Les conséquences désastreuses du changement climatique sont de plus en plus perceptibles. Encore une fois, ce sont les plus vulnérables qui en paient le prix. Le fait que les décideurs politiques de la Belgique, d’Europe et du monde entier veuillent « faire une pause » dans la politique climatique est une terrible erreur stratégique. Combien faudra-t-il encore de catastrophes naturelles avant que nous assistions à un véritable changement ?
Plus de 200 morts et de nombreuses personnes encore portées disparues : le bilan des inondations qui ont eu lieu les 29 et 30 octobre dans la région de Valence, en Espagne, est lourd, très lourd. Des centaines de personnes se retrouvent sans abri et des dizaines de milliers d’Espagnols ont subi de très gros dégâts dans leurs habitations. Cette situation réveille les douloureux souvenirs des inondations de la vallée de la Vesdre survenues en Wallonie en juillet 2021.
Les scientifiques sont clairs : dans ces deux inondations, le rôle du changement climatique est totalement démontré. La fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes (les précipitations, les sécheresses et les vagues de chaleur) a déjà considérablement augmenté et cela continuera à l’avenir. Chaque fois, ce sont les personnes les plus vulnérables qui sont les plus durement touchées : les personnes à faible revenu, en mauvaise santé, les personnes âgées… Près de la moitié des décès à Valence sont des personnes âgées de plus de 70 ans.
Le bilan est lourd
Ce constat contraste fortement avec la politique climatique menée en Belgique, en Europe et dans le monde où les « pauses climatiques » deviennent paradoxalement la nouvelle norme.
C’est cette grave erreur qui fera grimper en flèche le nombre de victimes du changement climatique à l’avenir. Outre les vies humaines, le bilan économique sera également très lourd. Tout récemment, la Banque nationale a publié une étude sur la manière dont le changement climatique risque d’entraîner une hausse des prix des denrées alimentaires en Belgique. Cette dernière touchera encore plus durement les revenus les plus faibles.
Gros avantages fiscaux pour les entreprises versus mesurettes pour les ménages
On ignore encore ce que le futur gouvernement fédéral proposera comme politique climatique, mais la super note De Wever-Bouchez n’augure rien de bon. L’environnement y est pratiquement absent. Que trouve-t-on ? Une série de mesures fiscales visant à stimuler les investissements verts et les innovations durables au sein des entreprises. En apparence, c’est très bien. Mais s’agit-il d’incitants fiscaux avec valeur ajoutée écologique ? Ou l’écologie sert-elle de prétexte pour favoriser à nouveau les gros actionnaires ? Poser la question, c’est y répondre.
Par ailleurs, l’industrie énergivore pourra compter sur de nouvelles subventions pour réduire ses coûts énergétiques alors que dans le même temps les subventions aux énergies fossiles (gaz naturel, pétrole, charbon) dépassent déjà les 20 milliards d’euros en Belgique.
En revanche pour les ménages, la note De Wever – Bouchez entend jouer sur la TVA : plus élevée pour les produits polluants et moins élevée pour les produits verts (tels que les panneaux solaires et les pompes à chaleur). Idée a priori séduisante mais dont les effets pervers ne sont pas négligeables puisqu’en réalité elle favorise les riches et désavantage les pauvres. En effet, les prix des biens potentiellement inaccessibles aux petits portefeuilles vont baisser alors que les biens de première nécessité augmenteront. L’inégalité en Belgique ne fera donc que s’accroître.
Double erreur
La croyance selon laquelle une politique basée sur la logique de marché et les incitants fiscaux résoudra le problème est doublement erronée.
Premièrement, la réduction des émissions de gaz à effet de serre se fera beaucoup plus rapidement via une réglementation environnementale et des investissements publics menés par un gouvernement fort que par la ‘bonne volonté’ du marché.
Deuxièmement, les politiques qui s’appuient sur les forces du marché et sur des avantages supplémentaires pour les entreprises et les hauts revenus sont antisociales et injustes. Les gros actionnaires et les personnes à hauts revenus sont gagnants, et les citoyens ordinaires en paient le prix.
La note De Wever-Bouchez manque son objectif
Pour atteindre les objectifs climatiques, nous devons quitter le tout-à-la-voiture pour aller vers davantage de transports publics, de cyclisme et de déplacements à pied. Au niveau fédéral, le train est donc le levier d’une politique climatique équitable.
Mais De Wever et Bouchez ne parlent que des économies réalisées grâce aux « gains d’efficacité ». Rien sur les investissements supplémentaires nécessaires pour un service de qualité. Rien sur la manière dont la SNCB et Infrabel attireront suffisamment de personnel. Rien sur les billets de train moins chers (ou gratuits) pour inciter les gens à quitter leur voiture et à prendre le train.
Echec
La note De Wever-Bouchez, si elle ne subit pas de changements fondamentaux, propose en réalité une politique climatique de façade. « Laissons cette note à la poubelle », écrivait la Coalition Climat — dont la FGTB fait partie — dans un communiqué de presse le 18 septembre 2024. « Sans politiques climatiques et sociales ambitieuses qui garantissent un avenir plus sûr, plus sain et plus juste pour tous les citoyens mais aussi pour les générations futures, tout accord de coalition est un échec irresponsable. »
Une pause européenne et mondiale
Egalement pour la nouvelle Commission européenne, la compétitivité…
Comme l’a indiqué la présidente Ursula von der Leyen lors de la présentation de sa nouvelle équipe,
pour la nouvelle Commission européenne, tout tourne autour de la « compétitivité ». Le Conseil
européen, qui réunit les chefs de gouvernement des États membres, est sur la même longueur d’onde
et a déjà adopté un « pacte de compétitivité ». Il présentera bientôt un « Clean Industrial Deal », qui
se concentrera sur les entreprises. Par ailleurs, il n’y a toujours pas de conditionnalités environnementales ou sociales liées aux subventions et aux contrats publics. Autrement dit, une entreprise peut recevoir des subventions tout en licenciant ou en délocalisant massivement des travailleurs, en retardant les investissements nécessaires pour lutter contre le changement climatique, en détournant ses bénéfices vers un paradis fiscal ou en les versant à ses actionnaires au lieu d’investir dans les salaires des travailleurs
ou des technologies respectueuses du climat.
Au contraire, la nécessité perçue de « moins de réglementation » est mise en avant. La protection du climat et des travailleurs et travailleuses souffrira de ce mouvement de déréglementation néolibérale.
Une première victime ? La loi sur la déforestation. Celle-ci exige des entreprises qu’elles prouvent
qu’elles ne vendent pas de produits provenant de zones déboisées de l’UE ou qu’elles ne les exportent
pas en dehors de l’UE. Sous l’impulsion du groupe parlementaire européen, le PPE (dont CD&V et Les Engagés sont membres), et avec le soutien de l’extrême droite, des tentatives sont faites pour la retarder et l’affaiblir considérablement.
L’accord de Paris est-il mort ?
La COP29, le sommet annuel des Nations unies sur le climat, vient de prendre fin. L’élection de Trump, qui souhaite nommer un climatosceptique, PDG d’une compagnie pétrolière, au poste de ministre de l’énergie, y a jeté un grand froid. Le fait que l’Azerbaïdjan, après les Émirats arabes unis l’année dernière,
soit le deuxième État pétrolier autoritaire à accueillir la COP est scandaleux. Plus de 1 770 lobbyistes des énergies fossiles y sont présents. Les chances d’un accord ambitieux sur le financement international du climat, dans lequel les pays riches fournissent aux pays pauvres des fonds pour mettre en oeuvre des politiques climatiques plus audacieuses, étaient très minces dès le début.
Ce nouvel accord sape les fondements de l’Accord de Paris et permet aux pays riches de se défaire de leurs responsabilités historiques sans répondre aux besoins des plus vulnérables pour les dix prochaines années. « L’UE était plus que consciente des priorités des pays du Sud et n’a pas pris ses responsabilités pour assurer la quantité et la qualité du financement. Les pertes et préjudices sont boutées hors du texte et le chapeau de la responsabilité ne repose plus sur la tête des pays riches », déclare Nicolas Bormann, coordinateur politique de la Coalition Climat.
« Ce sont le secteur privé et les banques multilatérales de développement qui sont mises au centre alors que ce qui aurait assuré l’action climatique, c’est un cœur de financement public”
Le nouvel accord nous éloigne encore plus de la limite des 1,5°C de réchauffement
En 2025, nous serons dix ans après l’accord de Paris de l’ONU (2015), qui promettait solennellement de maintenir le dérèglement climatique en dessous de 1,5 degré. Selon le rapport annuel de l’ONU, si toutes les promesses sont tenues (ce qui ne semble pas être le cas dans la pratique), nous nous dirigeons vers 2,6 à 2,8 degrés. Une telle augmentation, c’est, dans les faits, une condamnation à mort pour un grand nombre de personnes, de villes et de pays entiers.