Au FOMU (Fotomuseum) d’Anvers s’achève l’exposition « ‘Om/Mother », fruit d’un travail de la photographe Barbara Debeuckelaere avec près de cinquante femmes issues de 8 familles palestiniennes. À l’aide d’appareils photo analogiques, elles ont documenté leur quotidien à Tel Rumeida, un quartier de Hébron, en Cisjordanie occupée. Rencontre.

Ces images imparfaites, authentiques, vivantes, traduisent à la fois la chaleur du foyer et la fragilité de la vie sous occupation. Comme le résume l’auteure du projet : « La caméra est la seule arme des Palestiniens, pour montrer au monde ce qui se passe. »
Présentée en Belgique, mais aussi en Cisjordanie et bientôt en Italie, l’exposition s’accompagne d’un livre publié par The Eriskay Connection. Les bénéfices de ventes sont reversés à la communauté.

À l’occasion du festival Manifiesta, deux participantes au projet – Horeya Doufesh, 54 ans, surnommée « Om Wisam », et Nidaa Abu Heikal, 21 ans – sont venues témoigner en Belgique, invitées par le collectif artistique SOS Gaza dans le cadre de son projet J’accuse. L’occasion d’entendre ce qu’est, aujourd’hui, le quotidien des familles palestiniennes en Cisjordanie.
« Nous vivons isolés, minute après minute »
« Je m’appelle Nidaa Abu Heikal, je vis à Tel Rumeida, au cœur de Hébron, qui est sous contrôle militaire israélien. Pour rentrer chez nous, nous devons passer des checkpoints. Nous manquons de tout : pas de services, pas d’ambulances autorisées, même en cas d’urgence. Depuis 1967, nous subissons l’occupation et les colonies. »
Om Wisam confirme. Les privations, l’isolement sont monnaie courante. « Nos proches n’ont pas le droit de venir nous voir. Nous nous sentons isolés, à chaque minute, chaque seconde. Récemment, à cinq heures du matin, des soldats ont fait irruption chez moi pour tout filmer. Pourquoi ? Nous avons peur que le même sort nous soit réservé qu’aux habitants de Jénine, qui ont été expulsés de leurs maisons. »
Harcèlement et violences
Les deux femmes décrivent un quotidien fait de harcèlement et d’agressions : « Les colons et les soldats nous jettent des pierres, des bouteilles, nous agressent physiquement ou tirent parfois sur des jeunes. Après le 7 octobre, tout s’est encore aggravé », explique Nidaa.
« Nous n’avons pas le droit de circuler en voiture », poursuit Om Wisam. « Même les personnes âgées ou malades doivent tout transporter sur leur dos. » Une persécution au quotidien, qui comprend évidemment une arme récurrente contre les femmes : le harcèlement sexuel. « Aux checkpoints, les soldats nous humilient. Ils nous forcent à enlever nos vestes, ils insultent les jeunes filles et les harcèlent sexuellement ».
« Racontez notre histoire! »
Malgré ces violences, leur message reste porteur d’espoir et de solidarité : « Nous, Palestiniens, sommes forts, nous continuerons à résister. Mais vous, en Europe, vous pouvez nous aider. Boycottez les produits israéliens, participez aux manifestations, poussez vos gouvernements à rompre avec Israël », appelle Nidaa.
Et une demande, aussi: celle de porter la voix des Palestinien.nes, sans cesse. « Nous sommes résilients et notre foi est grande. Mais vous pouvez aussi venir en Palestine, à Hébron, voir de vos propres yeux ce que nous vivons. Créez des projets artistiques comme Om/Mother, parlez de nous, racontez notre histoire ! », conclut Horeya. Par l’art comme par la parole, ces femmes transforment leur vie sous occupation en acte de résistance. Om/Mother devient ainsi bien plus qu’une exposition : c’est un espace où le regard et la voix des Palestiniennes interpellent le monde entier.