Changement climatique et santé au travail: un « cocktail » explosif

Changement climatique et santé au travail: un « cocktail » explosif

Décès dus à la chaleur excessive, cancers liés à l’exposition aux rayons UV, blessures liées à des phénomènes météorologiques extrêmes: les conséquences du changement climatique sont lourdes pour le monde du travail, chez nous et partout dans le monde.

Le 28 avril, c’est la journée mondiale de la santé et la sécurité au travail. Une journée de prévention, qui rend par ailleurs hommage aux victimes d’accidents du travail et maladies professionnelles. Dans quelques jours, travailleuses et travailleurs voteront pour les élections sociales. Parmi les enjeux pour les délégués et déléguées de demain: l’amélioration de la sécurité sur le lieu de travail, la prévention des accidents… Tout ça, dans un environnement qui change au quotidien.

La CSI (Confédération syndicale internationale), ainsi que l’OIT (l’Organisation internationale du Travail) alertent cette année sur les risques du changement climatique sur la santé des travailleurs et travailleuses.

Altaf Hossain, charpentier au Bangladesh craint que trouver un travail régulier ne devienne de plus en plus difficile : « Les travailleurs ne sont pas responsables du changement climatique, mais il leur fait perdre tout ce qu’ils possèdent. Nous devons nous organiser et exiger des changements. » (Source: CSI)

Des risques pour la santé, la sécurité et l’emploi

« Les dangers liés au changement climatique ont de nombreux effets avérés sur la santé: blessures, cancers, maladies cardiovasculaires, maladies respiratoires, dégénérescence maculaire, problèmes de santé mentale, etc. », nous dit l’OIT dans son rapport. En parallèle, les risques matériels sont également importants, de nombreux métiers – et donc modes de subsistance – étant mis en péril par les catastrophes naturelles et dégâts liés au phénomènes climatiques: « les conséquences financières dues à la perte de productivité, à la perturbation des activités et aux infrastructures endommagées sont elles aussi considérables. » Les phénomènes naturels extrêmes sont également responsables d’accidents, de blessures et de décès, notamment au sein du personnel de sécurité, de sauvetage, des services d’urgence ou de nettoyage après ces catastrophes.

« De nombreux phénomènes météorologiques extrêmes ont sérieusement endommagé des installations dangereuses comme des usines ou des sites d’extraction, déclenchant le rejet de substances dangereuses, des incendies et des explosions. »

Rapport de l’OIT

Les décès dus à la chaleur sur le lieu de travail augmentent de 40% dans l’UE

Alors que le changement climatique s’intensifie, les travailleurs du monde entier sont de plus en plus exposés à des risques tels que la chaleur excessive, les rayons ultraviolets, les phénomènes météorologiques extrêmes, la pollution atmosphérique, les maladies à transmission vectorielle et les produits agrochimiques.

Rapport de l’OIT

En Espagne, en 2022, un sexagénaire s’est évanoui et est décédé alors qu’il travaillait dans un entrepôt près de Madrid, où ses collègues ont déclaré que la chaleur avait atteint 46°C. En Italie, l’été dernier, un grutier de 75 ans, Ciro Adinolfi, est mort d’une crise cardiaque devant son fils alors qu’il travaillait sur le chantier de construction d’un entrepôt d’Amazon, par des températures avoisinant les 40°C. En France, Tony Leroy, 44 ans, est mort d’une crise cardiaque alors qu’il travaillait sur un chantier par des températures élevées.

Ces exemples nous viennent de la CES (la Confédération des syndicats européens), qui indique que « le nombre de personnes qui meurent au travail à cause de la chaleur extrême augmente plus rapidement dans l’Union européenne que dans n’importe quelle autre partie du monde. » L’UE a connu une augmentation de 42 % des décès sur le lieu de travail liés à la chaleur depuis 2000. 67 personnes ont perdu la vie en 2020 des suites d’une chaleur accablante au travail, selon les chiffres de l’OIT.

L’Agence européenne pour l’environnement confirme que les vagues de chaleur en Europe ont déjà « entraîné une augmentation de l’incidence des coups de chaleur et des décès parmi les travailleurs en extérieur, en particulier dans les secteurs de l’agriculture, de la construction, de l’entretien des rues et de la collecte des déchets ».

Rayonnement UV et pollution de l’air

Dans le monde, 1,6 milliard de travailleurs et travailleuses sont exposés chaque année au rayonnement UV sur leur lieu de travail, et autant à la pollution de l’air. Avec pour conséquences des cancers de la peau, des poumons, des lésions oculaires, des maladies respiratoires…

« L’amincissement progressif de la couche d’ozone, dû au rejet par les activités industrielles et d’autres activités humaines de substances favorisant ce phénomène, est donc un motif de préoccupation majeur », poursuit l’OIT. « Le rayonnement UV solaire est particulièrement problématique pour les travailleurs en extérieur. » Un facteur supplémentaire: de nombreux travailleurs ne sont pas forcément conscientisés aux risques qu’ils prennent au quotidien, et ne bénéficient pas des protections nécessaires.

Des droits adaptés aux réalités

S’ajoutent d’autres risques, comme les maladies parasitaires (notamment liés à la prolifération d’insectes), les intoxications liées à l’usage de pesticides… En bref, les sources d’inquiétudes sont nombreuses, et il est urgent de lutter à la fois pour le climat et pour une transition qui tiennent compte de la santé et la sécurité des travailleurs et travailleuses à travers le monde.

« 70 pour cent de la main-d’œuvre mondiale est susceptible d’être exposée aux risques sanitaires liés au changement climatique, et les protections existantes en matière de sécurité et de santé au travail (SST) peinent à faire face aux risques », conclut l’OIT.

Toutes causes confondues, les dernières estimations mondiales de l’OIT indiquent qu’en 2019 environ 2,93 millions de travailleurs ont perdu la vie à la suite d’accidents du travail ou de maladies professionnelles et plus de 395 millions ont été victimes d’accidents du travail non mortels.

L’OIT et la CSI insistent sur la nécessité, au niveau mondial, d’adapter les outils, normes et législation existantes à la situation actuelle, et aux risques croissants pris par les travailleurs et travailleuses. Car la santé humaine et la sécurité doivent être au sommet des priorités.

Un événement mondial

Un événement mondial réunissant des experts et des conférenciers invités venus de gouvernements, d’employeurs et de travailleurs pour discuter de la manière de protéger les travailleurs et de répondre à ce défi mondial a eu lieu le 25 avril, et est disponible en vidéo sur OIT Live .

Lire par ailleurs: le magazine de la CES sur la question: https://www.etui.org/fr/publications/les-travailleurs-face-aux-enjeux-climatiques

Aurélie Vandecasteele
Rédactrice en chef, Syndicats Magazine, FGTB | Plus de publications

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