Aujourd’hui, seuls quelques pays et régions d’Europe semblent résister à la montée de l’extrême droite : l’Irlande, le Luxembourg… et la Wallonie. Pourtant, cette situation ne doit pas faire croire que le danger n’existe pas. Les récentes violences perpétrées en Irlande contre des personnes migrantes en sont une triste preuve : l’absence de parti d’extrême droite sur le plan électoral ne signifie pas pour autant que ses idées ne se propagent pas.
La Wallonie, village d’irrésistibles Gaulois ?
« C’est un cas à part : en Wallonie, l’extrême droite n’est jamais parvenue à percer ». Ainsi commençait l’article que l’hebdomadaire français Humanité Magazine consacrait en mars dernier à la lutte antifasciste en Wallonie. Après avoir rencontré des militantes et militants antifascistes, dont plusieurs membres et responsables de la FGTB, la journaliste Lina Sankari mettait en évidence plusieurs facteurs expliquant la faiblesse actuelle des forces néo-fascistes en Wallonie. Des éléments qui avaient aussi été relevés en 2021 par l’historien Vincent Scheltiens et Bruno Verlaeckt, président de la FGTB Anvers, dans leur livre « Extrême droite : L’histoire ne se répète pas… de la même manière ».
On peut tout d’abord mentionner les faiblesses des mouvements d’extrême droite wallons : conflits internes et scissions, absence de structure solide et de personnalités charismatiques, etc. Mais il faut aussi évoquer le double cordon sanitaire. Le cordon politique, tout d’abord : tous les partis démocratiques belges se sont engagés à ne jamais former de coalition avec l’extrême droite. Le cordon sanitaire médiatique, ensuite, spécificité de la Belgique francophone : il vise à empêcher que l’extrême droite dispose d’un temps de parole libre dans les médias, ce qui l’exclut des émissions de débat en direct. Cela ne signifie évidemment pas que les médias n’abordent pas l’extrême droite, mais jamais sans mise en perspective de ses positions et propositions. Une stratégie qui porte ses fruits… Car partout où la banalisation a été appliquée, elle a été un échec : d’élection en élection, l’extrême droite a progressé, gagnant influence et pouvoir, pendant que les progressistes reculaient.
Résistance syndicale et citoyenne
L’autre explication, c’est aussi et surtout la vigilance, la réactivité et la capacité de riposte des antifascistes, du monde associatif et syndical. À chaque fois que l’extrême droite a tenté de se réunir ou de répandre ses idées, des militantes et militants de la FGTB et d’autres organisations antifascistes, étaient présents pour les en empêcher. On y rajoutera évidemment le travail de sensibilisation mené au quotidien sur le terrain par les associations d’éducation populaire, les syndicats, les organisations de jeunesse, etc.
Ce combat se porte aussi sur le plan politique. Ainsi, à l’instigation de coalitions antifascistes auxquelles participent des Régionales FGTB, plusieurs communes wallonnes – Charleroi, Namur, Liège, Mouscron, Mons, La Louvière, Frameries… – se sont officiellement déclarées « communes antifascistes » et refusent la tenue d’évènements d’extrême droite.
Ne pas se reposer sur ses lauriers
Le terreau est malheureusement fertile. Si l’extrême droite wallonne arrivait à s’unifier, s’organiser et se donner de la visibilité, elle pourrait faire sauter un des obstacles qui restreignent sa progression. La FGTB, et la gauche dans son ensemble, doivent donc maintenir et développer les deux autres verrous qui empêchent encore son développement : le cordon sanitaire médiatique et politique, et la résistance antifasciste.
Mais il faut aussi porter la lutte sur le terrain des idées ! Car l’extrême droite se présente désormais comme « sociale » et la meilleure alliée des travailleurs et travailleuses, des jeunes, des femmes, des personnes âgées… Alors que ses idées, son programme et ses prises de position démontrent tout le contraire.
On aurait tort de considérer cette situation comme acquise. Des activistes d’extrême droite tentent en effet actuellement de (re)constituer une force politique en Wallonie et ont même présenté des listes pour les élections, avec le soutien affiché du Vlaams Belang et du Rassemblement national[1]. Ces tentatives doivent être prises très au sérieux dans un contexte marqué par une précarité sociale croissante, le désinvestissement dans les services publics, la banalisation des idées d’extrême droite par une part de plus en plus importante de la droite dite « classique » et un contexte international marqué par la progression des partis néo-fascistes.
Alors, le 9 juin ou le 13 octobre, pour les communales, ne nous trompons pas. L’extrême droite a toujours été, et sera toujours, du côté des puissants. Elle défendra toujours les inégalités et les discriminations, qu’elles soient économiques, sociales, d’origine, de genre… L’extrême droite fait partie du problème, pas de la solution.
[1] À l’heure où ces lignes sont écrites, le RN vient d’annoncer lui avoir retiré son soutien.