Ce 19 octobre était une journée noire pour la liberté syndicale. Les condamnations des « 17 » ont été confirmées en Cour d’appel, et les amendes infligées ont même été revues à la hausse. Une nouvelle claque pour les personnes concernées, la FGTB, le monde syndical et la démocratie. Il faut maintenant voir au-delà des 17. Une manifestation de soutien s’est tenue à Liège, Place Saint-Lambert.
Condamnés pour avoir été présents
Les faits. Dix-sept syndicalistes se sont vus condamnés le 23 novembre 2020 par le Tribunal correctionnel de Liège pour « entrave méchante à la circulation » sur l’autoroute, à hauteur du pont de Cheratte. Les faits incriminés remontent au 19 octobre 2015, jour de grève générale. Six leaders syndicaux, dont le Président de la FGTB, Thierry Bodson, ont écopé d’un mois de prison, les autres de quinze jours, le tout avec sursis. A cela s’ajoutent des amendes de plusieurs centaines d’euros. Ce 19 octobre, la Cour d’appel confirmait donc cette condamnation.
Rappelons que les 17 personnes sur le banc des accusés, puis condamnées, n’avaient fait qu’être présents sur le barrage routier, à un moment de la journée, et parmi des dizaines d’autres personnes. Alors pourquoi eux? Parce que leur présence a été attestée par des photos dans les journaux et sur les réseaux sociaux. À de nombreux égards, le jugement est contestable. L’histoire en rappelle évidemment une autre: la condamnation de Bruno Verlaeckt en 2019, pour les mêmes faits, mais cette fois à Anvers. « Entrave méchante à la circulation », condamnation, confirmation en appel. Là encore, un leader syndical s’est vu servir d’exemple.
Relire l’historique de l’affaire du Pont de Cheratte
Museler par la peur
Mais il est nécessaire d’aller au-delà de ce qui arrive aux « 17 », ou de ce qui s’est produit à Anvers. Cette décision de justice arrange, une fois encore, la droite. Une droite qui multiplie les attaques envers les libertés syndicales. Qui souhaite en finir avec le syndicalisme de combat, voire le syndicalisme tout court. De toute cette affaire émane un relent de justice de classe, qui vient tenter de museler, formater la contestation.
Car au-delà de ces 17 syndicalistes, c’est l’ensemble du monde du travail, du monde militant, qui est menacé par cette décision de justice. Les libertés syndicales, le droit de manifester, le droit de grève au sens large sont mis à mal par cette condamnation. Demain, la simple présence sur une manifestation pourra-t-elle mener à la prison? Comment, dès lors, ne pas craindre que le monde militant se taira, se retiendra de descendre dans la rue pour défendre ses luttes et valeurs?
Limiter le droit de grève sous couvert de modernisation
L’un des syndicalistes condamnés, délégué, ne disait pas autre chose ce mardi à Liège : « Aujourd’hui, notre liberté syndicale vient encore de prendre un sale coup… Comment allons-nous, demain, demander aux travailleurs de sortir de leurs usines pour manifester, alors qu’ils risquent la prison ? Ce ne sont pas des attaques vers 17 syndicalistes, mais vers onze millions de Belges qui, demain ne pourront plus faire entendre leur voix dans la rue. »
Jean Faniel, directeur général du CRISP, était sur les ondes de la Première. Il y disait entre autres ceci: « Certains parlent de moderniser le droit de grève. Ils donnent plutôt l’impression de vouloir le limiter. (…) La démocratie ne se limite pas à un bulletin de vote tous les 5 ans. La manière d’exprimer des opinions ou d’essayer de faire pression nécessite la protection de certains droits. La grève est reconnue comme une liberté fondamentale, avec toutes les interprétations de son ampleur, qui manifestement traversent la justice. »
Résister, unis
Tout le monde est concerné. Toutes et tous les militants, les progressistes, les féministes, celles et ceux qui, un jour, pour une raison ou une autre, auront besoin de mettre la pression sur les pouvoirs en place, pour défendre leurs droits. La FGTB continuera de contester cette décision, et est déterminée à aller devant la Cour européenne des Droits de l’Homme. Des actions de terrain sont également attendues. Car ils étaient nombreux, à Liège, à le répéter: c’est unis, et dans la rue, que l’on se fera entendre.
Jean-François Tamellini, secrétaire général de la FGTB Wallonne, insiste : le contre-pouvoir que constitue la FGTB est l’un des derniers remparts contre le capitalisme outrancier, l’inégalité croissante et les discours de haine. « Je pense aux anciens qui se sont battus pour le droit de grève. Aujourd’hui, on veut nous empêcher de négocier. Et il est impossible de négocier sans rapport de force. Nous devons résister. Il s’agit d’un enjeu majeur pour le syndicalisme de combat que nous défendons. On ne peut pas continuer de baisser la tête devant un système qui exploite et qui alimente les inégalités. Ce week-end, plusieurs d’entre nous étaient à Rome pour défendre les camarades de la CGIL. Si on met le genou à terre aujourd’hui, nous ouvrons un boulevard à l’extrême droite. »
Viva la révolution merde on a pas que des devoirs on a aussi des droits respectons les!!!!