Une année se termine et une nouvelle commence… mais toujours avec ce fichu virus qui sape tout sur son passage et les mêmes dossiers brûlants : l’envol des prix de l’énergie et de nombreux biens de consommation courante. De plus en plus de familles sont au bord de l’asphyxie et n’arrivent pas à boucler les fins de mois en raison de salaires trop bas. En réponse à cette détresse, nous avons le monde patronal qui ose remettre en question l’indexation automatique des salaires et un gouvernement qui reste dans l’inaction. Face à cette situation, le syndicat n’est-il pas démuni? Werner Van Heetvelde, président de la Centrale Générale – FGTB et Geoffrey Goblet, secrétaire général s’expriment sur la question.
Dans le contexte actuel, les syndicats sont-ils encore un contre-poids et avons-nous encore la force de faire bouger les choses ?
Werner : Mais même si le tableau est bien sombre, pas de fatalisme. Evidemment que la FGTB, forte de ses 1.535.000 membres, est encore un contrepoids de taille. Et ensemble, avec nos membres, nous pouvons faire bouger les lignes. Par exemple au niveau des salaires : la révision de la Loi de 96 qui empêche depuis des années une augmentation juste de nos salaires est indispensable. C’est par cette voie que nous pourrons rétablir une concertation sociale efficace qui nous permette enfin de négocier des accords globaux conséquents qui bénéficieront à tous.
Geoffrey : Mais nous devons tous être conscients que seuls, nous n’y arriverons pas : chaque travailleuse et chaque travailleur a un rôle à jouer. Plus que jamais, nous avons besoin d’une mobilisation massive de chacun d’entre nous. Évidemment, dans le contexte actuel, la tâche est ardue, mais certainement pas impossible.
La crise du Corona a-t-elle un impact sur la mobilisation ?
Geoffrey : Tout d’abord, par la force des choses, oui. Nous subissons tous, à tous les niveaux, de nombreuses restrictions – que nous ne remettons pas en cause – mais qui ont chamboulés notre fonctionnement. Ensuite, avec la crise du Corona, la tendance à l’individualisme s’est encore amplifiée, le chacun pour soi l’emporte de plus en plus sur le collectif.
Werner : Or, aucune solution durable ne viendra par cette voie. La solidarité doit plus que jamais être la valeur centrale. Il est vital de quitter la vision individuelle pour une vision collective. Car comme nous le disions plus haut, c’est ensemble que nous pouvons forcer le changement. Qu’il s’agisse des salaires, de la question climatique, des libertés syndicales, des conditions de travail ou même du futur que nous voulons pour nos enfants, ce n’est pas au niveau individuel que nous trouverons des solutions.
D’où la question essentielle : de quel syndicalisme avons-nous besoin pour relever ces défis ?
Werner : Avant tout, nous avons besoin d’une FGTB forte et offensive. Mais plus encore. Faisons des temps troubles que nous connaissons une opportunité exceptionnelle pour nous réinventer. La crise nous empêche de mener nos actions ‘classiques’ ? Qu’à cela ne tienne, à nous d’en inventer d’autres.
Geoffrey : Pour ceux qui en doutaient encore, la crise nous a prouvé de manière irréfutable à quel point notre sécurité sociale et nos services publics sont essentiels. Mais il faut les préserver, les solidifier et même les renforcer. Ce sont nos meilleures armes pour sortir de la crise et il est important que la jeune génération en soit consciente. Et dans le même ordre d’idée, à l’heure où tout va de plus en plus vite, nous devons aussi accepter que certains combats ne se gagnent pas du premier coup. Nos plus grandes conquêtes ne sont pas arrivées du jour au lendemain. Par contre, pour la question des salaires et des allocations sociales, il y a urgence: les gens n’ont plus le pouvoir de ‘vivre’, et c’est intolérable.
Werner : A l’automne, notre centrale tiendra son congrès statutaire, c’est un rendez-vous important au cours duquel nous redéfinissons avec nos délégués et nos militants nos priorités et nos enjeux. Mais nous ne pouvons pas attendre, il n’y a pas une minute à perdre, c’est dès à présent que nous devons nous emparer des enjeux environnementaux et socio-économiques, car même si à première vue, ces thématiques dépassent notre champ d’action, nous avons un rôle à jouer. Car si nous ne nous emparons pas du débat et de la mobilisation politiques, ils nous seront purement et simplement confisqués.