Vous les avez certainement croisés lors de manifestations en front commun. Ils brandissent fièrement leurs kalashnikovs (en carton !) vers le ciel. Et portent des chasubles au nom de leur… gang. C’est le Gang des Vieux en Colère ! Celui qui n’a plus rien à perdre. Celui qui se bat pour que les générations futures puissent vieillir dans la dignité. Nous avons rencontré le parrain, Pierre, et Anne, Jean-Jacques, Nadine et Denis, gangsters de première ligne.
À l’origine, une bande d’amis
Tout a commencé lors d’une soirée entre amis. L’un d’entre eux, artiste, a confié au reste que sa retraite ne s’élèvait qu’à… 600 euros net par mois ! Indignés, ils ont décidé d’agir. Et de créer un mouvement citoyen, inclusif, indépendant de tout parti – mais avec une tendance certes à gauche – qui se bat pour de meilleurs conditions de vie pour les personnes âgées. « Des vieux, animés par la colère contre les injustices. Nous voulons rester actifs, mais dans la bonne humeur. Car l’humour passe mieux qu’une simple revendication », explique Denis, le sourire aux lèvres. Le Gang des Vieux en Colère voit le jour en 2018. Sa première grosse action : la remise d’une lettre ouverte au cabinet du Premier ministre Charles Michel. Le gang s’oppose alors au système de pension à points, et conteste le fait que le montant des pensions dépende chaque année des dettes et du budget de l’État.
Actuellement, plus de 14 000 membres
Aujourd’hui le gang compte plus de 14 000 membres et sympathisants, pensionnés, prépensionnés et autres personnes intéressées par la situation « des vieux ». « Oui, vous pouvez dire vieux. Aujourd’hui le mot ‘vieux’ a une connotation négative. Mais ce n’est pas une mauvaise chose d’être vieux. D’ailleurs moi je ne me sens pas vieux », explique Jean-Jacques, le surnommé « MacGyver » du groupe, l’homme à tout faire.
Parmi les membres actifs, des personnes d’horizons très différents, qui représentent toutes les tranches des travailleurs : anciens employés, indépendants, artistes, fonctionnaires… et des anciens délégués, notamment de la FGTB. « Au sein du groupe, chacun apporte ses compétences : graphisme, relecture de textes, informatique, aide juridique… Dans la joie et la bonne humeur ! » précise Nadine.
Le gang dénonce
Actuellement, les personnes âgées en Belgique sont confrontées à de nombreuses difficultés. Le gang en dénonce trois, et pas des moindres. Les pensions trop faibles, l’exclusion numérique et la maltraitance dans les maisons de repos. Les pensions actuelles ne permettent pas de vivre dans la dignité. Les femmes, qui ont souvent eu des jobs à temps partiel, sont celles qui en souffrent le plus. « Avec l’augmentation des prix de l’énergie, la situation va s’empirer. On ne le verra que dans quelques mois, quand les factures annuelles vont tomber », regrette Pierre.
La numérisation, elle, provoque l’exclusion des personnes âgées. Pour prendre rendez-vous à l’hôpital, pour contacter le service des pensions, la mutuelle, il faut passer par l’ordinateur ou le smartphone. Sans compter que l’argent liquide disparaît.
Enfin, le gang pointe du doigt la maltraitance dans les maisons de repos, accentuée par la crise du coronavirus. Une enquête d’Amnesty international l’a d’ailleurs confirmé : lors de la crise sanitaire, les maisons de repos et leurs résidents ont été abandonnés par les autorités.
Ses principales revendications
Tout d’abord, l’augmentation de la pension minimum légale à 1 690 euros net par mois pour toutes et tous avec la suppression du critère de carrière complète. « Actuellement, la pension est le reflet du travail. Cela devrait être plutôt une question de solidarité. Il faut aller chercher l’argent là où il y en a », explique Pierre, le parrain du gang, qui pointe notamment du doigt l’évasion fiscale et les tendances libérales du gouvernement. « Il faut aussi rabaisser l’âge de la pension à 65 ans, et pas à 67 comme porté par le gouvernement Michel ». Le gang revendique également la reconnaissance de la pénibilité du travail pour accéder à une pension anticipée.
En matière d’aides pour les pensionnés en difficulté, le gang prône le remplacement de la GRAPA (Garantie de Revenu pour les Personnes Âgées) par le « Minimum pension décente universel », soit les 1 690 euros net par mois. Il faudrait également relever les seuils de taxations, d’imposition des pensions de retraites au-dessus des 1 690 euros.
Enfin, le gang demande la nomination d’un « Délégué aux Droits des Seniors», chargé du contrôle de la qualité de vie et du respect des droits humains des personnes âgées, notamment dans les maisons de repos.
« Rendez-nous notre trésor ! »
Pétitions, publication de magazine, sit-in, participation à des manifestations, … « On nous écoute quand on sort dans la rue. Il ne faut pas se laisser faire. D’autant plus qu’on a plus rien à perdre et on a le temps. Beaucoup de temps… », plaisante Anne. « Durant ces 4 années, il y a eu des actions spectaculaires », se souvient Nadine. En décembre 2019, les membres du gang déguisés en pirates ont rejoint le « Flashmob Justice Fiscale » et ont envahi un magasin Delhaize en criant « Rendez-nous notre trésor ! ». L’objectif de cette action ? Dénoncer l’évasion fiscale des grands groupes, qui ampute considérablement les moyens nécessaires au financement de la sécurité sociale. Et donc de la pension.
Et leurs actions portent leurs fruits. Le 22 novembre 2021 , le Gang des Vieux en Colère s’est réuni devant la tour des Pensions à Bruxelles. Le but ? Demander une modification du mode de vérification de la condition de résidence et un assouplissement des séjours à l’étranger pour les bénéficiaires de la GRAPA. En effet, seuls 29 jours de séjour à l’étranger leur étaient autorisés. Et un facteur devait vérifier la présence des bénéficiaires à domicile. Grâce à cette mobilisation, plusieurs avancées ont été obtenues. Une procédure de vérification plus discrète et moins intrusive : une lettre recommandée. Certaines catégories de personnes, parmi lesquelles celles inscrites au CPAS, les résidents des maisons de repos et les plus de 80 ans ne sont plus pourchassées. Enfin, un assouplissement concernant les jours de voyages à l’étranger. « Ce sont des petites victoires. Il reste encore beaucoup d’injustices. On continue notre combat pour que les générations futures puissent vieillir en dignité. »
Et nous, on les remercie !
Très bien … continuez l’action !!!
Bravo inattendu
À quand le jour de rdv dans toutes les galeries commerciales du pays avec nos tables et chaises pour des jeux de société dans ces chauffoirs?