Défaites vos idées toutes faites sur le chômage

Défaites vos idées toutes faites sur le chômage

« Chômeuse, fainéante. Chômeur, profiteur. Ils sont trop payés… ». La droite et le patronat tournent en boucle ces derniers temps. Ils réclament aujourd’hui de nouvelles mesures : limiter les allocations de chômage à 2 ans, les diminuer, accentuer les sanctions. Voilà leurs solutions miracles, la “marche glorieuse” vers le plein emploi. Sauf que… ça ne marche pas !

Une analyse de la FGTB wallonne.

Des mesures injustes et totalement inefficaces

Pas besoin d’être devin pour comprendre que ces mesures auraient des conséquences désastreuses : exclusion sociale, hausse de la pauvreté, aggravation des inégalités f/h, report sur les CPAS, augmentation des écarts entre régions et communes riches et celles les plus touchées par le chômage…

Tout cela, on le sait déjà, et ça ne dérange pas les partisans de ces mesures. Même les partis chrétiens se sont récemment convertis à ce nouveau dogme. A les entendre, il s’agirait de mesures sociales, qui aideraient les chômeurs et chômeuses à retrouver le chemin de l’emploi. Là où il y a un souci, c’est qu’il est maintenant prouvé que c’est tout le contraire qui se passe.

Et ce n’est pas la FGTB qui le dit. Ce sont des institutions aussi renommées et variées que l’UCL, l’ONEM, le FOREM, l’IRES, l’OCDE… Leurs conclusions ?

  • Limiter dans le temps, ça ne marche pas.
  • Faire baisser les allocations, ça ne marche pas.
  • Sanctionner et exclure, ça ne marche pas.

Aucune de ces mesures n’a eu d’effet positif sur l’insertion professionnelle ou sur le taux d’emploi. Le seul effet de l’exclusion, c’est au contraire d’éloigner encore plus de l’emploi !

La FGTB wallonne a rassemblé les résultats et conclusions de ces différentes études dans un dossier, qui fait le point sur deux décennies de précarisation de l’assurance chômage et dresse un constat d’ inefficacité totale.

Quelques exemples ?

  • Statistiquement, une personne exclue en 2015 a 2 fois moins de chances de retrouver un emploi qu’une personne qui perçoit toujours des allocations. (source : FOREM)
  • Le taux d’insertion à l’emploi des personnes subissant la dégressivité est moins élevé que celui de celles qui ne la subissent pas. (ONEM)
  • Les économies annoncées de la dégressivité se sont avérées marginales : 12 à 13 millions €/an sur un budget de l’ONEM oscillant entre 6,3 et 10,7 milliards selon les années[2]. (ONEM) On a connu des politiques plus efficaces et rentables.
  • L’interdiction d’accès aux allocations d’insertion pour les plus de 25 ans et les jeunes de moins de 21 ans sans diplôme du secondaire n’a eu aucun effet significatif sur leur insertion durable dans l’emploi. (IRES)

Sans emploi ? Plutôt sans emploi stable

Toutes ces mesures anti-chômeurs sont justifiées par des préjugés stigmatisants sans aucun fondement. Cf le stéréotype du chômeur trop payé, inactif , profiteur, fraudeur…  Pourtant, là aussi, les chiffres sont clairs : la grande majorité des personnes inscrites au FOREM – même celles dites « de longue durée » – travaillent et/ou suivent des formations. Mais elles ne trouvent pas d’emploi assez stable pour sortir des statistiques.

La grande majorité des personnes inscrites au FOREM travaillent et/ou suivent des formations.
Mais elles ne trouvent pas d’emploi assez stable pour sortir des statistiques.

Pour ne plus être considéré comme de longue durée, il faut en effet une période de travail ininterrompue de minimum 3 mois. Une durée de plus en plus difficile à atteindre vu la précarisation du marché de l’emploi et la multiplication des contrats courts et intérims de quelques jours. Résultat ? 68% des personnes inscrites au FOREM depuis une longue durée ont travaillé durant leur période de chômage. Mais n’ont pas trouvé d’emploi suffisamment stable. Idem pour les 28.200 chômeuses et chômeurs wallons indemnisés qui ont suivi une formation en 2021, soit 1 sur 4. Si leur formation a duré moins de 3 mois, ils restent considérés comme étant au chômage de longue durée.

Trop payé, vraiment ?

Autre intox : les allocations de chômage seraient trop élevées. Pourtant, ici aussi, les chiffres sont clairs : l’immense majorité des allocataires vivent sous le seuil de pauvreté. Et cela ne fait que s’aggraver depuis le renforcement de la dégressivité . Les personnes seules vivent 15 % sous le seuil de pauvreté, les familles monoparentales 26% en dessous, et les personnes en cohabitation 55%.

Allocation moyenne par rapport au seuil de pauvreté
Statut20132020
Personne seule91 %85 %
Chef/cheffe de ménage (principalement familles monoparentales)76 %74 %
Cohabitants/cohabitantes47 %45 %

Ceux qui nous présentent les sans emploi comme des rentiers qui vivraient sur le dos des travailleuses et travailleurs actifs, n’ont qu’un objectif : les dresser les uns contre les autres pour faire oublier le faible niveau des salaires !

Inefficacité de longue durée

Cela fait 20 ans qu’on contrôle et sanctionne. Ca fait 10 ans qu’on casse l’assurance chômage et ça ne marche pas. L’insertion à l’emploi n’augmente pas. Les seules courbes en hausse sont celles du nombre de personnes au CPAS.

Le constat est clair : échec sur toute la ligne !

Pourtant, le patronat, la droite, et maintenant le centre, veulent persévérer dans l’erreur et intensifier ce qui ne marche pas. Ils connaissent pourtant les études existantes, savent que leurs mesures n’ont aucun impact sur l’insertion professionnelle. Elles éloignent de l’emploi et accentuent la précarité. Mais ils s’en fichent. Car leur objectif réel est d’affaiblir l’assurance chômage et d’appauvrir les chômeurs et chômeuses pour précariser le marché de l’emploi, faire pression à la baisse sur les salaires et les conditions de travail.

En 2012, une ligne rouge a été franchie avec la limitation des allocations d’insertion. La FGTB wallonne avait alerté sur les conséquences de la mesure et annoncé le nombre d’exclusions. Ses analyses ont été méprisées et moquées par celles et ceux qui défendaient la mesure. Aujourd’hui, les conséquences sociales et l’échec de ces politiques leur donnent tort.

La limitation dans le temps des allocations de chômage est une nouvelle ligne rouge à ne pas franchir. Le monde politique – et a fortiori les partis se disant progressistes – ne peuvent baser leurs actions sur des préjugés et des théories invalidées par les faits et entraînant des catastrophes sociales en cascade.

Changeons de cap

Et si on décidait de s’attaquer au chômage plutôt qu’à celles et ceux qui le subissent ? Au lieu de reprendre des vieilles recettes inefficaces, il faut se tourner vers des mesures qui ont fait leur preuve.

Accompagner les demandeurs et demandeuses d’emploi, cela doit se faire de manière positive, non répressive. En partant du profil, des compétences, besoins et aspirations des personnes. C’est le modèle des Cellules de reconversion, qu’il convient d’ailleurs de renforcer, ou encore du projet Coup de Boost, destiné aux jeunes et initié par la FGTB wallonne. Deux projets qui ont, eux, de réels résultats en termes d’insertion socio-professionnelle.

Mais la lutte contre le chômage doit aussi et surtout se mener en amont, via la création d’emplois durables et de qualité. Pour cela, une solution toute simple existe, une mesure qui a encore récemment fait ses preuves dans le cadre d’un projet pilote en Grande-Bretagne. Cette mesure qui permettrait de créer des dizaines de milliers d’emploi et d’améliorer les conditions de travail et de vie de toutes et tous, c’est la réduction collective du temps de travail, avec maintien du salaire et embauche compensatoire. Une solution d’avenir, durable et efficace qui sera une des priorités de FGTB wallonne dans les années à venir.

Une solution toute simple existe, qui permettrait de créer des dizaines de milliers d’emploi et d’améliorer les conditions de travail et de vie de toutes et tous. C’est la réduction collective du temps de travail, avec maintien du salaire et embauche compensatoire.


[2] Remarque : ce budget ne comprend pas que le chômage complet mais aussi le chômage temporaire, le chômage covid, les crédits temps et congés thématiques, les RCC (ex-prépensions), les mesures d’activation. Le chômage complet ne représente, selon les années, que 30 à 40% des dépenses de l’ONEM.

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