La droite sort régulièrement de son chapeau divers mécanisme pour triturer notre système d’indexation automatique. D’aucuns parlent d’un montant fixe pour chacun. Ce n’est pas une bonne idée. Voici pourquoi.
La question se pose parfois de savoir « si un indice en centimes ne serait pas plus équitable qu’un indice en pourcentages ». Cela signifie que chaque travailleur ou allocataire social – indépendamment de son revenu – recevrait exactement le même montant. Pourquoi est-ce une mauvaise idée ?
L’indexation doit rester neutre
L’indexation automatique des salaires et des prestations n’est ni juste ni injuste. Elle est neutre. Il s’agit d’une protection – relative – contre la perte de pouvoir d’achat, quand les prix montent. Elle constitue un rempart indispensable contre la pauvreté. Sans l’indexation automatique, bien qu’insuffisante, il y aurait aujourd’hui beaucoup plus de personnes en situation de précarité dans notre pays. On le sait, l’indexation ne constitue qu’une protection partielle contre l’augmentation du coût de la vie. Certains produits, comme l’alcool, le tabac et le carburant, par exemple, ne sont pas pris en compte dans le calcul.
L’indice n’est pas un mécanisme de redistribution
L’indexation automatique des salaires n’a pas pour but de réduire les inégalités sociales. L’indice n’est pas un instrument « fait pour ça ». Pour ça, il y la fiscalité. Une meilleure façon de réduire les inégalités est de prélever un impôt sur la fortune, sur les revenus des actions, etc.
Aujourd’hui, nous constatons que ce sont surtout les gros revenus – qui ont souvent des revenus locatifs ou d’autres revenus du capital – qui échappent à la fiscalité. Pourtant, lorsque chacun contribue à sa juste part, l’inégalité dans notre société est réduite.
Une réforme de l’index ne ferait qu’accroître les inégalités à long terme. On l’a vu par ailleurs, les salaires élevés sont en meilleure position pour négocier toutes sortes d’augmentations de salaire (net) indépendamment de l’indexation : voiture de fonction, primes, options sur actions, etc. Les petits revenus sont beaucoup moins bien placés pour négocier tous ces avantages.
La perte de pouvoir d’achat n’est une bonne chose pour personne
Lorsque les salaires et les avantages sont indexés sur base d’un montant fixe, les personnes d’un certain niveau de revenu sont systématiquement perdantes. Supposons que le montant fixe soit fixé à 2 % d’un salaire moyen belge, cela signifie une indexation arrondie de 75 € pour tout le monde.
Exemple :
- Salarié 1 : de 2 750 € à 2 825 € brut/mois = +2,72%.
- Salarié 2 : de 3 748 € à 3 823 € brut/mois = +2%.
- Salarié 3 : de 4 533 € à 4 608 € brut/mois = +1,65%.
Dans cet exemple, seul le premier employé – dans cet exemple, avec un taux d’inflation de 2% – verrait une légère augmentation. Le pouvoir d’achat du salarié 2 reste plus ou moins stable. Le salarié 3, qui touche le salaire brut moyen de Bruxelles, voit son pouvoir d’achat se dégrader. Il s’appauvrit un peu plus à chaque indexation.
Les syndicats préconisent une revalorisation profonde des salaires les plus bas afin de parvenir à une harmonisation vers le haut. Et cela n’a rien à voir avec l’index.
Comment fixer ce montant ?
Pour que le système réformé soit « intéressant » pour les employeurs, le montant fixe devrait être suffisamment bas. Sans quoi le patronat crierait au scandale pour dénoncer une énième supposée « attaque à la compétitivité des entreprises ».
Ce qui signifierait que de nombreuses personnes verraient leur pouvoir d’achat réduit et s’appauvriraient à chaque augmentation de prix à l’avenir.
Le gouvernement perdrait des revenus
Aujourd’hui, l’indexation automatique des salaires et des allocations est un pourcentage des montants bruts. L’indexation d’un salaire élevé apporte donc proportionnellement plus de revenus au gouvernement.
Une indexation réformée en centimes au lieu de pourcentages ferait baisser les salaires bruts et réduirait donc systématiquement les recettes de l’État et de la sécurité sociale. Ces recettes devront être compensées ailleurs. En conséquence, le gouvernement risque d’augmenter d’autres taxes, comme la TVA, qui pèse proportionnellement plus lourd sur les bas revenus.
Les droits sociaux des salariés sont également liés au salaire brut. Si les salaires bruts n’augmentent pas avec le coût de la vie, il en sera de même pour les allocationsde maladie et les pensions. Avec à la clé le déclin du niveau de vie.
L’indice est universel
La beauté du système d’indexation automatique des salaires et des allocations est son universalité. Lorsqu’un système s’applique à tous – jeunes et vieux, riches et pauvres, actifs et inactifs – il bénéficie d’un large soutien de la population. « Bricoler » l’index et l’assortir de conditions, c’est prendre le risque de flouter le propos et de perdre l’adhésion du public. C’est peut-être ce que certains souhaitent, d’où la nécessité de rester vigilant.