Première parution : 24 septembre 2020 / Mise à jour 15 octobre 2021
Récemment, l’asbl belge Repair&Share publiait son manifeste pour un « droit à la réparation » des objets. Ce manifeste milite pour une plus grande durabilité des appareils du quotidien. « Nos objets sont de moins en moins durables. Et lorsqu’ils tombent en panne, ils sont difficiles à réparer : les pièces sont collées, les pièces de rechange manquent, il n’y a pas de réparateur à proximité, … Nous appelons les fabricants, les commerçants et les politiciens à changer cela. La réparation est bonne pour l’environnement, elle évite la surconsommation et crée des emplois locaux. »
Les revendications de Repair&Share sont simples : une garantie plus longue, des manuels de réparation à disposition, des pièces de rechange abordables et facilement disponibles et des services de réparation accessibles (tant financièrement que géographiquement). Ces revendications s’adressent tant aux politiques, qu’aux fabricants et détaillants.
En octobre 2021, Microsoft s’engageait discrètement en faveur de ce « droit à la réparation ». Le géant informatique s’est engagé à prendre des mesures concrètes pour faciliter la réparation indépendante de ses appareils par les consommateurs, et l’accès aux pièces nécessaires. Des promesses qui devront évidemment être suivies d’actes. L’occasion pour nous de revenir plus largement sur le mouvement « Right to repair / droit à la réparation ».
Trop vité usé ?
Test-Achats, également partie prenante de la campagne « Repair&Share » interroge ses utilisateurs sur la durée de vie de leurs appareils électriques, via son point de relais en ligne « Trop vite usé ». Plus de 12.000 témoignages ont été reçus jusqu’à présent, et les chiffres confirment la tendance : 68 % des produits signalés comme cassés ont une durée de vie de moins de 3 ans. 82 % des tentatives de réparation ont échoué. Plusieurs témoignages attestent des mêmes faits : smartphone qui s’éteint après deux ans, mises à jour indisponibles, lave-linge qui tombe en panne et dont la réparation coûterait autant qu’un modèle neuf…
Un impact grandissant sur la planète
Chaque Belge produit 10 kilos chaque année de déchets électroniques divers. À l’échelle mondiale, c’est plus de 50 millions de tonnes de ces déchets qui s’accumulent, tous les ans. Ce chiffre est en augmentation depuis cinq ans, selon un rapport de l’ONU. Seuls 17 % de ces déchets sont recyclés, le reste est tout simplement jeté. « Les produits électroniques ont une forte empreinte écologique. Leur fabrication nécessite des matières premières précieuses et une quantité d’énergie considérable. Lorsque ces produits sont mis au rebut, toute l’énergie qu’ils contiennent ainsi que de nombreux matériaux sont perdus. Seule une petite partie peut effectivement être récupérée par le recyclage. C’est pourquoi l’allongement de la durée de vie des produits électriques et électroniques par la réparation est le moyen le plus efficace de réduire leur empreinte écologique globale », indique l’asbl « Repair Together », qui représente notamment le réseau des Repair Cafés en Wallonie et à Bruxelles.
Donner les clés pour réparer
L’asbl explique que pour permettre une durée de vie plus longue aux objets, il est essentiel de fournir à l’utilisateur les clés de la réparation. « Pour Repair Together, les freins à la réparation sont également une forme d’obsolescence programmée : ne pas (éco)concevoir un appareil en pensant à sa réparation, mais surtout empêcher la réparation en utilisant des ‘vis de sécurité’ à tête farfelue ou en collant le contenu interne de l’appareil… La complexification démesurée est également visée, en ajoutant nombre de fonctions peu utiles ou en électronisant des parties où cela n’a que peu de sens. Tout cela freine la réparation. »
Right to Repair Europe
Repair Together fait partie de la coalition Right to Repair Europe. Celle ci-lançait, voici quelques jours, une campagne appelée #10yearsPhone. Son objectif : faire pression sur les autorités européennes, pour des produits plus durables et plus réparables. « Il est temps d’agir. Le dernier rapport du GIEC est on ne peut plus clair et à l’approche de la COP26, les mots doivent être soutenus par une action et une législation réelles. Prolonger la durée de vie des smartphones et autres appareils électroniques EST ce qui a le plus de sens. »
On entend souvent dire que les objets électriques « d’avant » étaient plus résistants… Qu’aujourd’hui, vu la difficulté à trouver des pièces de rechange ou même un réparateur, autant acheter directement un nouvel appareil en cas de panne. Il ne s’agit pas d’un mythe, mais bien d’une réalité qui doit être combattue. Gaspillage, surconsommation et accumulation de déchets ne font pas bon ménage avec les défis climatiques d’aujourd’hui.
« Le recyclage est une conséquence du consumérisme. La réparation doit reprendre une place centrale »
En Wallonie, l’asbl « Repair Together » lutte pour le droit à la réparation, contre l’obsolescence programmée, sensibilise aux problèmes environnementaux. Concrètement, elle est aussi et surtout la structure d’accompagnement de l’ensemble des « Repair Cafés » de Wallonie et Bruxelles. Un Repair Café est un rendez-vous convivial, où des citoyens réparent ensemble des objets, et partagent des savoir-faire, bénévolement. Ces rendez-vous se tiennent généralement une fois par mois, dans de très nombreuses communes wallonnes et bruxelloises. Et le 16 octobre 2021, c’est le « Repair Day », journée internationale consacré (au droit) à la réparation ! Entretien avec Luc Deriez, coordinateur général de l’asbl.
Un peu d’histoire ?
Luc Deriez : Nous avons lancé le premier Repair Café de Belgique à Ixelles, en Il s’agit d’un concept qui vient des Pays-Bas. Très rapidement, des gens sont venus, ont aimé le projet, et nous ont demandé « Comment peut-on ouvrir un Repair Café ? ». C’est ainsi que l’asbl est née, quelques mois après. Ce n’était pas prévu au départ, mais cela permettait d’avoir un réseau, d’avancer plus vite. Nous avons passé énormément de soirées à expliquer, à accompagner des projets. Cinq ans après l’ouverture, on comptait 100 Repair Cafés en Wallonie et à Bruxelles. Aujourd’hui, il y en a 178. Chaque Repair Café est autonome, et nous fonctionnons en réseau, selon une charte commune.
Quel est votre public?
Luc : Tout le monde. Nous visons tous les publics. Il y a eu un gros travail de terrain, avec les associations locales, pour réussir à toucher les publics les plus précarisés, qui n’osaient pas venir nous voir. On nous a taxés de « bobos », au départ.
Quelles sont vos missions ?
Luc : On travaille avec plusieurs objectifs : le premier est évidemment de réduire les déchets, éviter la surconsommation, défendre le droit à la réparation. Mais nous visons aussi la cohésion sociale : les Repair Cafés permettent de reprendre contact avec ses voisins, de se rendre mutuellement service, de retisser du lien dans les quartiers. Enfin, il y a l’aspect « transmission des savoirs » entre générations. Nous avons des gens incroyables, des pensionnés qui viennent transmettre leurs connaissances à des jeunes. Réparer un objet, c’est un vrai dépassement
de soi. Un des exemples que j’ai en tête : on travaille avec des groupes de NEET (des personnes qui ne sont ni à l’emploi, ni en formation, ni à l’école, ndlr), par exemple, qui passent une journée dans un Repair Café. C’est une expérience très enrichissante pour eux, ils le disent. Les gens sont fiers de pouvoir réparer quelque chose. La réparation doit reprendre une vraie place, centrale. On entend toujours parler de « recyclage », mais le recyclage n’est qu’une conséquence du consumérisme. Il faut revenir à la réparation.
Vous voulez connaître le Repair Café le plus proche de chez vous ? Connaître les disponibilités, les jours et lieux où il est organisé ? Devenir bénévole? Rendez-vous sur https://repairtogether.be, sur la page Agenda. Chaque événement est participatif et collaboratif, et chaque participant donne « ce qu’il peut », s’il le peut, pour soutenir l’initiative.