Racisme au travail : unir par l’action syndicale

Racisme au travail : unir par l’action syndicale

En Belgique, l’origine d’une personne reste un obstacle sur le marché du travail. Un constat également valable sur le marché du travail bruxellois, comme le démontrait le monitoring des inégalités au travail réalisé en 2019 par la FGTB Bruxelles. C’est pour continuer à lutter contre ce phénomène persistant dans nos sociétés que se tenaient récemment au Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, les Assises contre le racisme.

Spéro Houmey, permanent à la Centrale Générale, y est intervenu pour présenter les recommandations syndicales. Nous sommes allés à sa rencontre.

Spéro, peux-tu nous expliquer la position syndicale par rapport au racisme sur le lieu de travail ?

En entreprise, le racisme est source de clivages, tandis que l’action syndicale unit. Les théories « racistes » détournent
l’attention des questions sociales, d’inégalités, en donnant des explications et des réponses identitaires aux problèmes de société. Les syndicats approchent donc le racisme et les discriminations avant tout sous l’angle des dominations économiques que sont l’exploitation du travail, le colonialisme et le patriarcat. Ils s’inscrivent eux dans une perspective solidaire, basée sur l’intérêt général, entre les travailleuses et travailleurs de tous les pays. Et cette solidarité dépasse les différences liées à la culture, dans la défense collective des travailleuses et des travailleurs. Car, dans les rapports de force avec les employeurs, il importe d’assurer la plus large unité, par-delà la pluralité des genres, des identités et des origines.

Contre le racisme au travail, les syndicats privilégient une approche sectorielle…

Oui. La Belgique peut être citée en exemple en matière de politiques antidiscriminatoires à l’embauche, mais le constat est clair : il y a des secteurs où certaines communautés sont exclues. Nous préférons donc adopter une approche sectorielle pour permettre à nos conseillers de mieux maîtriser des questions qui sont parfois spécifiques à certains secteurs.
Face au dispositif légal existant, en tant qu’employeur, je ne vais pas pouvoir refuser une personne sur base de critères discriminants. Par contre, je peux demain facilement licencier la personne par rapport à son origine, à son sexe, à son genre, et cætera, et cela, sans qu’on s’en rende compte… Il suffit que j’articule la fonction, la charge de travail et le règlement de travail au détriment du travailleur ou de la travailleuse. Et ça, je peux le faire !

Le constat est clair : il y a des secteurs où certaines communautés sont exclues.

Il y a également la protection des victimes et des lanceurs d’alerte. On n’en fait pas assez actuellement ?

L’expérience du terrain nous démontre que les victimes n’osent pas rapporter les faits. Il faut se mettre dans leur position : lorsque tu te plains d’être harcelé, quelle est la perception de tes collègues de la situation ? Dans les entreprises, on ne sensibilise pas les gens à cela. Et donc les travailleurs et travailleuses se disent « Est-ce que j’ai intérêt à aller attirer l’attention sur un problème qui risque de créer des tensions entre les ou avec les collègues ? ».
Très souvent d’ailleurs, ce sont les collègues qui dénoncent… Est-ce qu’il ne serait pas intéressant, sans tomber dans un système de délation, lorsqu’on est face à un cas dans une entreprise, de créer une sorte de « bulle » afin d’apaiser les tensions ? Ensuite accompagner la victime, et parfois aller plus loin avec l’auteur pour connaître la cause de l’acte incriminé. Parce que connaître la cause va permettre de travailler sur des mesures positives…

Il y a aussi la question épineuse de l’équivalence des diplômes…

Oui. Dans le secteur des titres-services par exemple, on trouvera des gens qui ont fait des études d’infirmiers, des
psychologues, journalistes… et qui, parce qu’ils n’ont pas été informés ou bien face à la complexité de la procédure,
se découragent. Regardons chez nos voisins : aucun pays francophone n’a de problèmes de reconnaissance de niveau en France. Pourquoi ? Parce qu’on vous demande la liste des matières que vous avez suivies. Et c’est à partir de la liste des matières que l’on détermine si les études correspondent ou pas. En Belgique, pourquoi ne pas mettre en place un mécanisme de valorisation ou de stage complémentaires plutôt que de recaler uniquement sur des critères formels ?
On se retrouve dans une situation hypocrite : je connais par exemple des maisons de repos qui utilisent des travailleurs et travailleuses de Pologne, dont le diplômes ne sont pas reconnus. Attention : on ne va pas demander demain à des professions protégées (médecin, avocat…) d’être reconnues de manière automatique, mais il faut aussi tenir compte de la réalité du terrain !

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