Plier ou se briser : avec l’Arizona, le travail prend un virage dangereux

Plier ou se briser : avec l’Arizona, le travail prend un virage dangereux

Le gouvernement Arizona affirme vouloir « activer » le plus de personnes possible. Mais à quel prix ?
Notamment au prix de la flexibilité à tout-va. Derrière ce mot-valise se cachent des réalités bien concrètes pour les travailleurs et travailleuses : contrats précaires, heures supplémentaires non rémunérées, perte d’autonomie… Toutes ces mesures qui vous font plier, au risque de vous briser. Syndicats Magazine décrypte les différentes intentions du gouvernement en matière de flexibilité.

Le travail intérimaire

La flexibilité sur le marché du travail n’a rien de neuf. L’exemple le plus emblématique reste celui des intérimaires embauchés pour un autre employeur via un contrat temporaire, souvent journalier ou hebdomadaire. À tout moment, l’entreprise peut mettre fin à la collaboration. Résultat : c’est au travailleur de s’adapter en permanence, tandis que l’employeur tire les ficelles, tel un marionnettiste.

En 1977, la Belgique comptait quelque 24.000 intérimaires. En 2023, ils sont près de 700.000, soit environ 5% de l’emploi salarié. Cela équivaut à 100.000 emplois à temps plein. Depuis les années 2000, le travail intérimaire est présenté comme un tremplin vers un emploi stable. En réalité, il est devenu une forme de travail à part entière. Les travailleurs et travailleuses alternent contrats intérimaires, travail à durée déterminée, temps partiel, statut d’indépendant.

Le gouvernement Arizona veut aujourd’hui aller plus loin, en introduisant le contrat d’intérim à durée indéterminée. Un modèle qui plonge les travailleurs dans l’insécurité permanente.

Dans ce contexte, l’impact de la limitation des allocations de chômage à deux ans, combiné au caractère précaire du travail intérimaire, ne doit pas non plus être sous-estimé. En effet, en raison de leurs nombreux contrats temporaires, certains demandeurs d’emploi ne parviennent pas à sortir du statut de « chômeur de longue durée ». À l’avenir, ces mêmes personnes ne parviendront pas non plus à ouvrir de nouveaux droits au chômage, faute de contrats stables et en raison des trop nombreuses périodes sans emploi.

Les horaires

La coalition Arizona souhaite également laisser aux employeurs toute latitude pour déterminer les agendas et horaires de travail. Vous avez une vie sociale ? De famille ? Des travaux de rénovation en cours ? Une passion à laquelle vous aimez vous consacrer après le travail ? Tout cela, vous pouvez l’oublier avec le tandem Bouchez-De Wever.

Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ? Avec l’annualisation du temps de travail, le nombre d’heures que vous devez prester en moyenne par semaine est calculé sur base annuelle. Votre patron peut ainsi décider que vous devez travailler 50 heures par semaine pendant deux mois en période de pointe et compenser cela plus tard dans l’année, en prévoyant moins d’heures de travail. Être soumis aux caprices de son employeur, c’est ce qu’on appelle la flexibilité. En outre, l’Arizona lève l’interdiction du travail de nuit dans tous les secteurs, une mesure renforcée par le fait que le travail de nuit, et donc la prime qui l’accompagne, ne commencerait plus à 20h, mais à minuit.

En principe, l’employeur ne peut pas vous obliger à prester des heures supplémentaires. Il peut toutefois le faire si cela est prévu dans une convention collective de travail (CCT) ou en cas de circonstances exceptionnelles telles que la force majeure. Les heures supplémentaires volontaires ne nécessitent pas une telle convention collective ni de motif particulier. Un accord avec l’employeur suffit. Ces heures
supplémentaires « volontaires » peuvent être effectuées à raison de 360 heures par an (450 dans le secteur de l’horeca), sans sursalaire ni cotisations sociales supplémentaires. Selon le texte de l’accord de gouvernement, vous ne pouvez subir aucune conséquence négative si vous refusez d’effectuer ces heures supplémentaires volontaires. Mais quel travailleur ou travailleuse oserait dire « non » à son employeur ?

L’insécurité

Le gouvernement actuel veut également balayer toutes les protections liées aux contrats à temps partiel. Actuellement, un contrat de travail à temps partiel doit représenter au moins un tiers d’un contrat de travail à temps plein. Mais l’Arizona veut en finir avec ça. Dans le Far West de la flexibilité, tous les contrats imaginables seraient désormais permis.

Notre crainte ? Qu’un nombre croissant de travailleurs soient contraints de cumuler deux, voire trois emplois à temps partiel pour boucler leurs fins de mois. Une étude récente de l’Institut syndical européen (ETUI) confirme que les contrats à temps partiel augmentent le risque de pauvreté. On les appelle les « working poors », les travailleurs ou travailleuses pauvres.

Notre crainte ? Qu’un nombre croissant de travailleurs soient contraints de cumuler deux, voire trois emplois à temps partiel pour boucler leurs fins de mois.

En Belgique, 2,6% de la population active déclare déjà travailler moins d’heures que ce qu’elle souhaiterait, selon le bureau d’étude Steunpunt Werk. Les contrats précaires et incertains jouent ainsi en faveur de l’employeur, tandis que le travailleur est laissé pour compte.

De plus, le délai de préavis serait limité à 52 semaines maximum pour tous les nouveaux contrats de travail (et donc pas pour les contrats existants). Vous avez beaucoup d’ancienneté ? Cela n’a aucune importance. Le délai de préavis à prester ne pourra jamais dépasser un an et l’indemnité de licenciement ne pourra jamais être supérieure à l’équivalent d’un an de salaire.

Enfin, avec le gouvernement Arizona, le peu de sécurité existante pour les travailleurs qui débutent est vouée à disparaître. Tout travailleur ou travailleuse qui entre en service, même avec un contrat à durée indéterminée, pourra être licencié·e plus facilement au cours des six premiers mois. Pendant cette période, le délai de préavis – qu’il soit à l’initiative de l’employeur ou du travailleur – sera réduit à une seule semaine.

Vous venez de trouver votre premier emploi et vous emménagez seul ? Au bout de cinq mois, vous êtes brutalement licencié ? Résultat : vous vous retrouvez sans revenu et sans aucun droit à des allocations. Comme au Monopoly : « Allez directement en prison, sans passer par la case départ ».

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