès
« L’idée est de ne pas venir avec une posture moralisatrice. Dire que l’extrême droite ce n’est pas bien, ça ne suffit pas. Nous voulons faire prendre conscience que tout le monde peut être touché par les politiques de l’extrême droite. » ajoute le secrétaire général adjoint du CAL.
Le journal a été distribué dans des écoles, des universités, des hautes écoles… Mais il a aussi été utilisé lors d’animations des régionales du CAL. « Il a été très bien accueilli. Ce qui est intéressant, c’est qu’on arrive à ne pas parler qu’aux convaincus. » explique Hervé Parmentier. « Victime » de son succès, il a d’ailleurs rapidement provoqué des réactons de l’extrême droite. « Dans la demi-journée, le matin même de la première distribution, on avait des affiches du centre d’événements du CAL taguées par l’extrême droite. Et également de nombreuses attaques sur les réseaux sociaux ».
Le journal « Vraiment » dispose également d’un site web : www.vraiment.eu. Sur le site, chaque article a son pendant pédagogique. « En tant qu’organisation d’éducation permanente nous avons aussi notre rôle à jouer ».
Si vous souhaitez commander des exemplaires de « Vraiment », vous pouvez envoyer un mail à l’adresse suivante : cal@laicite.net
